Signé An. Tchékhov, ce texte parut en janvier 1887 dans le journal de Souvorine, Temps nouveau. Il trouva ensuite place dans le recueil Au crépuscule, et dans l’édition d’Adolphe Marx des œuvres de l’auteur.
Le récit reflète certaines questions venant tout juste d’être abordées au Deuxième Congrès des médecins russes, en mémoire de Nikolaï Pirogov*, qui s’était tenu au début du mois à Moscou. Y furent notamment évoquées les mauvaises relations entre les médecins et le public : les médecins avaient de mauvaises conditions de vie et de travail. Et la population était insuffisamment pourvue en médecins… Ce qui semble s’esquisser, c’est que les couches supérieures méprisaient les médecins, et que ceux-ci (les médecins de zemstvo, c’est-à-dire de campagne) étaient en trop petit nombre et trop mal équipés pour fournir une aide véritable à la population rurale. Les gens se plaignaient du « formalisme » des médecins, de leur manque d’humanité, et ceux-ci, à leur tour, se jugeaient complètement exploités.
La critique vit dans ce texte l’opposition de deux types sociaux relevant tous deux de l’intelligentsia : les repus et les affamés – une autre nouvelle de la même époque, Cauchemar (non encore traduite), décrit la misère d’un pope de campagne. Certains commentateurs eurent la dent dure, trouvant le récit guindé, artificiel, la fin écourtée, etc.
D’autres, au contraire, apprécièrent grandement la nouvelle. Ce fut le cas D’Ivan Bounine, qui devint par la suite l’ami de Tchékhov et écrivit lui-même, plus de vingt ans après Ennemis, une longue et âpre nouvelle, Le Village. Intellectuel de renom, Dmitri Merejkovski loua jusqu’au talent poétique de Tchékhov, disant de lui que ce diable d’auteur arrivait à « poétiser la mort »…
(Cette présentation a été faite à partir de la notice historique trouvée dans l’édition intégrale des œuvres de Tchékhov par l’Académie des sciences de l’URSS, voici une cinquantaine d’années)
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Un sombre soir de septembre, à neuf heures passées, la diphtérie emportait le petit André âgé de six ans, fils unique du docteur Kirilov, médecin de zemstvo1. Alors que la femme du docteur, dans un premier accès de désespoir, se laissait tomber à genoux devant le lit de l’enfant mort, un brutal coup de sonnette retentit dans le vestibule.
En raison du cas de diphtérie, les domestiques avaient été éloignés depuis le matin. Habillé comme il l’était, sans redingote, le gilet déboutonné, Kirilov alla lui-même ouvrir, sans essuyer sa figure moite ni ses mains brûlées par le phénol. Il faisait sombre dans le vestibule, et l’on ne distinguait, dans l’individu venant d’entrer, qu’un homme de taille moyenne, avec un cache-nez blanc et un grand visage extraordinairement pâle, pâle au point que son apparition jetait un peu de lumière dans la pénombre de l’antichambre…
« Le docteur est là ? demanda précipitamment l’homme.
— C’est moi, répondit Kirilov. Qu’y a-t-il pour votre service ?
— Ah, c’est vous ? Enchanté ! s’exclama avec joie le visiteur, qui se mit à chercher dans le noir la main du docteur pour, l’ayant trouvée, la serrer fortement dans les siennes. Ravi… enchanté ! Nous nous connaissons !… Aboguine… j’ai eu le plaisir de vous voir cet été chez Gnoutchev. Je suis ravi de vous trouver… De grâce, ne refusez pas, accompagnez-moi… Ma femme est gravement malade… J’ai ici une voiture… »
Sa voix et ses gestes témoignaient d’une vive excitation chez le visiteur. Comme un homme épouvanté par un incendie ou un chien enragé, il haletait, retenant à peine sa respiration, et parlait vite, d’une voix tremblante, et ses propos avaient quelque chose d’authentique, une peur enfantine s’y faisait entendre. Comme tous les gens effrayés et abasourdis, il s’exprimait par phrases courtes, saccadées, en prononçant beaucoup de paroles inutiles et ne menant pas du tout au fait.
« J’avais peur de ne pas vous trouver, reprit-il. Le temps d’arriver chez vous, j’ai souffert mille morts… Habillez-vous et partons, pour l’amour de Dieu… Voici comment c’est arrivé. Paptchinski est arrivé chez moi : vous savez, Alexandre Semionovitch Paptchinski, vous le connaissez… Nous avons causé un peu… puis nous nous sommes assis pour prendre le thé ; ma femme a soudain poussé un cri, a posé la main sur son cœur et s’est affaissée sur le dossier de sa chaise. Nous l’avons étendue sur un lit et… j’ai eu beau lui frictionner les tempes à l’ammoniaque et l’asperger d’eau… Elle gisait comme une morte… Je crains que ce ne soit un anévrisme… Allons-y… son père est justement mort d’un anévrisme… »
Kirilov écoutait sans rien dire, en ayant l’air de ne pas comprendre le russe.
Lorsque Aboguine réitéra son allusion au père de son épouse ainsi qu’à Paptchinski, et qu’il se remit à chercher sa main dans les ténèbres, le docteur secoua la tête et dit lentement, en étirant chaque mot :
« Excusez-moi, je ne peux pas venir… Je viens de… perdre mon fils… il y a cinq minutes…
— Vraiment ? chuchota Aboguine en faisant un pas en arrière. Ah, mon Dieu, comme je tombe mal ! Quel jour néfaste, c’est stupéfiant ! Quelle coïncidence… on dirait un fait exprès ! »
Aboguine saisit la poignée de la porte et baissa la tête, semblant réfléchir. Visiblement, il hésitait et ne savait pas quoi faire : s’en aller, ou continuer à implorer le docteur.
« Écoutez, dit-il avec fièvre en attrapant Kirilov par la manche, je comprends parfaitement votre situation ! Dieu m’est témoin, j’ai honte d’essayer d’accaparer votre attention dans de telles minutes, mais que puis-je faire ? Jugez-vous même, à qui puis-je m’adresser ? En dehors de vous, il n’y a pas de médecin, ici. Partons, pour l’amour de Dieu ! Je ne vous demande pas cela pour moi… Ce n’est pas moi qui suis malade ! »
Il y eut un silence. Kirilov tourna le dos à Aboguine, attendit quelques instants et sortit lentement du vestibule pour gagner le salon. À en juger par sa démarche incertaine, machinale, et par l’attention qu’il mit à y rectifier l’abat-jour en peluche d’une lampe éteinte, par le regard qu’il accorda au gros livre traînant sur la table, à ce moment, il ne manifestait aucune intention, aucun désir, il ne pensait à rien et ne se souvenait sans doute déjà plus de la présence d’un étranger chez lui, dans le vestibule. La pénombre et le silence régnant dans le salon accentuèrent apparemment son hébétude. Il sortit du salon et passa dans son cabinet en levant trop haut la jambe droite et en tâtonnant pour trouver les chambranles des portes : à cet instant, toute sa silhouette semblait embarrassée, il avait l’air de se retrouver dans un appartement inconnu, ou de s’être enivré pour la première fois de sa vie et de se livrer avec perplexité à cette sensation nouvelle pour lui. Sur un mur du cabinet, traversant une bibliothèque vitrée, s’étirait une large bande de lumière ; cette lumière provenait, de même que l’odeur de phénol et d’éther, de la porte légèrement entrouverte donnant sur la chambre à coucher… Le docteur se laissa tomber dans son fauteuil, devant son bureau ; il regarda un instant d’un œil un peu endormi ses livres éclairés, puis se leva et passa dans la chambre.
Il y régnait un silence de mort. Jusqu’au plus petit détail, tout y témoignait avec éloquence de la tempête survenue récemment, et tout n’était plus que relâchement accablé. Une bougie sur un tabouret, entourée de fioles, de petites boîtes et de flacons, et une grosse lampe posée sur la commode éclairaient vivement la pièce. Sur le lit près de la fenêtre gisait le garçon, les yeux ouverts et une expression d’étonnement sur la figure. Il ne bougeait pas, mais ses yeux grands ouverts paraissaient à chaque instant s’assombrir davantage et s’enfoncer dans leurs orbites2. Les mains posées sur le corps de l’enfant, le visage caché dans les plis des draps, sa mère était agenouillée devant le lit. Elle ne remuait pas plus que le garçon, mais que de vie se devinait dans son corps ployé et ses bras allongés ! Tout son être était tombé au pied de ce lit et se serrait contre lui avec une violente avidité, comme redoutant de déranger la pose paisible et commode qu’avait fini par trouver son corps épuisé. Les couvertures, les linges, les cuvettes, les flaques sur le parquet, les cuillers et les pinceaux, la bonbonne d’eau de chaux, l’air lui-même, âcre et étouffant – tout était figé, semblant plongé dans le repos.
Le docteur s’arrêta près de sa femme, mit ses mains dans les poches de son pantalon et, penchant la tête sur le côté, braqua son regard sur son fils. Son visage exprimait de l’indifférence, seules les gouttelettes de rosée parsemant sa barbe laissaient voir qu’il avait récemment pleuré.
L’horreur repoussante à laquelle on pense en parlant de la mort était absente de la chambre. il y avait, dans la paralysie affectant tous les présents, dans la pose de la mère, dans l’indifférence du visage du docteur, quelque chose d’attirant, de touchant, et c’était cette beauté ténue et à peine perceptible de l’affliction humaine, cette douleur que l’on n’est pas près de commencer à comprendre et à peindre, et que seule la musique paraît en mesure de rendre. Cette beauté se sentait même dans le morne silence régnant ; Kirilov et sa femme se taisaient, ne pleuraient pas, comme s’ils eussent éprouvé, outre la lourdeur de leur perte, tout le pathétique de leur situation : de même que leur jeunesse, autrefois, s’était enfuie, à présent, en perdant ce garçon, ils perdaient à jamais le droit d’avoir des enfants ! Le docteur avait quarante-quatre ans, il grisonnait déjà et avait l’air d’un vieillard ; malade et fanée, sa femme avait trente-cinq3 ans. André n’était pas seulement leur unique enfant, c’était aussi le dernier.
Contrairement à sa femme, le docteur était de ces natures qui, en cas de souffrance morale, ressentent le besoin du mouvement. Resté cinq minutes auprès de sa femme, il sortit de la chambre à coucher en levant haut la jambe droite, et alla dans une petite pièce dont un large divan occupait la moitié ; de là, il passa dans la cuisine. Ayant un peu erré autour du poêle et du lit de la cuisinière4, il se courba et, franchissant une petite porte basse, se retrouva dans le vestibule.
Là, il vit de nouveau le cache-nez blanc et le visage pâle.
« Enfin ! soupira Aboguine, sa main saisissant la poignée de la porte d’entrée. Partons, s’il vous plaît ! »
Le docteur tressaillit, le regarda et se souvint…
« Écoutez, comme je vous l’ai déjà dit, je ne peux pas y aller ! dit-il en s’animant. C’est tout de même étrange !
—Docteur, je ne suis pas de marbre5, je comprends parfaitement votre situation… je compatis ! dit Aboguine d’une voix suppliante en posant la main sur son cache-nez. Mais je ne vous demande pas cela pour moi… Ma femme est en train de mourir ! Si vous aviez entendu son cri, vu son visage, vous comprendriez mon insistance ! Mon Dieu, moi qui croyais que vous étiez allé vous habiller ! Docteur, le temps est précieux ! Partons, je vous en prie !
— Je ne peux pas partir ! » dit posément Kirilov, qui fit un pas en direction du salon.
Aboguine le suivit et lui attrapa la manche.
« Vous avez du chagrin, je le comprends, mais si je vous invite à venir, ce n’est pas pour soigner des dents ou faire une expertise, mais pour sauver une vie humaine ! supplia-t-il de nouveau, tel un mendiant. La vie se situe plus haut que n’importe quelle douleur personnelle ! Voilà, je vous demande d’avoir du courage et d’accomplir un exploit, par humanité !
— L’humanité est une arme à double tranchant6 ! dit avec irritation Kirilov. C’est aussi par humanité que je vous prie de ne pas m’emmener avec vous. Ma parole, c’est tout de même étonnant ! Je tiens à peine debout, et vous m’agitez l'humanité sous le nez ! Je ne suis apte à aller nulle part, tout de suite… je ne m’en irai pour rien au monde, d’ailleurs, à qui laisserais-je ma femme ? Non, non… »
Kirilov agita les mains en signe de refus, et recula.
« Et… et ne me le demandez pas ! reprit-il avec effroi. Excusez-moi… D’après le tome XIII du recueil des lois7, je suis obligé d’y aller, et vous avez le droit de m’y traîner par le collet… Vous pouvez me traîner, mais… je ne suis bon à rien… Je ne suis même pas en état de parler… Excusez-moi…
— Docteur, il est inutile de me parler sur ce ton ! dit Aboguine en saisissant de nouveau la manche de Kirilov. On peut l’oublier, le tome XIII ! Je n’ai aucunement le droit de forcer votre volonté. Vous venez si vous le voulez, sinon tant pis, mais ce n’est pas à votre volonté que je m’adresse, c’est à votre cœur. Une jeune femme se meurt ! Vous dites que votre fils vient de mourir, vous êtes donc mieux placé que quiconque pour comprendre l’épouvante qui est la mienne ! »
La voix d’Aboguine tremblait d’émotion ; ce tremblement et le ton de cette voix étaient bien plus convaincants que les paroles elles-mêmes. Aboguine était sincère, mais, remarquablement, ses propos prenaient toujours, quoi qu’il dît, un tour artificiel, semblant dépourvus de sentiment et fleuris de façon déplacée : ils avaient même l’air blessants, à la fois pour l’atmosphère régnant dans le logis du docteur et pour la femme se mourant quelque part. Il le sentait lui-même et, craignant d’être incompris, tâchait de toutes ses forces de donner à sa voix un ton de douceur et de tendresse, pour convaincre par la sincérité de ce ton, si ce n’était par ses paroles. En général, une phrase, aussi belle et aussi profonde soit-elle, ne produit d’effet que sur les indifférents, tandis qu’elle ne peut pas toujours contenter les heureux ou les malheureux ; c’est pourquoi, le plus souvent, le silence constitue la plus haute expression du bonheur ou du malheur ; les amoureux se comprennent mieux en restant silencieux, cependant qu’un discours enflammé, passionné, prononcé au-dessus d’une tombe touche juste les étrangers, et semble bien froid et insignifiant à la veuve et aux enfants du défunt.
Kirilov demeurait silencieux. Lorsqu’Aboguine prononça encore quelques phrases au sujet de la haute mission du médecin, de son abnégation, etc., le docteur demanda d’un air sombre :
« C’est loin ?
— Dans les treize ou quatorze verstes8. J’ai d’excellents chevaux, docteur ! Vous avez ma parole que je vous y amène et vous ramène ici en une heure. Pas plus d’une heure ! »
Ces derniers mots firent plus d’effet sur le docteur que les références à l’humanité ou à la mission d’un médecin. Il réfléchit et dit dans un soupir :
« Très bien, en route ! »
Il alla dans son cabinet d’une démarche déjà plus sûre, et revint peu de temps après, portant une longue redingote. Trottinant à petits pas à ses côtés, en traînant les pieds, Aboguine, réjoui, l’aida à passer son manteau et sortit de la maison avec lui.
Dehors, il faisait sombre, mais moins que dans le vestibule. Dans l’obscurité se dessinait nettement la haute silhouette voûtée du docteur, avec sa barbe tout en longueur et son nez busqué. D’Aboguine, outre le visage pâle, on apercevait maintenant la grosse tête et la petite casquette d’étudiant qui lui couvrait à peine le haut du crâne. La blancheur du cache-nez se voyait seulement sur le devant, par derrière elle était cachée par une longue chevelure.
« Croyez-moi, je saurai apprécier votre générosité, murmura Aboguine en aidant le docteur à monter dans la calèche. Nous y serons en un rien de temps. Lucas9, mon ami, le plus vite possible, s’il te plaît !
Le cocher lança l’équipage à fond de train. Défilèrent d’abord une rangée de bâtisses laides le long de la cour de l’hôpital ; l’obscurité était partout, on voyait seulement au fond de la cour, à travers la clôture, une fenêtre éclairée d’une vive lumière, et trois fenêtres à l’étage du corps de l’hôpital semblaient plus pâles que l’air aux alentours. La calèche entra ensuite dans des ténèbres épaisses ; cela sentait l’humidité, le champignon et l’on entendait les arbres bruire ; réveillés par le bruit des roues, des corbeaux s’agitèrent dans le feuillage et lancèrent des cris d’alarme, comme s’ils savaient que le fils du docteur était mort, et que la femme d’Aboguine était malade. Mais voici qu’apparaissaient des arbres isolés, des buissons ; on vit l’éclat lugubre d’un étang, où sommeillaient de grandes ombres noires, puis la calèche roula à travers une plaine égale. Le croassement des corbeaux s’assourdissait, se faisait lointain, bientôt il mourut.
Kirilov et Aboguine restèrent silencieux pendant presque tout le voyage. Aboguine poussa juste une fois un profond soupir et marmonna :
« Quel supplice ! On n’aime jamais autant ses proches que lorsqu’on risque de les perdre. »
Et quand la voiture franchit lentement la rivière10, Kirilov eut un brusque tressaillement, comme si le clapotis de l’eau l’eût effrayé, et il se mit à bouger.
« Écoutez, laissez-moi partir, dit-il avec angoisse. Je viendrai chez vous ensuite. Il faut seulement que j’envoie un aide-médecin11 auprès de ma femme. Elle est toute seule, voyez-vous !
Aboguine ne répondit pas. Oscillant et heurtant des pierres, la calèche laissa derrière elle une berge sablonneuse et roula plus loin. Kirilov, angoissé, s’agita, regardant autour de lui. Derrière la calèche, à la lumière chiche des étoiles, on voyait la route, ainsi que les saules de la rive disparaissant dans l’obscurité. À droite, c’était la plaine, unie et infinie comme le ciel ; ça et là, sans doute au-dessus de tourbières, brillaient de faibles lueurs. Sur la gauche, parallèlement à la route, s’étendait une colline, de menus buissons lui faisant comme des boucles, au-dessus de laquelle flottait un grand croissant de lune, rouge, légèrement voilé de brume et entouré d’une cohorte de petits nuages qui avaient l’air de le surveiller de tous côtés, pour l’empêcher de s’échapper.
Toute cette nature exhalait quelque chose d’irrémédiablement morbide ; telle une femme déchue, cloîtrée dans une pièce obscure et s’efforçant de ne pas penser au passé, la terre se languissait de souvenirs du printemps et de l’été, et attendait, apathique, l’arrivée inévitable de l’hiver. Où que portât le regard, la nature offrait le spectacle d’une fosse sombre, froide et d’une profondeur sans limites, d’où ne ressortiraient ni Kirilov, ni Aboguine, ni le rouge croissant de lune…
Plus la calèche se rapprochait de sa destination, plus Aboguine se montrait impatient. Il remuait, faisait des bonds et regardait en avant, par-dessus l’épaule du cocher. Et lorsque la voiture s’arrêta enfin devant le perron joliment drapé d’une bande de toile à rayures, on entendit trembler sa respiration quand il jeta un regard aux fenêtres éclairées, à l’étage de la maison.
« Si quelque chose arrive… je n’y survivrai pas, dit-il en entrant dans le vestibule avec le docteur, se frottant les mains d’émotion. Mais on n’entend pas de remue-ménage, c’est bon signe, pour le moment », ajouta-t-il, tendant l’oreille, écoutant le silence.
Depuis le vestibule, on n’entendait ni voix ni bruits de pas, la maison tout entière semblait endormie, en dépit du fort éclairage. À présent, le docteur et Aboguine, qui se trouvaient jusqu’alors dans l’obscurité, pouvaient se contempler. Le docteur était grand, voûté, habillé sans grande élégance, et son visage était laid. Il y avait quelque chose de désagréable, de rude et de sévère dans ses lèvres charnues, épaisses comme celles d’un nègre, dans son nez aquilin et dans son regard indolent et indifférent. Sa tête mal peignée, ses tempes creuses, les fils d’argent parsemant avant l’heure sa longue barbe étroite à travers laquelle transparaissait son menton, la teinte gris pâle de sa peau, la gaucherie négligente de ses manières – la dureté de l’ensemble évoquait le besoin, le malheur, l’épuisement causé par la vie et par les gens. À voir sa silhouette sèche, on ne pouvait croire que cet homme pût avoir une femme, et pleurer la mort d’un enfant. Aboguine, quant à lui, se présentait différemment. C’était un blond fort et imposant, avec une tête grosse aux traits marqués mais adoucis, vêtu avec élégance, à la dernière mode. Il y avait, dans son port, sa redingote strictement boutonnée, sa crinière et sa figure quelque chose de noble, de léonin ; il marchait la tête droite et la poitrine bombée, parlait d’une agréable voix de baryton, et, dans la façon dont il enlevait son cache-nez ou rajustait sa chevelure, perçait un raffinement délicat, presque féminin. Même sa pâleur, et la peur enfantine avec laquelle, tout en se déshabillant, il fixait le haut de l’escalier, ne nuisaient pas à son maintien et n’entamaient pas l’aplomb qui émanait de toute sa personne, cette assurance d’homme bien nourri et en bonne santé.
« Il n’y a personne et l’on n’entend rien, dit-il en allant dans l’escalier. Aucune agitation. Dieu veuille que cela aille mieux ! »
Il fit passer le docteur du vestibule à un grand salon où se voyait un piano à queue noir, et où pendait un lustre à l’intérieur d’une housse blanche ; de là, ils allèrent dans un petit salon très joli et fort accueillant, baignant dans une agréable pénombre rose.
« Asseyez-vous, docteur, attendez-moi donc ici, dit Aboguine. Je… reviens tout de suite. Je vais voir et prévenir de votre présence. »
Kirilov resta seul. le luxe du salon, l’agréable semi-obscurité et cette sorte d’aventure – le fait de se retrouver dans une maison étrangère, inconnue –, ne semblaient pas l’émouvoir. Assis dans un fauteuil, il examinait ses mains brûlées par le phénol. Il aperçut seulement de façon fugitive un abat-jour rouge vif et l’étui d’un violoncelle ; en regardant du coin de l’œil vers le tic-tac d’une pendule, il remarqua aussi un loup empaillé, aussi imposant et l’air aussi rassasié qu’Aboguine lui-même.
Le calme régnait… Quelque part, dans l’une des pièces voisines, mais au loin, on entendit un sonore « Ah ! », puis le tintement d’une porte vitrée, sans doute celle d’une armoire, puis ce fut de nouveau le silence. Ayant attendu cinq minutes, Kirilov cessa d’examiner ses mains et leva les yeux vers la porte derrière laquelle le maître des lieux avait disparu.
Sur le seuil de cette porte se tenait Aboguine, mais ce n’était plus l’Aboguine qui était sorti peu auparavant. L’expression de satiété et de fine élégance s’était effacée, son visage, ses mains et tout son maintien étaient déformés par une abominable expression, soit d’effroi, soit d’intolérable souffrance physique. Son nez, ses lèvres, sa moustache, tous ses traits bougeaient, ils semblaient vouloir s’arracher à son visage, et ses yeux paraissaient rire de douleur…
Marchant pesamment et à grands pas, Aboguine gagna le milieu de la pièce, se courba, poussa un gémissement et brandit les poings.
« Elle m’a trompé ! cria-t-il en appuyant fortement sur la syllabe om. Elle m’a trompé ! Elle est partie ! Elle a fait mine de tomber malade et m’a envoyé chercher un docteur dans le seul but de s’enfuir avec ce clown de Paptchinski ! Mon Dieu ! »
Aboguine marcha d’un pas lourd en direction du docteur, tendit vers lui ses poings blancs et mous et les agita en continuant à hurler :
« Elle est partie ! Elle m’a trompé ! Enfin, pourquoi ce mensonge ?! Mon Dieu ! Mon Dieu ! À quoi riment ce sale tour, cette escroquerie, ce jeu diabolique, cette feinte de vipère ? Que lui ai-je fait ? Elle est partie ! »
Les larmes lui jaillirent des yeux. Il pivota sur une jambe et se remit à déambuler dans le salon. À présent, dans sa redingote courte, avec son pantalon étroit à la mode qui faisait paraître ses jambes trop fines pour son corps, avec sa grosse tête et sa crinière, il avait tout du lion. Une lueur de curiosité s’alluma sur le visage indifférent du docteur. Il se leva et dévisagea Aboguine.
« Permettez, où est donc la malade ? demanda-t-il.
— La malade ! La malade ! s’écria Aboguine en riant, en pleurant et en continuant à brandir les poings. Ce n’est pas une malade, mais une maudite ! Quelle bassesse ! Une vilenie que Satan lui-même, je crois bien, n’eût point imaginée ! Elle m’a envoyée vous chercher pour s’enfuir, s’enfuir avec un bouffon, un stupide clown, un gigolo12. Oh mon Dieu, que n’est-elle plutôt morte ! Je ne le supporterai pas ! Je ne le supporterai pas ! »
Le docteur se redressa. Ses yeux clignèrent, se remplirent de larmes, sa barbe étroite partit sur la droite et sur la gauche, accompagnant sa mâchoire.
« Permettez, qu’est-ce que cela veut dire ? demanda-t-il en regardant autour de lui, l’air intrigué. Chez moi, mon enfant est mort, ma femme est dans le chagrin et l’angoisse, elle est toute seule… moi-même, je tiens à peine sur mes jambes, cela fait trois nuits que je n’ai pas dormi… et… et quoi donc ? On me force à jouer les utilités dans je ne sais quelle comédie vulgaire ! Je… je ne comprends pas ! »
Aboguine desserra l’un de ses poings, jeta à terre un bout de papier tout froissé et le piétina comme un insecte que l’on veut écraser.
« Et moi qui ne le voyais pas… qui ne comprenais pas ! dit-il à travers ses dents serrées, agitant son poing près de sa figure - à son expression, on eût dit que quelqu’un venait de lui marcher sur un cor. Je ne remarquais pas qu’il venait13 ici tous les jours, et je n’ai pas remarqué qu’il était venu aujourd’hui en voiture fermée ! Pourquoi une voiture fermée ? Et je n’ai rien vu ! Jobard, va !
— Je… ne comprends pas, bredouilla le docteur. C’est tout de même un peu fort ! C’est quand même se moquer des gens, tourner en dérision leurs souffrances ! Ce n’est pas possible… c’est la première fois que je vois une chose pareille ! »
Avec la stupéfaction obtuse d’un homme commençant à comprendre qu’on l’a gravement insulté, le docteur haussa les épaules, écarta les bras, restant pantois, et se laissa retomber dans son fauteuil, à bout de forces.
« Soit, tu avais cessé de m’aimer, tu t’étais éprise d’un autre – grand bien te fasse, mais à quoi bon ce mensonge, cette vile comédie adultérine ? disait Aboguine en pleurnichant. À quoi bon ? Et pourquoi ? Que t’avais-je fait ? Écoutez, docteur, dit-il avec chaleur en s’approchant de Kirilov, vous avez été le témoin involontaire de mon malheur, et je ne vais pas vous cacher la vérité. Je vous jure que j’aimais cette femme, je l’adorais, j’étais son esclave ! Pour elle, j’ai tout sacrifié : je me suis brouillé avec ma famille, j’ai quitté mon emploi et abandonné la musique, je lui ai pardonné ce que je n’aurais pas pardonné à ma mère ou à ma sœur… Pas une fois je ne l’ai regardé de travers… je ne lui ai pas donné le moindre prétexte ! Alors, pourquoi ce mensonge ? Je n’exige pas d’amour, mais pourquoi cet ignoble tromperie ? Quand on n’aime pas quelqu’un, on le lui dit carrément, honnêtement, d’autant plus lorsqu’on connaît mes idées là-dessus… »
Des larmes dans les yeux, tremblant de la tête aux pieds, Aboguine épanchait son âme devant le docteur. Il parlait avec chaleur, serrant ses mains sur son cœur, dévoilait les secrets de son ménage sans la moindre hésitation, semblant même heureux que ces secrets s’échappassent enfin de sa poitrine. De parler ainsi une heure, puis encore une heure, en vidant son cœur, l’eût sans aucun doute soulagé. Qui sait, si le docteur l’avait écouté en lui témoignant de la compassion, de l’amitié, peut-être eût-il, comme cela arrive souvent, accepté son chagrin avec résignation, sans protestations ni sottises inutiles. Mais il n’en fut pas ainsi. Tandis qu’Aboguine parlait, le docteur, blessé, changeait de façon notable. L’indifférence et l’étonnement cédèrent peu à peu la place, sur sa figure, à une expression amèrement outragée, à de l’indignation et de la colère. Les traits de son visage se firent encore plus âpres, durs et désagréables. Lorsqu’Aboguine lui mit sous les yeux la photo d’une jeune femme au minois joli mais sec et peu expressif, comme celui d’une nonne, et lui demanda si l’on pouvait supposer un tel visage capable de mentir, le docteur bondit brusquement, les yeux étincelants, et dit en martelant avec brutalité chaque mot :
« Pourquoi me racontez-vous tout cela ? Je n’ai pas envie de vous écouter ! Aucune envie ! cria-t-il en donnant un coup de poing sur la table. Je n’ai nul besoin de vos sales secrets, que le diable les emporte ! Je vous interdis de me dire ces bassesses ! Ou serait-ce que vous trouvez que je n’ai pas été suffisamment blessé comme cela ? Que je suis un laquais que l’on peut offenser entièrement ? Hein ? »
Aboguine recula, fixant Kirilov d’un air stupéfait.
« Pourquoi m’avez-vous amené ici ? reprit le docteur, la barbe frémissante. Si vous avez des folies de riche désœuvré, comme de vous marier pour ensuite jouer des mélodrames, en quoi cela me regarde-t-il ? Qu’ai-je à voir avec vos romans ?Fichez-moi la paix ! Jouez les philanthropes campagnards14, posez à l’humaniste, jouez (là, il jeta un regard en coin au violoncelle dans son étui) de la contrebasse et du trombone, engraissez comme un chapon, mais je vous interdis de tourner les gens en dérision ! Si vous êtes incapable de respecter un être humain, ne vous occupez pas de lui !
— Permettez, qu’est-ce que tout cela signifie ? demanda Aboguine en rougissant.
— Cela signifie qu’il est vil et bas de se moquer ainsi des gens ! Je suis médecin, et vous voyez les médecins, et en général les travailleurs ne sentant pas le parfum ni les prostituées, comme vos larbins et comme des gens aux mauvaises manières ; eh bien, gardez votre opinion, mais personne ne vous a donné le droit de faire jouer les utilités de spectacle à un homme qui souffre !
— Comment osez-vous me dire cela ? demanda Aboguine à voix basse, les traits de nouveau déformés, mais cette fois, clairement, par la colère.
— Non, dites-moi plutôt comment vous, qui saviez que j’avais de la peine, vous avez osé m’amener ici pour entendre des trivialités ? cria le docteur en frappant encore la table du poing. Qui vous a donné le droit de tourner en dérision le chagrin d’autrui ?
— Vous perdez la raison ! s’écria Aboguine. Quel manque de générosité ! Je suis moi-même profondément malheureux, et… et…
— Malheureux, railla avec mépris le docteur : ne vous servez pas de ce mot, qui n’est pas fait pour vous. Les vauriens qui n’arrivent pas à emprunter de l’argent contre un billet à ordre se déclarent malheureux, eux aussi. Le chapon étouffant sous sa graisse est aussi malheureux. Nullités !
— Cher Monsieur, vous vous oubliez ! glapit Aboguine. Pour de telles paroles… on peut se faire frapper ! Comprenez-vous ? »
Aboguine mit précipitamment la main dans sa poche de côté, en retira son portefeuille et sortit deux billets qu’il jeta sur la table.
« C’est pour votre visite ! dit-il, les narines frémissantes. Vous voilà payé !
— Je vous défends de me proposer de l’argent ! cria le docteur en envoyant les billets par terre d’un geste de la main. L’argent ne saurait payer les outrages ! »
Aboguine et le docteur se tenaient face à face, et, dans le feu de la colère, continuaient à se lancer des insultes non méritées. Ils n’avaient sans doute jamais, même en ayant la fièvre, prononcé tant de paroles injustes, cruelles et absurdes. L’égoïsme des gens malheureux s’exprimait violemment chez tous les deux. Les gens dans le malheur sont égoïstes, méchants, injustes, cruels, et incapables de se comprendre, encore pis que les sots. Le malheur n’unit pas, il sépare, et, là où la similitude de leur peine devrait apparemment unir les gens, même là il se commet bien plus de cruelles injustices que dans le milieu des gens relativement satisfaits.
« Veuillez me faire ramener chez moi ! » cria le docteur, hors d’haleine.
Aboguine sonna avec véhémence. Personne ne répondant à son appel, il sonna de nouveau et jeta rageusement la sonnette par terre ; en heurtant le tapis, elle émit un gémissement plaintif, comme un cri d’agonie. Un valet apparut.
« Où vous cachiez-vous tous, que le diable vous emporte ? s’écria Aboguine en se ruant sur lui, les poings serrés. Où étais-tu, à l’instant ? Va dire qu’on prépare la calèche pour ce monsieur, et qu’on attelle pour moi la voiture fermée ! Attends ! cria-t-il alors que le valet tournait les talons pour s’en aller. Que je ne voie plus demain un seul traître dans la maison ! Vous êtes tous renvoyés ! J’engage de nouveaux domestiques ! Canailles ! »
En attendant leurs équipages, Aboguine et le docteur gardèrent le silence. Chez le premier avaient déjà réapparu l’élégance raffinée et l’expression de bien-être physique. Il arpentait le salon avec des mouvements de tête distingués, il préparait visiblement quelque chose. Sa colère n’était pas encore tombée, mais il s’efforçait de paraître ne pas voir son ennemi… Quant au docteur, il s’appuyait d’une main au bord de la table et regardait Aboguine avec le mépris profond, un peu cynique et laid, qui est le propre du malheur et de l’infortune, lorsqu’ils voient devant eux l’élégance repue.
Quand, un peu plus tard, le docteur monta dans la calèche et partit, le mépris subsistait dans son regard. Il faisait noir, bien plus noir qu’une heure auparavant. Le croissant de lune rouge était parti derrière la colline, et les nuages qui le gardaient faisaient maintenant des taches sombres à côté des étoiles. Un bruit de roues se fit entendre, et la voiture fermée, avec ses lanternes rouges, dépassa la calèche. C’était Aboguine qui s’en allait protester, faire des sottises…
Tout le long du chemin, le docteur ne pensa pas à sa femme, ni à André : il songeait à Aboguine et aux habitants de la maison qu’il venait de quitter. Ses pensées étaient injustes et d’une cruauté inhumaine. Il jugeait et condamnait aussi bien Aboguine que sa femme, Paptchinski et tous ceux qui vivaient dans la pénombre rose en sentant le parfum ; durant tout le trajet, il les détesta et les méprisa au point de ressentir une douleur au cœur. Et dans son esprit se formait à leur sujet une solide conviction.
Avec le temps, la douleur de Kirilov passera, mais cette opinion injuste et indigne d’un cœur humain subsistera, elle demeurera dans l’âme du docteur jusqu’à sa mort.
Notes
- Médecin de campagne. Le zemstvo est une petite unité administrative. Tchékhov fut à certaines périodes de sa vie médecin de zemstvo. En général, ces médecins gagnaient mal leur vie.
- Le texte russe dit : « partir dans les profondeurs du crâne ».
- Comme d’habitude, les nombres sont donnés en chiffres dans le texte russe.
- La cuisinière dort sur place, c’est typique et Tchékhov le relève très souvent.
- Le texte dit : « Je ne suis pas une idole », c’est-à-dire une idole de pierre, une statue.
- Le russe dit : « Un bâton (une canne) à deux bouts ».
- Allusion au Code des lois de l’Empire russe datant de 1857 ; on trouvait dans le tome XIII une description des obligations médicales, reprenant d’ailleurs le Serment d’Hippocrate : « Le premier devoir de tout médecin est de se montrer humain et prêt, en toute circonstance, à venir en aide aux gens souffrant de maladie, quelle que soit leur condition (…) et de répondre ainsi aux demandes d’assistance des malades. » (D’après la notice russe accompagnant la nouvelle)
- Une quinzaine de kilomètres.
- j’ai francisé les prénoms donnés seuls, André (Andreï) et Lucas (Louka).
- Certaines traductions précisent « à gué », ce qui est plus que vraisemblable ; mais le texte russe ne le mentionne pas.
- Le fameux feldscher, intermédiaire entre l’infirmier et le médecin, fréquemment rencontré chez Tchékhov, souvent étrillé, d’ailleurs.
- Le terme russe est « un Alphonse ». Cela remonte à la pièce d’Alexandre Dumas fils Monsieur Alphonse. Gigolo est légèrement anachronique – le terme n’a pris son sens précis qu’à la fin du XIXe siècle, d’après le Robert, mais je le préfère ici au terme maquereau, qui renvoie trop à la prostitution.
- Sans doute à cheval, même si le texte ne le précise pas.
- Et non pas « entraînez-vous au noble art de la boxe », comme on le lit dans la Pléiade, le traducteur ayant repris à son compte l’erreur de la vieille traduction de Denis Roche, qui parle du « noble art du pugilat ». Le terme russe employé vient de koulak, qui signifie au départ le poing, mais très vite aussi le paysan riche – le pouvoir stalinien abusa infiniment du terme pour justifier les déportations opérées, sans parler des exécutions hâtives. La boxe se dit бокс, ce mot transcrivant simplement le terme français, lui-même emprunté à l’anglais.