mardi 28 décembre 2021

Trois textes de Mikhaïl Boulgakov

     Voici trois articles datant de l’époque de la Nep, dans la première partie des années vingt. Les deux premiers, satiriques, sont parus dans le quotidien Goudok, c’est-à-dire Le Sifflet, journal lié aux chemins de fer. Le troisième est différent : il parut dans À La Veille, seul journal de l’émigration autorisé en Russie soviétique, et faisant en fait de la propagande auprès des émigrés en faveur d’une collaboration avec le nouveau régime. Ce texte s’inspire d’un fait divers assez horrible, une histoire de tueur en série, mais les considérations exposées par Boulgakov vont bien plus loin qu’un simple compte rendu journalistique : on peut y lire en filigrane (voir à ce sujet la première note se rapportant à ce texte…) un étonnement devant les personnages sanglants sécrétés par la Russie, cette critique prenant nécessairement un tour politique, même s’il n’est pas explicité dans l’article : nous sommes en 1923, les horreurs de la guerre civile ne sont pas bien loin, celles du stalinisme restent à venir.

Pour les deux premiers textes, j’ai consulté la traduction de Renata Lesnik (La locomotive ivre, Ginkgo éditeur 2005). 




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La locomotive ivre1





     À la gare, tout le monde boit en chœur, de l’aiguilleur au régulateur, à quelques rares exceptions près…

             (Extrait du journal2 Le Sifflet )


     

     Le rapide approchait avec un sifflement menaçant. Juste à l’aiguillage, la puissante locomotive eut un tressaillement soudain, puis sautilla avant de se mettre à se balancer, comme si elle hésitait, se demandant de quel côté se renverser. Le mécanicien épouvanté poussa un cri perçant et donna un tel coup de frein que, dans le wagon de tête, une vitre des toilettes se brisa, et que, dans le wagon-restaurant, cinq voyageurs furent échaudés par du thé bouillant. Le train s’arrêta. Et le mécanicien, le visage décomposé, passa la tête par la fenêtre.

     Sur le petit balcon du poste d’aiguillage se tenait un individu débraillé, en linge de corps, le visage cramoisi. Il tenait dans la main gauche un drapeau vert graisseux, et dans la droite un sandwich au saucisson fumé. 

     — Tu es devenu cinglé ? hurla le mécanicien en faisant de grands gestes.

     Des passagers blêmes se montrèrent à toutes les fenêtres.

     L’homme sur le balcon eut un hoquet, puis sourit, débonnaire.

     — J’ai fait une petite erreur, répondit-il, et il poursuivit : — J’ai placé l’aiguille et… ensuite, je regarde et… le malin t’emmène dans le cul-de-sac ! J’ai recommencé à déplacer l’aiguille. On se demande pourquoi elles sont enfoncées, ces aiguilles ! On ne peut pas s’y retrouver. Surtout, si j’étais un spécialiste…

     — Tu es saoul, canaille, dit le mécanicien, tremblant encore de peur. Ivre au travail ! Tu aurais pu tuer des gens !!!

     — Ça ne… n’est pas étonnant, acquiesça l’homme au saucisson, surtout que… si j’étais un aiguilleur formé… mais je suis tailleur, moi…

     — Qu’est-ce que tu dégoises ? demanda le mécanicien.

     — Je ne dégoise rien du tout, dit l’homme : je suis le compère3 de l’aiguilleur. J’étais à un mariage. L’aiguilleur était devenu inapte au service. Voilà que son épouse me dit : « Pafnoutitch, va manœuvrer l’aiguillage pour le rapide… »

     — Quelle horreur !!! Un cau-che-mar ! Au tribunal, ces gens !!! criaient les passagers.

     — Moi, je veux bien du tribunal, fit avec indolence l’homme au saucisson, surtout si vous aviez versé, là, d’accord… Mais, vu que vous vous en êtes bien tiré… Dieu merci !

     — Eh bien, laisse-moi juste arriver au quai, dit le mécanicien entre ses dents, tu verras le procès-verbal qu’on va te faire…

     — Arrive, arrive, ricana l’homme au saucisson. Avec ce qui se passe ici, mon vieux… l’heure n’est pas aux procès-verbaux. Nous avons le sous-chef de gare qui fête ses noces d’argent !

     Le mécanicien envoya un coup de sifflet, atteignit un levier et, regardant prudemment par la fenêtre, rampa vers le quai. Les wagons eurent un soubresaut et s’immobilisèrent. Les voyageurs regardaient par toutes les fenêtres, stupéfaits.

     Le chef de train donna un coup de sifflet et descendit.

     Une silhouette en casquette rouge, sa tunique déboutonnée, la face joyeusement rubiconde, s’écria en ouvrant les bras :

     — Eh ben ! Une rencontre inattendue ! Qui… qui je vois ? Si mes yeux ne me trompent pas… hic… C’est Souskov, le chef de train, mon grand ami de la gare de voyageurs de Rjev ! Réjouissez-vous, les amis, Souskov est arrivé avec le rapide !

     Répondant à ce cri, des visages cramoisis se montrèrent aux fenêtres de la gare et s’exclamèrent :

     — Hourra ! Amène-nous Souskov !

     Un accordéon se mit à jouer.

     — Oui, Souskov, répondit le chef abasourdi et suffoqué par l’odeur d’alcool, vous voudrez bien me faire le procès-verbal, et me donner ensuite le bâton-pilote4. Nous sommes pressés…

     — Alors c’est comme ça… Cinq ans qu’on ne s’est pas vu, et voilà ce qu’il me sort ! Il est pressé ! Tu veux peut-être aussi un sceptre ? Tu es un porc, Souskov, pas un chef de train !… Comprends donc que c’est jour de fête, pour moi. Je ne te laisserai pas filer… Inutile de me le demander ! Le sémaphore est sous clé, terminé ! On va vider chacun une carafe en souvenir du bon vieux temps… Passons joyeusement la nuit, les amis5 !

     — Camarade DCP6… qu’est-ce qui vous prend ?… Excusez-moi, mais vous êtes ivre. Nous devons aller à Moscou !

     — Étrange bonhomme, qu’as-tu donc oublié à Moscou ? Laisse tomber : canicule et poussière… Tu arriveras demain… Ça nous fait plaisir, de voir quelqu’un. Ici, c’est un trou perdu. Ça nous fait plaisir, de voir un homme neuf…

     — De grâce, j’ai des voyageurs, que dites-vous là ?

     — Laisse-les tomber, ils n’ont rien à foutre, alors ils se baguenaudent en chemin de fer. L’autre jour, il est arrivé un rapide… je demande : où allez-vous ? En Crimée, qu’ils me répondent… Tiens donc ! Tout le monde vit de la même façon, et eux, ils vont en Crimée !… Ils y vont sûrement pour picoler.

     — Quel cauchemar ! criait-on aux fenêtres des wagons. 

     — Nous nous plaindrons au Sovnarkom7 !

     — Ah… c’est comme ça ? dit la silhouette en se fâchant. On veut cafarder ? Qui a parlé de se plaindre ? C’est vous ?

     — J’ai dit, glapit une figure à la fenêtre d’un wagon international, que j’allais vous faire virer !

     — Vous êtes un crétin dans un wagon international, trancha avec sévérité la silhouette.

     — Procès-verbal ! criait-on dans le wagon aux banquettes sans rembourrage. 

     — Ah bon, un procès-verbal ? D’ac-d’accord. Mais vous pouvez toujours courir pour avoir le bâton-pilote, on verra bien comment vous irez vous plaindre. Allons-y, Vassia ! ajouta la silhouette à l’adresse d’un peseur en blouse noire, complètement saoul, qui s’était approché – Allons-y, Vassiatka ! Eux, tu peux t’en fiche ! Les invités de Moscou, les hôtes de la capitale nous font offense ! Eh bien, qu’ils restent ici, le temps de refroidir.

     La silhouette cracha sur le quai, écrasa du pied son crachat, et puis le quai se retrouva désert.

     Dans les wagons, ça hurlait.

     — Holà, holà ! criait le chef de train en donnant des coups de sifflet. S’il y a dans la gare quelqu’un de sobre, qu’il se montre !

     Une petite silhouette nu-pieds sortit de dessous les roues, on ne savait d’où au juste, et dit :

     — Moi, m’sieur, je suis sobre.
     — Et qui es-tu ?

     — Moi, m’sieur, je vends des cerises à la gare.

     — Eh bien, mon p’tit gars… tu as l’air d’un p’tit gars sensé, nous te donnerons vingt kopecks. Cours en avant nous dire si la voie est libre. Il nous faut juste sortir d’ici.

     — Sur votre voie, m’sieur, il  y a une locomotive complètement ivre.

     — Comment cela ?

     — La silhouette ricana et dit :

     — Ayant bien bu, pour rire un peu, ils ont versé de la vodka à la place de l’eau. La loco reste là à siffler…

     Le chef de train et les passagers se figèrent et restèrent sur le quai, pétrifiés. On ignore s’ils ont réussi à quitter la gare.



« Le Sifflet », 12 juin 1926



     





Notes


  1. Ce récit date de juin 1926. Le titre peut évoquer le poème Le tramway égaré de Nicolas Goumiliov…
  2. Quotidien auquel collaborèrent des écrivains comme Boulgakov, Zamiatine, Ilf et Petrov :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Goudok
  3. Parent par le baptème : c’est le parrain d’un enfant de l’aiguilleur.
  4. https://www.google.com/search?q=b%C3%A2ton-pilote&rlz=1C5CHFA_enFR844FR844&oq=b%C3%A2ton-pilote&aqs=chrome..69i57.5640j1j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8
  5. Refrain de la chanson russe « la vie est courte ».
  6. Acronyme du titre « Sous-chef de gare ».
  7. En raccourci : Conseil des Commissaires du Peuple. Nom de l’exécutif jusqu’en 1946.












Mam’zelle Jeanne





          À notre club de la gare de Z***, a eu lieu une soirée avec la voyante et hypnotiseuse Jeanne. elle devinait les pensées des gens et a gagné cent-cinquante roubles dans la soirée.

                                                              Correspondant ouvrier



     La salle se figea. Portant une robe mauve et des bas rouges, une dame fit son apparition sur l’estrade, ses yeux fardés pleins d’inquiétude. Elle était suivie par un individu pétulant, arborant un pantalon à rayures et un chrysanthème à la boutonnière de son veston, le tout littéralement mangé aux mites. Lequel individu lança des coups d’œil à gauche et à droite, puis se pencha et chuchota à l’oreille de la dame :

     — Le chauve au premier rang, au col en papier, c’est le deuxième adjoint du chef de gare. Il a récemment fait une demande en mariage, refusée. S’appelle Niourotchka. (À haute voix, en s’adressant à l’assistance.) Très estimé public ! J’ai l’honneur de vous présenter la célèbre voyante et médium mam’zelle Jeanne de Paris et de Sicile. Elle lit aussi bien le passé que le présent et devine l’avenir autant que les secrets de famille les plus intimes !

     Dans la salle, les gens blêmirent. 

     (À Jeanne.) Prends un air énigmatique, idiote. (À l’assistance.) Mais il ne faut pas y voir quelque chose tenant du miracle ou de la sorcellerie. Rien de tel, puisque les miracles n’existent pas. (À Jeanne.) Je t ‘ai dit cent fois de porter ton bracelet pendant le spectacle. (À l’assistance.) Tout repose exclusivement sur les forces de la nature, avec l’autorisation de la section syndicale et de la commission culturelle. Il s’agit de naturopathie à base d’hypnotisme, selon l’enseignement des fakirs hindous, opprimés par l’impérialisme anglais. (À Jeanne.) Celle sous le slogan, sur le côté, avec le petit sac à main, son mari la trompe à la gare voisine. À l’assistance.) Si vous désirez connaître de grands secrets de famille, veuillez me posez vos questions, et je les transmettrai sous hypnose à la célèbre Jeanne… Asseyez-vous, je vous prie, mam’zelle… chacun son tour, citoyens ! À Jeanne.) Un, deux, trois – et voilà, le sommeil vous gagne ! (Il fait certains gestes avec ses mains, comme pour ficher ses doigts dans les yeux de Jeanne.) Il vous est donné de voir un stupéfiant numéro d’occultisme. (À Jeanne.) Endors-toi, tu as fini d’écarquiller les yeux ? (À l’assistance.) La voilà qui dort ! je vous en prie…

     Dans un silence de mort, l’adjoint du chef de gare se leva ; son visage devenant écarlate, puis pâle, il demanda, d’une voix sauvagement déformée par la peur :

     — Quel est l’évènement le plus important pour moi, à l’heure actuelle ?

     L’individu (À Jeanne.) :

     — Regarde bien mes doigts, idiote.

     L’individu fit tourner son index sous le chrysanthème, puis fit avec ses doigts de mystérieux signes qui signifiaient : « bri-sé ».

     — Votre cœur, commença Jeanne d’une voix sépulcrale, comme si elle parlait dans son sommeil, votre cœur a été brisé par une femme perfide.

     L’individu cligna des yeux pour approuver. La salle fit : « Oh ! » en fixant des yeux le malheureux adjoint du chef de gare.

     — Comment s’appelle-t-elle ? demanda d’une voix rauque l’adjoint repoussé.

     N, iou, r, o, tch… épela l’individu, ses doigts tournicotant au revers de son veston. 

     — Niourotchka ! répondit fermement Jeanne.

     Complètement vert, l’adjoint quitta sa place, jetant un regard chagrin de tous les côtés, fit tomber sa chapka et son paquet de cigarettes et s’en alla. 

     — Est-ce que je me marierai ? cria soudain d’une voix hystérique une jeune fille. Dites-le-moi, chère mam’zelle Jeanne !

     L’individu la toisa d’un œil exercé, prit en compte le bouton qu’elle avait sur le nez, ses cheveux filasse et sa scoliose, et ses doigts firent la nique auprès du chrysanthème.

     — Non, vous ne vous marierez pas, dit Jeanne.

     Un grondement d’escadron passant sur un pont parcourut la salle, tandis que lla jeune fille, glacée d’effroi, s’enfuyait. 

     La femme au petit sac à main se dégagea du slogan et fonça sur Jeanne.

     — Laisse tomber, Dachenka, chuchota derrière elle une voix masculine enrouée.

     — Oh non, maintenant, je vais savoir tous les tours que tu me joues, dit la propriétaire du sac à main : dites, mam’zelle, alors, il me trompe, mon mari ?

     L’individu évalua le mari, rencontra du regard ses petits yeux embarrassés, prit en compte la forte rougeur de sa figure et plia son doigt, formant un crochet qui signifiait : « oui ». 

     — Il vous trompe, répondit Jeanne en soupirant.

     — Avec qui ? demanda Dachenka d’une voix lugubre.

     « Merde, comment s’appelle-t-elle, déjà ? se dit l’individu. Il faut que je le retrouve… oui, oui, c’est la femme de… ah merde… Ça y est : Anne. »

     — Chère J… anne, dites-nous, J… anne, avec qui son mari la trompe-t-il ?

     — Avec Anne, répondit Jeanne avec assurance. 

     — Je le savais ! s’écria Dachenka en sanglotant. Je l’avais depuis longtemps deviné. Salaud !

     Et elle accompagna ces mots d’un coup de son sac sur la joue droite, fraîchement rasée, de son mari.

     Et la salle entière éclata de rire.


     

     

(Texte paru en février 1925 dans le quatidien Le Sifflet)








L’affaire Komarov1





     Dès le début de l’année 1922, des gens commencèrent à disparaître à Moscou. Pour une raison mystérieuse, cela concernait le plus souvent des maquignons ou des paysans des environs de Moscou venus acheter des chevaux. Ce qui se passait, c’est qu’au lieu de réaliser son achat, l’acheteur disparaissait.

     À la même époque, on faisait la nuit d’étranges et désagréables découvertes : dans les terrains vagues du Zamoskvariétché2, dans des maisons écroulées ou des bains à la construction inachevée de la rue Chabolovka, on trouvait des sacs humides et à l’odeur fétide. À l’intérieur, des cadavres nus, des restes d’hommes.

     À la suite de quelques découvertes de ce genre, la police judiciaire de Moscou3 se retrouva en émoi. Le fait était que tous les sacs contenant les assassinés portaient les mêmes empreintes : c’était l’œuvre d’un seul homme. Les têtes avaient apparemment toutes été fracassées par le même instrument émoussé, les cadavres étaient tous liés de la même façon – avec un soin d’expert –, bras et jambes ramenés sur le ventre. Les liens étaient solides, consciencieusement noués.

     La police se mit instamment à s’occuper de l’affaire. Mais pas mal de temps s’était déjà écoulé, et plus de trente personnes gisaient dans des sacs au milieu des tas de briques du Zamoskvariétché. 

     L’enquête avançait lentement, mais avec opiniâtreté. Les sacs étaient ficelés d’une façon caractéristique : à la manière dont usent les gens habitués à atteler les chevaux. Ne serait-ce pas un cocher l’assassin ? On avait trouvé des traces d’avoine au fond de quelques sacs. Il y avait de grandes chances pour que l’assassin fût un cocher. Des vingt-deux cadavres déjà trouvés, sept seulement avaient pu être identifiés. On réussit à établir qu’ils étaient tous venus à Moscou pour des affaires de chevaux. Aucun doute : c’était un cocher.

     Mais la piste s’arrêtait là. Nul fil ne reliait le moment où quelqu’un voulait acheter un cheval et celui où il était retrouvé mort. Pas trace de discussion ou de rencontre. Sous ce rapport, l’affaire était réellement exceptionnelle.

     Un cocher, donc. On trouve les cadavres dans le Zamoskvariétché, encore et toujours. L’assassin – le cocher – habite dans ce quartier.

     Un large lacet policier enveloppa les marchés aux chevaux, les salons de thé, les emplacements où stationnaient les fiacres, les cabarets. On cherchait les traces du cocher du Zamoskvariétché.

     Et voilà qu’à ce moment, on découvrit un cadavre d’enfant, la tête fracassée et recouverte d’un lange frais. Le nœud se rétrécit aussitôt : on recherchait un homme marié chez qui une naissance s’était récemment produite.

     On le trouva, parmi un millier de cochers. 

     Vassili Ivanovitch Komarov, cocher de fiacre, habitait au numéro 26 de la rue Chabolovka. Il exerçait son métier de façon étrange : sans presque jamais prendre place dans la file de stationnement, mais en allant souvent aux marchés aux chevaux. Il avait toujours de l’argent et buvait beaucoup.

     Dans la nuit du 18 mai, une escouade d’agents se présenta rue Chabolovka avec un mandat, prétendant rechercher un alambic clandestin. Le cocher les reçut avec un calme imperturbable. Mais lorsqu’on entreprit d’ouvrir une porte donnant, via un escalier, dans un réduit, il sauta du premier étage dans le jardin et réussit à s’enfuir, en dépit du fait que l’appartement était cerné.

     Mais on se mit très activement à sa recherche, et on l’attrapa la nuit même à Nikolski, dans la banlieue de Moscou, chez une laitière de sa connaissance. On le surprit en pleine activité. Assis, il rédigeait au revers de sa carte d’identité une déposition relative à ses crimes, en y mêlant, allez savoir pourquoi, ses voisins.

     À Moscou, rue Chabolovka, des agents examinaient au même moment le dernier cadavre trouvé dans le réduit. À l’ouverture de ce dernier, le cadavre était encore tiède.


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     Tant que dura l’instruction, Moscou bourdonna de l’expression « le cocher Komarov ».  Les femmes évoquaient des taies d’oreiller pleines d’argent, disaient que Komarov nourrissait ses porcs avec des entrailles humaines, etc. 

     Ce n’étaient, bien sûr, que des absurdités. 

     Mais la pure vérité, telle que l’établit l’instruction, était d’une telle nature qu’eussent mieux valu des tas d’argent dans des taies d’oreiller, et même cette odieuse manière de nourrir les cochons ou quelque autre atrocité perverse. Si l’affaire avait été plus embrouillée et plus horrible, cela eût peut-être été moins pénible, car là, ce qui apparaissait le plus effrayant dans l’affaire, c’était l’homme lui-même, Komarov (détail sans importance : évidemment, il ne s’appelait pas Vassili Ivanovitch Komarov, mais Vassili Térentiévitch Petrov. Cette fausse identité, trace vraisemblable  d’un passé criminel… Mais, je le répète, cela n’a pas d’importance).

     Je ne souhaite nullement écrire un feuilleton criminel, je l’assure au lecteur, mais  je ne puis m’occuper d’autre chose, parce qu’aujourd’ hui me trotte inlassablement dans la tête le désir de comprendre malgré tout ce Komarov. 

     Il se trouve qu’il avait des nattes spéciales sur lesquelles il faisait saigner les cadavres (pour ne pas salir les sacs ni son traîneau) ; lorsque ses moyens le lui permirent, il acheta dans ce but une cuve en zinc. Il tuait avec soin et de façon extraordinairement économique : toujours de la même façon, d’un coup de marteau sur le crâne, sans hâte et sans bruit, au beau milieu d’une paisible discussion (les assassinés étaient tous ces gens recherchant des chevaux. Il leur présentait son cheval et les invitait chez lui pour conclure le marché) en tête à tête, sans la moindre complicité : il avait éloigné sa femme et ses enfants.

     On abat ainsi le bétail. Sans pitié mais sans la moindre haine. Il en tirait profit, mais pas des sommes fantastiques. L’acheteur avait en poche approximativement la valeur d’un cheval. Komarov ne cachait aucune richesse dans ses taies d’oreiller, mais cet argent lui permettait de manger et de boire, et d’entretenir sa famille. Il avait en quelque sorte son abattoir à domicile.

     Cela mis à part, c’était un homme ordinairement mauvais, comme il y en a des millions. Il battait femme et enfants et se saoulait, mais le dimanche invitait des prêtres qui célébraient l’office chez lui, et auxquels il offrait du vin. Bref, un homme pieux au sale caractère.

     Les reporters, les feuilletonistes et les philistins paradèrent pendant deux semaines en employant le terme d’« homme-fauve ». Terme tristement inconsistant et n’expliquant rien du tout. Et cette économie dans la boucherie criminelle se révéla au point de tuer pour moi ces notions insignifiantes de « sauvagerie », et se renforça en moi une autre formule, celle de « ni bête sauvage ni être humain, en aucun cas ». 

     Il était impossible de voir en Komarov un être humain, pas plus qu’il n’est possible d’appeler « montre » un oignon dont on a enlevé le mécanisme.


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          Le procès me confirma dans cette formule. Devant le tribunal se présenta un homme quelconque, n’ayant aucunement l’apparence d’une bête sauvage. Il se peut, du reste, que certains traits particuliers en lui eussent été repérables par un psychiatre, mais le regard ordinaire voyait en lui un homme quelconque d’un certain âge, au visage sans charme mais nullement animal, et ne montrant aucun signe de dégénérescence. 

     Mais lorsque cette créature se mit à parler devant le tribunal, et surtout à ricaner d’un rire rauque, je compris, pas entièrement mais dans une large mesure (j’ignore si c’était le cas des autres assistants), ce que signifiait le terme « non humain ».

     Quand sa première femme s’était empoisonnée, ce… cette créature avait dit :

     — Qu’elle aille au diable !

     Lorsque cette créature se remaria, ce fut sans s’intéresser le moins du monde à qui était cette femme, et d’où elle venait.

     — Ben quoi, avoir des gosses avec elle et les baptiser, quoi ! (Petit rire.)

     — D’un coup, paf4 ! (à la question sur la façon dont il tuait ses victimes. Petit rire.)

     — Allez savoir ! (ce dicton5 idiot en réponse à de nombreuses questions. Petit rire.)

     — Vous n’avez pas donné à manger de la chair humaine à vos gorets ?

     — Non (hi-hi !)… si je les avais ainsi nourris, j’en aurais pris davantage…  (hi-hi !)

     Et ainsi de suite. Et, à tout bout de champ, cet « Allez savoir » crâne et ignoble, accompagné d’un ricanement. Il s’avère que la créature ne perçoit nulle part d’êtres humains : il n’y a que des « énergumènes » et des « boulets ». Il n’a que mépris pour tout ça. Où est donc la bête fauve, là-dedans ? S’il avait haï et tué avec fureur, il eût moins offensé l’assistance qu’avec cet extraordinaire mépris. On aurait pu maltraiter un animal, un chien, avec le manque d’attention inouï dont Komarov gratifiait l’assistance. Sa femme était « une Polonaise catholique romaine » (hi-hi). Elle « mange beaucoup ». Il disait cela sans méchanceté ni avarice. « Qu’elle mange à mes côtés, cette guenille catholique romaine. » Sans méchanceté, il lui « donnait parfois des gifles ». Il battait les enfants « pour leur apprendre ».

     — Quel était votre but en tuant ?

     Il était double, en fait. C’est très compréhensible. D’abord, pour l’argent. Ensuite, eh bien c’était parce  qu’« il n’aimait pas ls gens ». Des bestiaux pareils, les tuer présentait un double avantage : et le gain et la conscience de soustraire à la vue des créatures déplaisantes. Comme une chenille, disons, ou un serpent… Ce qu’étaient les gens pour Komarov.

     Bref, ces créatures étaient des mirages sur la rétine du cocher. Le refus froid et permanent de voir des gens sur terre. Tout sauf des gens.

     L’effrayante auréole de l’ »homme-fauve » avait disparu. Il n’y avait rien d’effrayant. Seulement quelque chose d’extraordinairement repoussant.


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     À dégager. Avait-il peur ? Non. Cette créature était forte, elle n’était pas froussarde.

     Selon moi, il s’était même légèrement payé la tête des interviewers6, des enquêteurs et du tribunal. Il sortait parfois des balivernes. Mais mollement. Avec un petit sourire railleur. Ça vous intéresse ? Soit. il aurait « bien aimé tuer un tzigane, ou un pope »… Pourquoi ? « Comme ça… »

     Et on sentait qu’il n’avait jamais eu le désir de tuer un tzigane, pas plus qu’un pope, seulement, comme les « énergumènes » l’assiégeaient de questions, il répondait le premier truc qui lui passait par la tête.

     Quelqu’un lui demanda son avis sur ce qui l’attendait. « Eh… nous y passerons tous ! »

     Indifférent, fort, pas poltron et très stupide d’un point de vue humain Des saillies bouffonnes sans rime ni raison, des pensées rares et absurdes. Et, sur ce fond d’imbécillité humaine, le brillant, magnifique mélange fait de cette muflerie spécifique dont sont imprégnés de très nombreux petits-bourgeois7 du Zamoskvariétché !… tous ces porteurs de caftan empoisonnés par les grandes villes.

     À propos de sa force.

     Une nuit, après avoir assassiné j’ignore qui au juste, il trimballait la cadavre sanglant et empaqueté en direction de la Moskova. Un milicien l’arrêta.

     — Tu transportes quoi ?

     — T’es mauvais, toi, répondit délicatement Komarov. Tâte donc.

     Le milicien était effectivement « mauvais ». Il toucha le sac du doigt et laissa repartir Komarov.

     Ensuite, Komarov se fit accompagner par sa femme.


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     À la suite de ces expéditions, Sophie Komarov se retrouva sur le banc des accusés à côté de son époux.

     Son visage ne m’était pas non plus inconnu. Il m’était arrivé maintes fois, place Soukharievskaïa, rue Domnikovskaïa ou boulevard Smolienski, de voir de tels visages de femme, tristes, jaunes et allongés, bordés d’un foulard.   

     On fit sortir Komarov pendant que sa femme faisait sa déposition mais, malgré cela, on eut l’impression qu’elle ne disait pas tout. On peut penser, par ailleurs, qu’elle ne cachait aucun secret particulier. Au moment de ses crimes, Komarov l’éloignait avec les enfants. Peut-être qu’elle l’aidait à certains moments : pour arranger le corps, le laver une fois la besogne faite. Un travail de femme. 

     « Une… idiote… une faible », c’était la définition qu’en donnait son mari. Aucun doute, la volonté du mari était suspendue comme une pierre au-dessus de cette stupide et nulle « catholique romaine ».


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     La sentence ?

     Eh bien, il n’y a guère à épiloguer dessus. 

     La sentence avait été signifiée une première fois à Komarov, lorsqu’on l’avait amené, escorté par la milice, montrer où il avait enfoui une partie des corps (il avait enterré quelques-uns des assassinés non loin de chez lui, rue Chabolovka).

     La foule se massa comme au signal. Il y eut d’abord des cris, des hurlements hystériques de femmes. Puis la foule se mit à gronder en sourdine et à peser sur la chaîne que formait la milice : elle voulait mettre en pièces Komarov.

     Comment la milice réussit à soustraire celui-ci à la foule et à l’évacuer est un grand mystère.

     Les femmes de mon immeuble avaient elles aussi leur sentence : « le mettre tout vif à cuire ».

     — Une bête féroce, un hachoir à viande. Ces trente-cinq moujiks laissent combien d’orphelins derrière eux, fils de pute ?

     Au tribunal, il fut examiné par trois psychiatres :

     — Il est parfaitement normal. Sophie également.

     Donc…

     — Vassili Komarov et sa femme Sophie sont condamnés à la peine suprême8, leurs enfants seront élevés aux frais de l’État. 

     Je souhaite de tout cœur que la dure loi de l’hérédité épargne les enfants.

     Dieu veuille qu’ils ne soient pas comme leur père et leur mère !


      






Notes


  1. Ce texte parut le 20 juin 1923 dans le journal À la veille. Un tribunal avait, au début du mois, condamné Komarov-Petrov et sa femme au « châtiment suprême », comme s’exprimait le Code criminel de l’époque, c’est-à-dire à la peine de mort, et fusillés aussitôt après. L’affaire avait fait grand bruit à Moscou, et l’on continua à écrire à son sujet pendant des mois, y compris en cherchant à lui donner une teinte politique. Elle avait produit – j’utilise ici les notes de Viktor Ivanovitch Lossiev, spécialiste de Boulgakov, qui cite lui-même Avgoust Iéfimovitch Iavitch, écrivain et journaliste soviétique qui connut Boulgakov, collabora comme ce dernier au journal Le Sifflet et écrivit ses « Souvenirs de Boulgakov » – une très forte impression sur M. Boulgakov, qui la regardait surtout d’un point de vue éthique et psychologique. Il s’interrogeait sur la capacité du peuple russe à engendrer, à divers niveaux sociaux, des tueurs insensibles allant des personnages de Dostoïevski à Ivan le Terrible. Ce qui étonnait le plus Boulgakov, c’était de ne pouvoir comprendre Komarov-Petrov. De même qu’il ne pouvait comprendre « les vauriens qui détruisaient les églises et les milliers d’insensés qui suivaient Trotski »…
  2. Quartier dans le centre de Moscou, à côté de la Moskova. 
  3. Je francise le terme russe de Bureau d’instruction criminelle.
  4. L’expression russe du texte est intraduisible.
  5. L’expression russe utilisée est : « Le radis le sait ! »
  6. Terme trouvé dans le texte russe. Ne soyons pas plus royaliste que le roi…
  7. Artisans et commerçants.
  8. Voir la note 1.

mardi 21 décembre 2021

L'Eau de framboise (Ivan Tourguéniev)

     Voici le troisième récit des Mémoires d’un chasseur, après Kalinytch et le Putois et Iermolaï et la meunière… Un récit portant moins sur la chasse que sur le servage et la piètre condition des humbles de l’époque.


     Remarque sur la traduction : c’est une fois encore une traduction « à la française », même s’il m’est arrivé de conserver, pour l’intérêt de l’image, une tournure russe. J’ai consulté la vieille traduction d’Ély Halpérine-Kaminsky, ainsi que celle, plus savante, notamment dans ses notes, d’Henri Mongault.



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     Début août, la chaleur est souvent insupportable. À cette époque, de midi à trois heures, l’homme le plus décidé et le plus concentré est hors d’état de chasser, et le chien le plus fidèle se met à « lécher les éperons du chasseur », c’est-à-dire à le suivre au pas en clignant douloureusement des yeux et en tirant une langue démesurée, et, en réponse aux reproches de son maître, à remuer humblement la queue, l’air confus, sans se porter en avant. C’est précisément par une telle journée qu’il m’arriva de chasser. Longtemps je résistai à la tentation de m’étendre quelque part à l’ombre un moment ; longtemps mon infatigable chien continua à fourrager dans les taillis, alors que, visiblement, lui-même n’attendait rien de valable de son activité fébrile. La chaleur étouffante me contraignit enfin à songer à préserver nos dernières forces et conserver nos derniers moyens. Je me traînai tant bien que mal jusqu’à l’Ista1, la petite rivière dont mes indulgents lecteurs ont déjà entendu parler, en descendis la berge escarpée et marchai dans le sable jaune et humide en direction de la source connue dans les environs sous le nom d’« Eau de framboise ». Cette source sort d’une fente de la berge devenue peu à peu un ravin étroit mais profond, et l’eau va se jeter dans la rivière vingt pas plus loin, avec un gai et bruyant gazouillis. Des bosquets de chênes ont poussé sur les pentes du ravin ; le velours vert d’une herbe rase entoure la source, dont les rayons du soleil n’atteignent presque jamais l’humidité fraîche et argentée. J’arrivai à la source, un puisoir en écorce de bouleau gisait dans l’herbe, laissé là pour le bien de tous par quelque moujik de passage. Je me désaltérai, m’étendis à l’ombre et regardai autour de moi. Près de la baie, marquée en permanence de rides en surface, formée par la source tombant en cascade dans la rivière, deux vieillards étaient assis, qui me tournaient le dos. L’un d’eux, grand et solide, portant un caftan vert foncé très propre et une casquette rembourrée, pêchait à la ligne ; l’autre, petit et maigre, en surtout de moukhoïar2 rapiécé et tête nue, tenait sur ses genoux un pot contenant des vers et passait de temps en temps la main sur sa petite tête chenue, comme pour la protéger du soleil. En le regardant avec plus d’attention, je reconnus en lui un certain Stiopouchka3 de Choumikhino. Que le lecteur me permette de le lui présenter.

     À quelques verstes4 de mon village se trouve le gros bourg de Choumikhino, avec son église en pierres portant le nom des saints Côme et Damien4. Une vaste demeure seigneuriale se pavanait autrefois en face de cette église, entourée de diverses dépendances, d’offices, d’ateliers, d’écuries, de caves, de hangars, de bains, de cuisines passagères, de pavillons pour hôtes et d’autres pour les régisseurs, de serres, d’escarpolettes pour le peuple, et d’autres bâtiments encore, plus ou moins utiles. De riches propriétaires vivaient dans ce château, et la vie s’y déroulait harmonieusement, jusqu’à ce qu’un incendie vienne, un beau matin, détruire de fond en comble cette félicité. Les maîtres partirent vers un autre nid ; la propriété se retrouva déserte. Le vaste emplacement incendié se métamorphosa en un potager encombré ça et là de monceaux de briques et de débris des anciennes fondations. Avec les poutres intactes, on construisit à la hâte une petite izba, couverte avec des planches de barque achetées une dizaine d’années plus tôt pour édifier un pavillon dans le style gothique, et on y installa le jardinier Mitrophane avec sa femme Aksinia et leurs sept enfants. On assigna à Mitrophane la tâche de fournir la table seigneuriale, à cent-cinquante verstes de là, en salades et en légumes ; Aksinia fut chargée de veiller sur une vache du Tyrol achetée à grands frais à Moscou, mais malheureusement inapte à la reproduction, et n’ayant par conséquent, depuis qu’on en avait fait l’acquisition, jamais donné de lait ; on lui remit aussi un canard huppé gris cendré, unique volatile survivant ; en raison de leur jeune âge, les enfants ne reçurent aucune fonction, ce qui ne les empêcha pas, du reste, de s’adonner à la paresse la plus complète. Il m’était arrivé de passer à deux reprises la nuit chez ce jardinier ; en passant, je lui achetais des concombres qui se distinguaient même l’été, Dieu sait pourquoi, par leur grande taille, leur mauvais goût aqueux et l’épaisseur de leur peau jaune. C’est chez lui que je vis pour la première fois Stépouchka. En dehors de Mitrophane et de sa famille, et du vieux Guérassime, le bedeau de l’église sourd qui vivait par charité dans un cagibi chez l’épouse borgne d’un soldat6, il ne restait aucun serviteur à Choumikhino, car ce Stiopouchka que j’ai l’intention de présenter au lecteur ne pouvait passer pour un serviteur, pas plus d’ailleurs qu’on ne pouvait le tenir pour un être humain.

     Tout homme possède une situation sociale, quelle qu’elle soit, ainsi que des relations, quelles qu’elles soient ; tout serviteur reçoit chaque mois, sinon des gages, du moins des vivres ; Stiopouchka ne recevait absolument rien, n’avait aucune famille et son existence n’était connue de personne. Cet homme n’avait même pas de passé ; il n’était jamais question de lui ; il avait sans doute échappé au recensement. Selon d’obscures rumeurs, il aurait servi autrefois comme valet de chambre ; mais qui était-il, d’où venait-il, de qui était-il le fils, comment s’était-il retrouvé au service des seigneurs de Choumikhino et de quelle façon s’était-il procuré le caftan de moukhoïar qu’il portait depuis une éternité, où vivait-il et de quoi – personne n’en avait la moindre idée et, à vrai dire, personne ne s’en souciait. Le vieux Trophimytch, qui connaissait la généalogie de tous les domestiques en remontant jusqu’à la quatrième génération, crut se souvenir que Stiopouchka était parent d’une femme turque que son défunt maître, le brigadier7 Alexeï Romanytch avait daigné ramener d’une campagne, dans ses fourgons. Même les jours de fête, ces jours où tous sont invités, selon la vieille coutume russe, à partager le pain et le sel et à déguster des petits pains au sarrasin avec de la vodka, même ces jours-là Stiopouchka n’apparaissait pas auprès des tables dressées et des tonneaux, ne saluait personne, ne venait pas baiser la main du maître ni boire d’un trait, sous l’œil du seigneur, à la santé du maître, le verre rempli  par la main grasse de l’ intendant ; tout juste si quelque bonne âme, passant devant le pauvre hère, lui donnait un reste de pâté. Le dimanche de Pâques, on lui donnait le baiser traditionnel, mais sans qu’il eût retroussé sa manche graisseuse, pas plus qu’il ne sortait de sa poche de derrière son petit œuf rouge pour l’apporter, esssouflé et clignant de l’œil, aux jeunes maîtres ou même à la dame leur mère. L’été, il habitait un réduit derrière le poulailler, et allait l’hiver dans l’entrée d’une étuve ; les jours de grand froid, il passait la nuit dans le fenil. On s’était habitué à le voir, on lui donnait même à l’occasion un coup de pied, mais personne ne lui adressait la parole, lui-même semblait n’avoir jamais ouvert la bouche. Après l’incendie, cet être abandonné s’était réfugié, ou, comme on dit à Orel, s’était « serré » chez le jardinier Mitrophane. Celui-ci ne l’avait pas touché, ne lui avait pas dit d’habiter chez lui, mais ne l’avait pas non plus chassé. Du reste, Stiopouchka ne vivait pas tant chez le jardinier que sur le potager. Il allait et venait sans faire le moindre bruit : il éternuait et toussait dans sa main, avec crainte ; il s’affairait et se démenait sans cesse à la dérobée, à la façon d’une fourmi – et tout cela pour de la nourriture, uniquement pour de la nourriture. Et, de fait, s’il ne s’était pas soucié de sa pitance depuis le matin jusqu’au soir, mon Stiopouchka serait mort de faim. C’est très mauvais, de ne pas savoir le matin de quoi l’on se nourrira le soir ! Tantôt Stiopouchka, assis près de la palissade, rongeait un gros radis, suçait une carotte ou émiettait pour lui un trognon de chou sale ; tantôt il traînait un seau d’eau en poussant des gémissements, ou bien il faisait du feu sous un petit pot dans lequel il jetait comme de noirs débris tirés de son sein ; ou alors, dans son réduit, il donnait des coups avec un bout de bois, enfonçant un clou et fabriquant une planche pour y entreposer du pain. Et tout cela en silence, en cachette : en un rien de temps, il avait disparu. Voilà que soudain, il s’absentait pour deux jours ; bien entendu, personne ne remarquait son absence… Hop, il était de nouveau là, il disposait furtivement des copeaux sous un petit trépied, près de la palissade. Il avait un visage menu, de petits yeux jaunes, des cheveux atteignant ses sourcils, un petit nez pointu, de grandes oreilles transparentes comme celles des chauves-souris et toujours une barbe datant de quinze jours, ni plus ni moins. Tel était le Stiopouchka que je rencontrai au bord de l’Ista en compagnie d’un autre vieillard.

     Je m’approchai, les saluai et m’assis près d’eux. Je reconnus le compagnon de Stiopouchka : c’était Mikhaïlo Savéliev, un affranchi du comte Piotr Ilitch*** qu’on surnommait Brouillard. Il habitait chez un aubergiste phtisique de Bolkhov chez qui je descendais assez souvent moi-même. Les voyageurs suivant la grande route d’Orel, jeunes fonctionnaires ou autres gens désœuvrés (les marchands enfoncés dans leurs duvets rayés ont autre chose à faire) peuvent, encore de nos jours, voir au bord de la route, à une faible distance du gros bourg de la Trinité, une énorme maison en bois8 à un étage complètement à l’abandon, avec son toit effondré et ses fenêtres condamnées. À midi, lorsque le temps est clair et ensoleillé, on ne peut rien imaginer de plus désolant que cette ruine. C’est ici que vivait autrefois le comte Piotr Ilitch, grand seigneur du siècle passé, célèbre pour son hospitalité. Toute la province était passée chez lui, y avait dansé et participé à de merveilleuses réjouissances au son assourdissant de son orchestre personnel et du crépitement des feux de Bengale et des chandelles romaines ; et, sans doute, plus d’une vieille femme, passant maintenant devant cette demeure seigneuriale à l’abandon, pousse un soupir et se rappelle le passé et la jeunesse enfuie. Pendant longtemps le comte festoya et se promena avec un sourire aimable au milieu de la foule de ses obséquieux invités ; mais son patrimoine, par malheur, fondit et vint à lui manquer. Complètement ruiné, il gagna Pétersbourg pour y chercher une place et, ayant vainement attendu une réponse positive, mourut dans une chambre d’hôtel. Brouillard, son majordome, avait été affranchi du vivant du comte. C’était un homme de quelque soixante-dix ans, au visage régulier et agréable. Il souriait presque tout le temps, comme seuls sourient, de nos jours, les gens du temps de Catherine9 : avec une majesté débonnaire ; en parlant, il ouvrait et fermait les lèvres avec lenteur, fermait à demi les yeux d’un air caressant, et il lui arrivait de nasiller. Il se mouchait et aspirait une prise de tabac avec la même lenteur, comme s’il accomplissait une besogne.

     — Alors, Mikhaïlo Saviélitch10, tu as pris du poisson ?

     — Voyez mon panier : deux perches et cinq chevesnes… Montre-les, Stiopa.

     Stiopouchka me tendit le panier.

     — Comment vas-tu, Stépane ? lui demandai-je.

     — M… m… mais bi… bien, petit père, tout doucement, répondit Stépane en hésitant, comme s’il avait un poud11 sur la langue. 

     Mitrophane va bien ?

     — M… mais certainement, petit père.

     Le pauvre diable se détourna.

     — Ça mord mal, dit Brouillard. Il fait trop chaud ; les poissons se sont mis à l’ombre des arbrisseaux, ils dorment… Mets donc un ver, Stiopa. (Stiopouchka attrapa un ver, le mit dans sa main, tapa deux fois dessus, l’accrocha à l’hameçon, cracha dessus et le donna à Brouillard.) Merci, Stiopa… Mais vous, petit père, dit-il en s’adressant à moi, vous chassez12 ?

     — Comme tu vois.

     — Je vois, monsieur13… Et votre chien, c’est un aglais, ou un fourlandais14 ?

     Le vieux aimait à l’occasion se faire valoir ; nous aussi, semblait-il dire, nous avons fréquenté le monde !

     — J’ignore de quelle race il est, mais c’est un bon chien. 

     — Je vois, monsieur… Et vous chassez aussi au chien courant ?

     — J’ai deux meutes.

     Brouillard hocha la tête en souriant.

     — C’est bien ça : les uns sont amateurs de chiens, les autres n’en veulent pas, même gratis. Moi, avec mon simple bon sens, je vois les choses comme ça : les chiens, il convient d’en avoir, mais c’est davantage une question de rang, pour ainsi dire… Et puis, c’est pour que tout soit en ordre :  les chevaux, les piqueurs, tout, quoi. Le défunt comte – Dieu ait son âme ! – n’avait jamais été, il faut le reconnaître, un grand chasseur, mais il entretenait des chiens et, deux fois par an, daignait chasser. Les piqueurs se rassemblent dans la cour, portant des caftans rouges à galons et sonnant de la trompe ; Sa Seigneurie sort et on lui amène un cheval ; Sa Seigneurie monte en selle, le premier veneur lui chausse les étriers, ôte sa chapka et lui présente dedans l’extrémité des rênes. Sa Seigneurie fait claquer son fouet et les piqueurs lancent les chiens en avant à grands cris. Son écuyer suit le comte, tenant avec une laisse de soie les deux chiens préférés du seigneur et y veillant… Et cet écuyer se tient tout en haut d’une selle cosaque, il est rougeaud et il faut voir comme il roule des yeux… Il y avait bien sûr des invités, pour l’occasion. C’était divertissant, et puis on rendait honneur au comte… Ah, l’asiatique, il m’a échappé ! ajouta-t-il soudain en tirant sur sa ligne.

     — À ce qu’on dit, le comte a bien profité de la vie ? demandai-je.

     Le vieillard cracha sur son ver et lança sa ligne.

     — On sait bien, monsieur, que c’était un grand seigneur. Les tout premiers personnages de Pétersbourg, on peut le dire, venaient chez lui. Ils mangeaient en portant leurs cordons bleus16. Ça, il savait recevoir ! Il m’appelait : « Brouillard, il me faut pour demain des sterlets vivants : ordonne qu’on s’en procure, tu m’entends ? » – « J’entends, Votre Seigneurie. » Il faisait venir de Paris des caftans brodés, des cannes, des parfums, de l’adecologne de première qualité, des tabatières et des tableaux, mais alors, des grands… Donnait-il un banquet, Seigneur, maître de ma vie17 ! En avant les fi d’artifice18 et les promenades en voiture ! On tirait même au canon. Rien que les musiciens, il y en avait quarante. Il avait un maître de chapelle allemand, qui fit un peu trop le fier, il prétendait manger à la table des maîtres, alors Sa Seigneurie ordonna de le congédier, en disant : « Même sans lui, mes musiciens connaissent leur affaire. » C’est le maître qui décide, on le sait bien. On se mettait à danser, on dansait jusqu’à l’aube — le plus souvent des lacossaise-matradoure19… Eh… eh… eh… tu es pris, mon ami ! (le vieux retira de l’eau une petite perche.) Tiens, Stiopa. Le maître était comme doit l’être un maître, reprit le vieillard en lançant de nouveau sa ligne, et c’était aussi un homme bon. Il lui arrivait de nous battre, mais il oubliait aussitôt après. Une chose : il entretenait des matresses. Oh, ces matresses, Dieu me pardonne ! Ce sont elles qui l’ont ruiné; Et il les prenait toujours de basse condition. Qu’est-ce qu’il leur fallait de plus, on se le demande ? Eh bien non, il leur fallait ce qu’il y avait de plus cher dans toute l’Europie ! C’est vrai qu’un maître a le droit de vivre selon son bon plaisir, seulement, il ne faut pas se ruiner. Il y en avait une en particulier : elle s’appelait Akoulina20 ; elle est morte, Dieu ait son âme ! C’était une fille de peu, la fille d’un aide-policier de Sitovo, une vraie gale ! Elle giflait le comte. Elle l’avait complètement ensorcelé. J’ai un neveu à qui elle a rasé le front21 : il avait renversé du chécolat sur sa robe neuve… et elle a fait raser le front à d’autres. Oui… C’était tout de même le bon temps ! ajouta le vieillard avec un profond soupir, avant de baisser les yeux et de se taire.

     — À ce que je vois, votre maître était sévère ? dis-je après un court silence.

     — C’était la manière, à cette époque, petit père, répliqua le vieux en hochant la tête.

     — Cela ne se fait plus, de nos jours, observai-je sans le quitter des yeux.

     Il me jeta un regard en biais.

     — De nos jours, c’est mieux, bien entendu, marmonna-t-il, et il relança au loin sa ligne.

     Nous étions assis à l’ombre ; mais, même à l’ombre, on étouffait. La chaleur lourde et torride semblait figer l’air ; le visage brûlant cherchait avec angoisse quelque vent, mais il n’y avait pas de vent. Le soleil restait immuable dans le ciel d’un bleu un peu foncé ; en face de nous, sur l’autre rive, jaunissait un champ d’avoine envahi ça et là par l’armoise, sans qu’on pût y voir bouger un épi. Un peu plus bas, le cheval d’un moujik se tenait dans la rivière avec de l’eau jusqu’aux genoux, s’éventant paresseusement de sa queue mouillée ; de temps en temps, un gros poisson montait à la surface sous le couvert d’un buisson, lâchait quelques bulles d’air et replongeait sans bruit vers le fond, laissant derrière lui une légère houle. Les grillons stridulaient dans l’herbe roussie ; les cailles paraissaient carcailler à contrecœur ; les autours planaient au-dessus des champs, s’arrêtant souvent sur place en battant rapidement des ailes, la queue en éventail. Écrasés par la chaleur, nous restions assis sans bouger. Un bruit retentit soudain dans le ravin derrière nous : quelqu’un descendait vers la source. Me retournant, je vis un moujik d’environ cinquante ans, tout empoussiéré, en chemise et en sandales de tille, une besace et un armiak22 sur le dos. Il s’approcha de la source, but avec avidité et se releva.

     — Tiens, Vlass ! s’exclama Brouillard après l’avoir bien regardé. Salut, frère. D’où viens-tu donc ?

     — Salut, Mikhaïla Saviélitch, fit le moujik en s’approchant de nous. Je viens de loin.

     — Tu étais passé où ? lui demanda Brouillard.

     — À Moscou, voir le maître.

     — Dans quel but ?

     — J’avais quelque chose à lui demander.

     — Quoi donc ?

     — Qu’il diminue ma redevance, ou qu’il me mette à la corvée, qu’il m’installe ailleurs, quoi… Mon fils est mort, alors à moi tout seul, je n’y arriverai pas.

     — Ton fils est mort ?

     — Il est mort. Le défunt était cocher à Moscou, ajouta le moujik après une pause ; et il faut bien dire que c’est lui qui payait ma redevance.

     — Tu es donc à la redevance, à présent ?

     — À la redevance.

     — Et qu’a dit ton maître ?

     — Le maître ? Il m’a flanqué dehors ! « Comment oses-tu, qu’il m’a dit, venir me voir ? J’ai un intendant, pour cela ; tu dois d’abord en informer l’intendant… Et où veux-tu que je te mette ? Commence par me payer tes arriérés. » Il était très en colère.

     — Bon, alors tu es revenu ?

     — Oui, revenu. Je voulais me renseigner, savoir si mon fils n’avait pas laissé quelque bien, mais ça n’a rien donné. J’ai dit à son patron : « Je suis le père de Philippe. » Et il m’a fait : « Qu’est-ce que j’en sais ? Et puis ton fils n’a rien laissé ; c’est lui qui me devait. » Alors je suis parti.

     Le moujik nous racontait tout cela avec un sourire moqueur, comme s’il parlait de quelqu’un d’autre, mais une petite larme roulait dans ses yeux rétrécis, et ses lèvres tremblaient.

     — Alors, à présent, tu rentres chez toi ? 

     Où irais-je ? Évidemment, chez moi. Peut-être bien que ma femme, à l’heure actuelle, a faim à en siffler dans son poing.

     — Mais tu devrais… dit soudain Stiopouchka qui se troubla, se tut et se mit à fouiller dans son pot.

     Iras-tu voir l’intendant ? reprit Brouillard après avoir regardé non sans étonnement Stiopa. 

     Qu’est-ce que j’irais y faire ?… J’ai des arriérés. Mon fils a été souffrant pendant un an, avant de mourir, il n’a même pas pu payer pour lui… Chez moi, c’est demi-mal : il n’y a rien à prendre chez nous… Tu pourras toujours faire le malin, ça n’y changera rien : il n’y a rien à tirer de moi ! (le moujik se mit à rire.) Oh, tu pourras toujours finasser, Kintilian23 Sémionytch, tu verras…

     Vlass rit de nouveau.

     C’est mauvais, ça, frère Vlass, dit posément Brouillard.

     Mauvais en quoi ? Non… (La voix manqua à Vlass.) Quelle chaleur ! reprit-il en s’essuyant le visage de sa manche.

     — Qui est votre maître ? demandai-je.

     — Le comte***, Valérian Pétrovitch.

     — Le fils de Piotr Ilitch ?

     — Le fils de Piotr Ilitch, répondit Brouillard. Le défunt avait donné de son vivant à son fils le village de Vlass24.

     Et il est en bonne santé ?

     En bonne santé, Dieu merci, répliqua Vlass. Il est tout rouge, avec une figure toute ronde, à présent.

     — Vous voyez, petit père, reprit Brouillard en s’adressant à moi : la redevance, pour lui, ce serait bien à côté de Moscou, mais là…
     — Et la taille25 est de combien ?

     — Quatre-vingt-quinze roubles, pour la taille, murmura Vlass.

     — Vous voyez bien ; et il y a très peu de terre, c’est surtout la forêt seigneuriale.

     — Et elle est vendue, à ce qu’on dit, observa le moujik. 

     — Vous voyez bien… Donne-moi donc un ver, Stiopa… Alors, Stiopa ? Tu dors, ou quoi ?

     Stiopouchka se secoua. Le moujik s’assit près de nous. Nous retombâmes dans le silence. Sur l’autre rive, quelqu’un entonna une chanson d’une tristesse infinie… Le pauvre Vlass était tout à son chagrin…

     Une demi-heure plus tard, nous nous séparâmes.






Notes


  1. Rivière de quelques dizaines de kilomètres de long dans la région d’Orel. Affluent de l’Oka. Voir le récit précédent, Iermolaï et la meunière.
  2. Tissu asiatique, fait de cotonnade et de soie ou de laine.
  3. L’un des diminutifs (avec Stiopa, rencontré plus loin) de Stépane, qui correspond à notre Stéphane (ou Étienne). L’accent porte sur la première syllabe, d’où la transformation du « e » en « io ».
  4. La verste faisait un peu plus d’un kilomètre.
  5. https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%B4me_et_Damien
  6. Soldat  non encore libéré. Les temps de service étaient très longs.
  7. Grade intermédiaire entre colonel et général dans l’armée russe aux XVIIIe et XIXe siècles. 
  8. Distraction chez H. Mongault, qui la voit en pierres…
  9. Catherine II, dite « la grande ».
  10. Son nom de famille comme son patronyme viennent de Saviéli, une des formes russifiées de Saül. Un peu bizarre.
  11. Un peu plus de seize kilos.
  12. Le texte russe comporte des formules de politesse qu’il serait lourd de traduire, par exemple : « Vous daignez chasser ? »
  13. Seulement indiqué par le fameux sifflement final, initiale de « monsieur ».
  14. Pour anglais et courlandais. Brouillard veut montrer qu’il a vu du monde, mais il estropie les termes.
  15. https://fr.wikipedia.org/wiki/Chien_courant
  16. Pas une décoration de chef, mais le cordon du grand ordre de Saint-André :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_de_Saint-Andr%C3%A9
  17. Début d’une prière orthodoxe.
  18. L’ancien majordome continue à estropier les mots. H. Mongault signale l’extraordinaire engouement pour les feux d’artifice en Russie au XVIIIe siècle.
  19. Écossaise. La matradoure est une vieille danse mentionnée dans Les Âmes mortes.
  20. Ce prénom n’était plus guère en vogue que dans les basses classes, d’après H. Mongault. Akoula signifie requin…
  21. C’est-à-dire qu’il s’est retrouvé soldat, en punition. Les nouvelles recrues étaient tondues. Les paysans portaient les cheveux longs. Ceux qui étaient incorporés étaient tondus pour être reconnus aussitôt en cas de désertion (cette dernière précision trouvée chez H. Mongault).
  22. Manteau de gros drap, caftan de cocher.
  23. Quintillien, estropié. Il s’agit sans doute de l’intendant.
  24. C’est-à-dire le village où habite Vlass, village qui est la propriété du seigneur, âmes (chefs de famille) comprises…
  25. Autre impôt. Une étude savante :
    https://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2018-2-page-109.htm