jeudi 28 septembre 2023

Le chasseur (Anton Tchékhov)

      Ce bref récit parut en juillet 1885 dans le Journal de Pétersbourg, avec le sous-titre « Petite scène » et sous la signature : A. Tchékhontié. Dans la lettre fameuse qu’il adressa à l’auteur en mars 1886, l’écrivain et critique Dmitri Grigorovitch déclara avoir lu ce texte par hasard, ne pas se souvenir du titre mais avoir été frappé par son originalité, sa véracité et le caractère authentique de la description des deux personnages. Depuis lors, il lisait tout ce qui portait la signature A. Tchékhontié. Tchékhov lui répondit qu’il passait peu de temps à rédiger ces récits, et qu’il avait écrit celui-ci aux bains !

     Entretemps, Grigorovitch était allé voir l’éditeur Souvorine en le tannant pour que ce dernier invitât Tchékhov. Le chasseur avait été accueilli avec des louanges par la critique, on le comparait aux meilleurs récits du cycle Mémoires d’un chasseur de Tourguéniev. On ne pouvait comparer le personnage central du récit au narrateur du texte Un rendez-vous, mais en revanche, il faisait irrésistiblement penser à Iermolaï, le chasseur accompagnant souvent ledit narrateur – voir Iermolaï et la meunière.

     D’autres analyses comparèrent ultérieurement Un rendez-vous et Le chasseur, après la mort de Tchékhov, à l’époque soviétique, et ce n’est pas fini : j’ai trouvé une thèse sur le thème « Tchékhov, lecteur et critique de Tourguéniev », soutenue à Moscou en 2019…



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     Un midi torride et étouffant. Pas un nuage dans le ciel… L’herbe brûlée par le soleil a un air triste et désespéré : elle ne reverdira plus, même s’il tombe de la pluie… Le bois reste silencieux, immobile, on dirait que les cimes de ses arbres regardent fixement d’un certain côté, ou qu’il est dans l’attente de quelque chose.

     Au bord d’une coupe, un homme de haute taille, les épaules étroites, d’environ quarante ans, se traîne paresseusement, en se dandinant ; il porte une chemise rouge, un pantalon rapiécé ayant appartenu à son maître et de grandes bottes. Il se traîne le long du chemin. La trouée offre la masse verte de la forêt sur sa droite, et, sur sa gauche, s’étend la mer dorée des seigles mûrs… Il est rouge et suant. Sur sa belle tête blonde siège crânement une petite casquette blanche à visière droite de jockey, visiblement un cadeau de quelque fils de barine1 en veine de générosité. Il a jeté sur son épaule une gibecière où gît un coq de bruyère chiffonné. L’homme a dans les mains un fusil à deux coups, armé2, et plisse les paupières en regardant son vieux chien efflanqué qui court devant en flairant les buissons. Aux alentours, tout est calme, il n’y a pas un bruit… Toute la vie s’est mise à l’abri de la fournaise.

     — Iégor Vlassytch3 ! entend soudain le chasseur : on l’appelle doucement.

     Il sursaute, se retourne et fronce les sourcils. Près de lui, comme surgie de terre, se tient une paysanne d’une trentaine d’années au visage blême, une faucille à la main. Elle s’efforce de le regarder en face et sourit timidement.

     — Ah, c’est toi, Pélaguéïa ! dit le chasseur en s’arrêtant et en abaissant lentement les chiens de son fusil. Hum !… Que fais-tu donc ici ?

     — Y a des femmes de notre village qui travaillent par ici, alors je me suis amenée avec elles. Pour me faire embaucher, Iégor Vlassytch.

     — C’est donc ça… grogne vaguement Iégor Vlassytch, qui poursuit lentement son chemin.

     Pélaguéïa le suit. Ils font une vingtaine de pas en silence.

     — Ça fait longtemps que je vous ai pas vu, Iégor Vlassytch, dit Pélaguéïa, en regardant avec tendresse les épaules remuantes et les omoplates du chasseur. Depuis que vous êtes passé à notre izba boire un verre d’eau pendant la Semaine sainte, on ne vous a plus vu… À la Semaine sainte, vous êtes resté seulement une minute, et Dieu sait dans quel état vous étiez… ivre… Vous m’avez braillé dessus, vous m’avez frappée et vous êtes parti… Je vous ai attendu attendu… Je me suis usé les yeux à regarder si vous ne veniez pas… Ah, Iégor Vlassytch, Iégor Vlassytch ! Vous auriez pu venir au moins une fois !

     — Qu’est-ce que tu veux que j’aille faire chez toi ?

     — Oui, évidemment, vous n’avez rien à y faire… tout de même, il y a les affaires du ménage… Jeter un coup d’œil, quoi… C’est vous le patron… Ah, dis donc, on a abattu un coq de bruyère, Iégor Vlassytch ! Vous vous seriez assis, reposé un peu…

     En disant cela, Pélaguéïa rit comme une petite sotte et lève les yeux pour regarder le visage de Iégor… Sa figure respire un tel bonheur…

     — M’asseoir un peu ? Peut-être… dit Iégor avec indifférence, et il choisit une petite place entre deux sapins4 poussant côte à côte. — Eh bien, pourquoi restes-tu debout ? Assieds-toi aussi !

       Pélaguéïa s’assoit non loin, en plein soleil, et, sa gaieté lui faisant honte, cache de sa main le sourire de sa bouche. Deux minutes s’écoulent sans que le silence soit rompu. 

     — Vous auriez pu venir au moins une fois, dit Pélaguéïa doucement.

     — Pour quoi faire ? soupire Iégor en ôtant sa casquette et en essuyant avec sa manche son front rouge. Il n’y a là aucune nécessité. Aller y passer une heure ou deux, ce serait seulement des tracas, ça te troublerait, et je ne supporte pas l’idée de vivre constamment au village… Tu sais bien que je suis difficile… Moi, pourvu que j’aie un lit, un bon thé, des conversations raffinées, qu’on me traite avec respect… Dans ton village, c’est pauvreté et compagnie, des izbas enfumées… Je ne tiendrais pas une journée. Si l’on m’obligeait par décret – une supposition, hein – à vivre chez toi, de deux choses l’une : ou bien je mettrais le feu à l’izba, ou bien je me tuerais. Ces exigences, je les ai depuis mon enfance, on ne peut rien y faire. 

     — Et ousque vous êtes, à l’heure actuelle ?

     — Chez le barine Dmitri Ivanytch, comme chasseur. Je ramène du gibier pour sa table, mais… c’et surtout que ça lui fait plaisir de me garder.

     — C’est pas bien sérieux, comme emploi, Iégor Vlassytch… Les gens voient ça comme un amusement, et, pour vous, c’est un métier, un vrai travail…

     — Tu ne comprends pas, idiote, dit Iégor, rêveur, les yeux tournés vers le ciel. Tu n’as jamais compris, et tu ne pourras jamais comprendre quel homme je suis… Pour toi, je suis un fou, une brebis égarée, mais pour ceux qui y entendent quelque chose, je suis le meilleur tireur du district. Les messieurs s’en rendent compte, et l’on a même parlé de moi dans une revue. Personne n’est mon égal en matière de chasse… Et si je dédaigne vos occupations villageoises, ce n’est pas par caprice, mais par fierté. Depuis mon enfance, vois-tu, je ne me suis jamais occupé d’autre chose que du fusil et des chiens. On me retirait le fusil, je prenais la canne à pêche, on me l’enlevait, je travaillais de mes mains. Concernant les chevaux, j’ai fait le maquignon, j’ai couru les foires quand l’argent rentrait, et tu sais bien toi-même que lorsqu’un moujik s’est fait chasseur ou maquignon, fini pour lui, la charrue. De même que, si un barine se fait acteur ou, disons, peintre, il ne pourra plus être fonctionnaire ou propriétaire. La paysanne que tu es ne comprend pas ça, mais il faut le comprendre.

     — Je comprends, Iégor Vlassytch.

     — Tu es prête à pleurer, c’est donc que tu ne comprends pas… 

     — Je… je ne pleure pas, dit Pélaguéïa en lui tournant le dos. C’est mal, Iégor Vlassytch ! Vous pourriez passer une petite journée avec moi, pauvrette ! Voilà douze ans que nous sommes mariés, et… et il n’y a jamais eu d’amour entre nous ! Je… je ne pleure pas…

     — D’amour… marmonne Iégor en se grattant le bras. Il ne peut y avoir aucun amour. Mari et femme, nous le sommes officiellement, c’est tout, qu’y a-t-il d’autre ? Tu me vois comme un sauvage, et pour moi tu es une simple paysanne, ne comprenant rien à rien. Drôle de couple ! Je suis un homme libre, j’aime vivre à ma guise et faire la noce, et toi tu es une travailleuse, une paysanne inculte, tu passes ton temps dans la boue, le dos courbé. Je me vois comme un champion en matière de chasse, et toi tu me regardes avec pitié… Drôle de couple !

     — Mais, tout de même, nous nous sommes mariés à l’église, Iégor Vlassytch ! sanglote Pélaguéïa.

     — Pas de mon plein gré… L’aurais-tu oublié ? Tu peux remercier le comte Serguéï Pavlytch5… Par jalousie, parce que je tire mieux que lui, m’avait fait boire pendant un mois entier, et, un homme saoul, on peut le pousser non seulement à se marier, mais à changer de religion. Pour se venger, il m’a fait t’épouser… Un chasseur marié à une vachère ! Tu as bien vu que j’étais saoul, pourquoi m’as-tu épousé ? Tu n’étais pas serve, tu pouvais t’y opposer ! Bien sûr, pour une vachère, c’est une chance d’épouser un chasseur, mais il faut tout de même avoir de la jugeote. Eh bien, à présent, tu peux te tourmenter et pleurer. Le comte se marre, à toi les larmes… cogne-toi la tête contre les murs…

     Un silence. Trois canards sauvages survolent la trouée. Iégor les suit du regard jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que trois points à peine visibles tombant au loin, derrière la forêt.

     — De quoi vis-tu ? demande-t-il en ramenant ses regards sur Pélaguéïa. 

     — Pour l’heure, j’ai du travail, l’hiver je prends un mioche de l’orphelinat en nourrice, je lui donne le biberon. Ça me fait un rouble et demi par mois.

     — Hmm…

     Nouveau silence. D’un champ moissonné monte une chanson douce qui s’interrompt tout de suite. Il fait trop chaud pour chanter…

     — On dit que vous avez monté une izba neuve à Akoulina6, dit Pélaguéïa.

     Iégor se tait.

     — C’est donc qu’elle vous plaît…

     — C’est malheureux pour toi, c’est le destin ! dit le chasseur en s’étirant. Supporte-le, pauvre abandonnée. Sapristi, je bavarde sans penser à l’heure ; adieu, il faut que je me dépêche d’être à Boltovo d’ici ce soir…

     Iégor se lève, s’étire, met son fusil en bandoulière.  Pélaguéïa se lève.

     — Et quand est-ce que vous viendrez au village ? demande-t-elle à voix basse.

     — Il n’y a pas de raison que je vienne. Je ne viendrai jamais à jeun, et tu n’as guère intérêt à ce que je vienne saoul. Je deviens méchant quand j’ai bu… Adieu !

     — Adieu, Iégor Vlassytch…

     Iégor pose sa casquette sur sa nuque et, ayant clappé des lèvres pour appeler son chien, poursuit son chemin. Pélaguéïa se tient debout et le suit des yeux… Elle voit ses omoplates qui remuent, sa nuque crâne, sa démarche paresseuse et nonchalante, et ses yeux se remplissent de tristesse et d’une tendre affection… Son regard court avec une douceur caressante le long de la haute et maigre silhouette de son mari… Il se tait, mais son visage et ses épaules levées montrent à Pélaguéïa qu’il veut lui dire quelque chose. Elle s’approche timidement de lui et le regarde avec des yeux implorants.

     — Prends ça ! fait-il en se détournant.

     il lui donne un billet d’un rouble tout froissé et s’en va d’un pas rapide.

       Adieu, Iégor Vlassytch ! dit-elle en prenant le billet d’un geste machinal.

     Il suit le long chemin, droit comme une courroie étirée… Pâle, immobile, elle se tient debout et boit du regard chacun de ses pas. Mais le rouge de sa chemise se fond déjà avec la couleur sombre de son pantalon, on ne le voit plus marcher, on ne distingue plus son chien de ses bottes. Sa casquette seule reste visible, mais… voilà que Iégor prend soudain à droite, entrant dans la trouée, et sa casquette disparaît dans la verdure.

     — Adieu, Iégor Vlassytch ! chuchote Pélaguéïa qui se dresse sur la pointe des  pieds pour apercevoir encore une fois la petite casquette blanche.

     




Notes


  1. Seigneur, maître, propriétaire.
  2. Astuce trouvée dans la Pléiade. Le texte russe dit : « aux chiens levés », mais cela entraîne une fâcheuse répétition du terme chien, dans deux sens différents…
  3. Pour Vlassovitch, fils de Vlass.
  4. Devenus des pins dans la Pléiade…
  5. Pour Pavlovitch, fils de Pavel (Paul). L’emploi du prénom suivi du patronyme n’est pas irrespectueux.
  6. Akoulina et  Pélaguéïa sont des prénoms de femme du peuple fréquents. On peut aussi penser à un clin d’œil de Tchékhov au récit de Tourguéniev Un rendez-vous

dimanche 24 septembre 2023

Un rendez-vous (Ivan Tourguéniev)

     C’était en automne, vers la mi-septembre. Je me trouvais dans un petit bois de bouleaux. Depuis le matin, une pluie fine tombait, alternant avec de chauds et lumineux passages du soleil ; le temps était changeant. Le ciel tantôt se couvrait de nuages blancs et sans consistance, tantôt s’éclaircissait soudain ça et là pour quelques instants, et l’azur sortait d'une échancrure des nuages, clair et caressant comme un œil de toute beauté. Assis, je regardais autour de moi, et j’écoutais. Le feuillage bruissait à peine au-dessus de ma tête ; à ce seul son, on pouvait reconnaître le moment exact de l’année. Ce n’était pas le joyeux et rieur frémissement du printemps, pas non plus le léger et long chuchotis de l’été, ni le balbutiement timide et froid de la fin d’automne, mais un gazouillis ensommeillé, à peine perceptible. Une faible brise remuait très doucement la cime des arbres. L’intérieur du bois, rendu humide par la pluie, changeait sans cesse d’aspect, selon que le soleil se montrait ou se cachait derrière un nuage ; tantôt il s’illuminait tout entier, comme un grand sourire soudain : les troncs minces des bouleaux assez espacés prenaient brusquement des reflets tendres de soie blanche, les petites feuilles gisant sur le sol s’irisaient d’un coup et s’enflammaient tels des ducats, et les jolies tiges des hautes fougères recourbées, qui avaient déjà revêtu leur livrée automnale, couleur de raisin trop mûr, s’offraient aux yeux dans leur enchevêtrement sans fin ; tantôt l’ensemble reprenait une teinte bleuâtre2 : en un instant, les vives couleurs s’éteignaient, les bouleaux se dressaient, d’un blanc mat, comme une neige fraîchement tombée, que les rayons froids et joueurs du soleil hivernal n’ont pas encore effleurée ; et une pluie très fine commençait à se répandre en douce, murmurant malicieusement dans la forêt. Le feuillage des bouleaux restait encore du même vert, quoiqu’un peu pâli ; à peine si, de-ci de-là, celui, encore jeune, d’un arbre isolé, était tout rouge ou tout doré, et il fallait le voir flamboyer au soleil, lorsque ses rayons le perçaient subitement, se faufilant, en se bariolant au passage, à travers le lacis serré des branches minces récemment lavées par la pluie étincelante. On n’entendait aucun oiseau : ils s’étaient tous abrités et restaient silencieux ; de temps en temps résonnait seulement le cri moqueur d’une mésange, comme une petite cloche de métal. Avant de faire halte dans cette boulaie, j’avais traversé avec mon chien une futaie de trembles. J’avoue ne guère aimer cet arbre – le tremble –, avec son tronc d’un mauve pâle et son feuillage vert-de-gris, couleur de métal, qu’il élève le plus haut possible et qu’il déploie en l’air comme un éventail frissonnant ; je n’aime pas le perpétuel balancement de ses feuilles rondes et sans grâce, gauchement attachées à leurs longues tiges. Il devient beau seulement certains soirs d’été, lorsqu’il se détache, solitaire, au milieu d’un bosquet de buissons bas, et que les rayons déjà raréfiés du soleil couchant le prennent pour cible, le faisant briller et vibrer, inondé depuis les racines jusqu’au faîte par une pourpre uniforme et tirant sur le jaune – ou lorsque, par une claire journée venteuse, il bruit et coule son murmure sur le fond bleu du ciel, chacune de ses feuilles semblant aspirer à se détacher pour s’envoler au loin. Mais, en général, je n’aime pas cet arbre, c’est pourquoi je ne m’étais pas arrêté dans ce bois pour me reposer, j’avais gagné la boulaie et m’étais niché sous un arbre dont les branches basses, proches de la terre, pouvaient donc m’abriter de la pluie, pour m’endormir, ayant contemplé avec admiration le paysage, du doux sommeil paisible que seuls connaissent les chasseurs.
     Je ne saurais dire combien de temps j’ai dormi, mais lorsque j’ouvris les yeux, l’intérieur du bois était tout rempli de soleil, et le ciel d’un bleu vif et quasiment étincelant transperçait le feuillage au gai bruissement dans toutes les directions ; les nuages avaient disparu, chassés par le vent devenu plus fort ; le temps s’était éclairci et l’on sentait dans l’air cette fraîcheur particulière, sans humidité, qui emplit le cœur d’une sensation vivifiante et annonce presque toujours une soirée claire et calme après une journée de mauvais temps. J’allais me lever pour retenter ma chance, lorsque mes yeux s’arrêtèrent soudain sur une forme humaine immobile. Je regardai mieux : c’était une jeune paysanne. Elle était assise à vingt pas de moi, baissant pensivement la tête, ses mains tombées sur ses genoux ; sur l’une de ses mains, à moitié ouverte, était posé un gros bouquet de fleurs des champs qui glissait, à chaque fois qu’elle respirait, sur sa jupe à carreaux. Sa chemise blanche et proprette, boutonnée à la gorge et aux poignets, faisait de petits plis autour de sa taille ; deux rangées de grosses perles de verre jaunes tombaient de son cou sur sa poitrine. Elle n’était pas vilaine du tout. Ses épais cheveux d’un blond joliment cendré se séparaient en deux demi-cercles soigneusement peignés sous un étroit bandeau vermeil presque abaissé sur son front d’une blancheur ivoirine ; le reste de son visage portait ce léger hâle qui est l’apanage des peaux fines. Comme elle ne levait pas les yeux, je ne pouvais pas les voir ; mais j’apercevais nettement ses hauts sourcils fins et ses longs cils : ils étaient humides, et sur l’une de ses joues brillait la trace séchée d’une larme arrêtée près de ses lèvres légèrement pâlies. Toute sa tête était charmante ; jusqu’au nez rond et un peu fort qui ne le déparait pas. Son expression me plaisait particulièrement : si simplement douce, si triste et montrant une perplexité si enfantine devant son propre chagrin. Elle attendait visiblement quelqu’un ; un faible craquement se fit entendre dans le bois : elle leva aussitôt la tête pour regarder autour d’elle ; devant moi, dans l’ombre sans opacité, brillèrent ses grands yeux limpides, craintifs comme ceux d’une biche. Elle tendit quelques instants l’oreille, sans détacher ses yeux de l’endroit où le léger bruit s’était fait entendre, puis poussa un soupir et tourna doucement la tête qu’elle pencha encore plus bas, se mettant à trier sans hâte ses fleurs. Ses paupières avaient rougi, ses lèvres frémirent amèrement et une nouvelle larme roula sous ces cils fournis, s’arrêtant et étincelant sur sa joue. Un long moment s’écoula ainsi ; la pauvre fille ne bougeait pas – elle remuait juste les mains parfois, avec tristesse, et écoutait, écoutait… Il y eut de nouveau du bruit dans la forêt, ce qui la fit tressaillir. Le bruit ne cessa pas, se fit plus net, se rapprocha, devenant finalement celui de pas lestes et décidés. Elle se redressa et sembla un peu intimidée ; son regard attentif trembla, enflammé par l’attente. À travers un taillis se montra vite la silhouette d’un homme. Elle le regarda fixement, rougit brusquement, eut un sourire de joie et de bonheur, fit un mouvement pour se lever, mais se courba de nouveau, pâle, confuse – levant seulement des yeux anxieux, presque suppliants vers le nouvel arrivant lorsque celui-ci se fut arrêté près d’elle.
     Depuis mon refuge, je le regardai avec curiosité. J’avoue qu’il ne me fit pas bonne impression. Tout dénotait en lui le valet de chambre gâté d’un jeune et riche barine. Ses habits trahissaient des prétentions au bon goût et affichaient une désinvolture de gandin : il portait un court manteau mordoré, sûrement un ancien paletot de son maître, une petite cravate rose à bouts lilas et une casquette de velours noir à galon doré, enfoncée jusqu’aux sourcils. Le col rond de de sa chemise blanche exerçait une pression peu miséricordieuse sur ses oreilles et lui coupait cruellement les joues, cependant que ses manchettes empesées cachaient ses mains jusqu’à ses doigts rouges et crochus, ornés de bagues en or et en argent, portant des myosotis en turquoises. Son visage rubicond, frais et impudent, était de ceux qui, selon mes observations, indignent les hommes et, malheureusement, plaisent très souvent aux femmes. Il s’efforçait visiblement de donner à ses traits grossiers une expression méprisante et ennuyée ; à tout instant il plissait des yeux déjà très petits, d’un gris laiteux, faisait la grimace, abaissait les coins de sa bouche, bâillait exagérément et, avec une désinvolture négligente mais pas tout à fait réussie, aplatissait les cheveux roussâtres4 frisant crânement sur ses tempes  ou pinçait les poils jaunes dépassant de son épaisse lèvre supérieure – bref, il faisait des simagrées de manière insupportable. Il s’y était mis dès qu’il avait aperçu la jeune paysanne en train de l’attendre ; il s’approcha d’elle lentement, à pas nonchalants, et se tint devant elle, haussa les épaules, fourra ses mains dans les poches de son manteau et, gratifiant à peine la pauvre jeune fille d’un regard distrait et indifférent, s’assit par terre en se laissant tomber.
     — Eh bien, commença-t-il en continuant à regarder ailleurs, en balançant une jambe et en bâillant, il y a longtemps que tu es là ?
     — La jeune fille ne put lui répondre sur-le-champ.
     — Oui monsieur5, longtemps, Viktor Alexandrytch6, finit-elle par dire d’une voix à peine audible.
     — Ah tiens ! (Il ôta sa casquette et passa, d’un geste majestueux, la main dans ses cheveux épais, aux boucles serrées, commençant presque au ras des sourcils, et, ayant promené autour de lui un regard digne, il couvrit à nouveau, avec précaution, sa précieuse tête.) Moi, j’ai bien failli oublier. Et puis, avec cette pluie, comme tu vois… (il bâilla derechef.) on a plein de travail : on a beau avoir l’œil à tout, l’autre nous enguirlande encore. Nous partons demain…

     — Demain ? articula la jeune fille en le regardant avec effroi.

     — Demain, oui… Allons, allons, s’il te plaît — s’empressa-t-il d’ajouter en la voyant qui, toute tremblante, baissait doucement la tête –, ne pleure pas, Akoulina7, s’il te plaît. Je ne peux pas supporter ça, tu le sais. (Il fronça son nez rond.) Autrement, je m’en vais tout de suite… En voilà une idiotie, de pleurnicher !

     — Bon, je ne pleurerai pas, je ne pleurerai pas, se hâta de dire Akoulina en faisant effort pour ravaler ses larmes. — Alors, vous partez demain ? reprit-elle avec un court silence. quand Dieu nous permettra-t-il de nous revoir, Viktor Alexandrytch ?

     — On se reverra, on se reverra. Si ce n’est pas l’an prochain, par la suite. Le maître, apparemment, souhaite occuper un poste à Pétersbourg, ajouta-t-il négligemment, en parlant un peu du nez ; peut-être aussi que nous irons à l’étranger.

     — Vous m’oublierez, Viktor Alexandrytch, fit tristement Akoulina.

     — Mais non, pourquoi ? Je ne t’oublierai pas : seulement, sois intelligente, ne va pas faire la bête, obéis à ton père… Et moi, je ne t’oublierai pas, non, non. (Il s’étira tranquillement et bâilla encore.)

     — Ne m’oubliez pas, Viktor Alexandrytch, reprit-elle d’une voix implorante. Je vous ai tellement aimé, je crois, j’ai tout fait pour vous, je crois… Vous me dites d’obéir à mon père, Viktor Alexandrytch… Mais comment voulez-vous que je lui obéisse ?…

     — Eh bien quoi ? (Il dit cela comme un ventriloque, allongé par terre et les mains passées sous sa tête.)

     — Mais enfin, Viktor Alexandrytch, vous savez bien vous-même8

     Elle se tut. Viktor jouait avec la chaîne d’acier de sa montre. 

     — Akoulina, tu n’es pas une sotte, finit-il par dire, alors ne dis pas de bêtises. C’est ton bien que je veux, comprends-tu ? Tu n’es certes pas stupide, tu n’es pas  une simple paysanne, si l’on peut dire ; et ta mère non plus ne l’a pas toujours été. Cependant, tu n’as pas d’instruction – par conséquent, tu dois obéir quand on te le dit.

     — Mais ça me fait peur,  Viktor Alexandrytch.

     — Eh, quelle bêtise, ma chère : il y a vraiment de quoi avoir peur ! Qu’est-ce que tu as là – ajouta-t-il en s’approchant d’elle –, des fleurs ?

     — Oui, des fleurs, répondit tristement Akoulina. J’ai cueilli de la tanaisie9, poursuivit-elle en s’animant un peu, c’est bon pour les veaux. Et voici du chanvre d’eau10 – pour soigner les écrouelles. Voyez un peu quelle fleur magnifique, je n’en ai jamais vu d’aussi belle. Voilà des myosotis, et puis des violettes parfumées… Tenez, c’est pour vous, dit-elle encore en sortant de dessous la tanaisie jaune un petit bouquet de bleuets noués avec un brin d’herbe – vous le voulez ?

     Viktor tendit une main paresseuse, prit les fleurs, les sentit et se mit à les faire tourner entre ses doigts, les yeux tournés vers le ciel, ayant l’air de remuer de graves pensées. Akoulina le regardait… Son regard triste, était si plein de tendre dévouement, d’humble vénération et d’amour ! Tout en le craignant et en n’osant pleurer, elle lui faisait ses adieux et l’admirait pour la dernière fois ; lui restait couché, vautré comme un sultan, et tolérait son adoration avec une patience magnanime et condescendante. Je dois avouer que je regardais avec indignation sa figure rouge, où transparaissait, à travers la feinte indifférence méprisante, l’amour-propre rassasié et blasé. Akoulina était tellement jolie à cet instant : elle lui ouvrait son cœur avec passion et confiance, lui tendait les bras et le cajolait, mais lui… lui laissa choir les bleuets sur l’herbe, puis tiira d’une poche de son manteau un morceau de verre cerclé de bronze et s’affaira à se le coller dans l’œil ; en dépit des efforts qu’il faisait pour le maintenir en place en fronçant le sourcil, en relevant la joue et même le nez, le bout de verre ressortait toujours et lui retombait dans la main.

     — Qu’est-ce que c’est ? finit par demander Akoulina, surprise.

     — Un lorgnon, répondit-il avec importance.

     — C’est pour quoi faire ?

     — Pour mieux voir.

     — Montrez donc.

     Viktor fit la grimace, mais lui donna le morceau de verre.

     — Fais attention à ne pas le casser.

     — Bien sûr, que je ne le casserai pas. (Elle l’approcha timidement de son œil.) Je ne vois rien, fit-elle naïvement.

     — Ferme donc l’œil, répliqua-t-il d’un ton mécontent et sentencieux. (Elle ferma l’œil devant lequel elle tenait le verre.) Pas celui-là, idiote ! L’autre ! s’écria Viktor, en lui retirant le lorgnon sans lui laisser le temps de corriger son erreur. 

     Akoulina rougit, tenta de rire et détourna la tête.

     — Visiblement, ce n’est pas pour nous, déclara-t-elle.

     — On dirait bien !

     La pauvrette se tut et poussa un profond soupir.

     — Ah,  Viktor Alexandrytch, comment vivre sans vous ? dit-elle soudain.

     Viktor essuya le lorgon avec un pan de son manteau et le remit dans sa poche.

     — Oui, oui, finit-il par dire, ce sera dur pour toi, au début, c’est vrai. (Il lui tapota l’épaule d’un air protecteur ; elle saisit doucement la main sur son épaule et la baisa timidement.) Bon, bon, oui, tu es une brave fille, reprit-il avec un sourire fat – mais que veux-tu y faire ? Juge toi-même ! Le maître et moi, il nous est impossible de rester ici ; ce sera bientôt l’hiver, et l’hiver à la campagne – tu le sais bien toi-même –, c’est une vraie dégoûtation. À Pétersbourg, c’est bien autre chose ! Il y a là-bas des merveilles dont toi, bécasse, tu n’as pas idée, que tu n’imaginerais même pas en rêvant. Quelles maisons, quelles rues, quelle société, quelle instruction – c’est absolument stupéfiant !… (Akoulina l’écoutait avec une attention dévorante, les lèvres entrouvertes, comme une gamine.) D’ailleurs, ajouta-t-il en se retournant par terre, à quoi bon te raconter tout cela ? Tu ne peux pas comprendre.

     — Pourquoi donc, Viktor Alexandrytch ? J’ai compris ; j’ai tout compris.

     — Voyez-vous ça !

     Akoulina baissa les yeux.

     — Avant, vous ne me parliez pas comme cela, Viktor Alexandrytch, dit-elle sans lever le regard.

     — Avant ?… avant ! Eh bien, toi !… Avant ! releva-t-il, quasiment offusqué.

     Ils gardèrent le silence.

     — Eh bien, il faut que j’y aille, dit Viktor en se soulevant sur un coude…

     — Attendez encore un peu, le supplia Akoulina.

     — À quoi bon attendre ?… Je t‘ai fait mes adieux.   

     — Attendez, répéta Akoulina.

     Viktor s’étendit de nouveau et se mit à siffloter. Akoulina ne le quittait pas des yeux. Je pouvais voir son émotion s’accroître : un tremblement s’empara de ses lèvres, une faible rougeur vint teinter ses joues pâles…

     — Viktor Alexandrytch, dit-elle enfin d’une voix entrecoupée, c’est mal, ce que vous faites… c’est mal, Viktor Alexandrytch, je vous le jure !

     — Qu’est-ce qui est mal ? demanda-t-il en fronçant les sourcils, et il se souleva un peu et tourna la tête vers elle.

     — C’est mal, Viktor Alexandrytch. Vous pourriez tout de même avoir un mot gentil, pour me dire adieu ; me dire au moins quelque chose de gentil, à moi, pauvre malheureuse11

     — Mais que puis-je te dire ?

     — Je ne sais pas ; vous le savez mieux que moi, Viktor Alexandrytch. Vous allez partir, sans même me dire un petit mot gentil… En quoi ai-je mérité ça ?

     — Que tu es étrange ! Qu’y puis-je donc ?

     — Au moins un petit mot…

     — La voilà qui rabâche toujours la même chose ! dit-il avec agacement, et il se leva.

     — Ne vous fâchez pas, Viktor Alexandrytch, s’empressa-t-elle d’ajoutant en retenant à peine ses larmes.

     — Je ne me fâche pas, seulement tu es bête… Que veux-tu ? Je ne peux quand même pas t’épouser !? N’est-ce pas ? Alors, que veux-tu donc ? Hein ? (Il détourna son visage en écartant les doigts12, comme dans l’attente d’une réponse.)

     — Mais rien… je ne veux rien, bégaya-t-elle en osant à peine tendre vers lui ses mains tremblantes – juste un petit mot gentil pour me dire adieu…

     Et elle versa un torrent de larmes.

     — C’est bien ça, la voilà qui pleure, déclara Viktor avec sang-froid, en ramenant sa casquette sur ses yeux.

     — Je ne veux rien, répétait-elle en sanglotant et en cachant son visage dans ses mains – mais comment vais-je faire, maintenant, dans ma famille, comment vais-je faire ? Et que vais-je devenir, malheureuse que je suis ? Une malheureuse qu’on donnera en mariage à un homme détestable… Pauvre de moi !

     — Vas-y, entonne ton refrain, marmonna Viktor en piétinant.

     — Il pourrait me dire un mot gentil, ne soit-ce qu’un petit mot… Il dirait : « Akoulina, je… »

     Les sanglots brusques déchirant sa poitrine l’empêchèrent de terminer – elle s’écroula, le visage dans l’herbe, et pleura à chaudes larmes… L’émotion agitait convulsivement son corps, des soubresauts soulevaient sa nuque… Le chagrin longtemps contenu coulait désormais à flots. Viktor se tint un moment au-dessus d’elle, puis il haussa les épaules, se détourna et partit à grandes enjambées.

     Quelques instants s’écoulèrent… Elle s’apaisa, leva la tête, se releva d’un bond, regarda autour d’elle et leva les bras au ciel ; elle faillit se lancer à sa poursuite, mais les jambes lui manquèrent et elle tomba sur les genoux… Je ne pus y tenir et me précipitai vers elle ; mais à peine m’eut-elle aperçu qu’elle retrouva des forces Dieu sait où, se releva en poussant un faible cri et disparut derrière les arbres, en laissant ses fleurs éparpillées à terre.

     Je demeurai un moment sur place, ramassai le bouquet de bleuets et sortis du bois, retrouvant les champs. Le soleil était bas dans le ciel à la clarté pâle, ses rayons semblaient avoir aussi perdu de leur éclat et de leur chaleur : ils ne brillaient pas, ils répandaient une lumière égale et diffuse. Il ne restait guère qu’une demi-heure avant la venue du soir, et le crépuscule peinait à s’enflammer. Des sautes de vent venaient vivement à ma rencontre à travers les chaumes jaunes et desséchés ; ces rafales soulevaient de petites feuilles froissées qui passaient en coup de vent, traversant le chemin et suivant la lisière du bois ; la partie de la forêt formant une muraille tournée vers les champs frémissait toute et brillait doucement, d’un éclat net mais sans force ; sur l’herbe rougeâtre, sur les brins d’herbe comme sur les fétus de paille, partout étincelaient et s’agitaient d’innombrables fils de la Vierge13. Je m’arrêtai… Une tristesse me gagna ; à travers le sourire sans gaieté14, malgré sa fraîcheur, de la nature en train de se faner, s’approchait à pas de loup l’effrayante mélancolie de l’hiver plus si éloigné. En hauteur, en un vol lourd, fendant rudement l’air de ses ailes, un corbeau15 passa prudemment au-dessus de moi, tourna la tête pour me regarder en biais, reprit son vol et disparut au-delà de la forêt en croassant de façon saccadée ; une grande volée de pigeons s’envola d’un coup d’une grange et, formant soudain une colonne tourbillonnante, alla se disperser d’un air affairé dans les champs : signe d’automne ! Quelqu’un passa en charrette derrière la colline dénudée, la télègue16 vide faisant du bruit…

     Je rentrai chez moi ; mais l’image de la pauvre Akoulina fut longue à sortir de ma tête, et je conserve encore son bouquet de bleuets, depuis longtemps fanés16

     




Notes


  1. Dix-neuvième récit du cycle global des Mémoires d’un chasseur.
  2. C’est É. Halpérine-Kaminsky qui a raison, ici, et non H. Mongault qui voit le tout virer au brun, contrairement à ce que dit le texte russe. Il y a d’ailleurs de nombreuses imprécisions et autres erreurs dans ces deux traductions…
  3. Hobereau, seigneur local, propriétaire…
  4. Dans la littérature russe, les cheveux roux n’annoncent rien de bon, en général.
  5. Juste indiqué, comme d’habitude par l’enclitique sifflée « S ».
  6. Pour Alexandrovitch, fils d’Alexandre.
  7. Prénom fréquent, à cette époque, chez les gens du peuple.
  8. Première d’une série d’allusions (encore plus nettes dans l’ébauche du récit) à la grossesse d’Akoulina, que la censure caviarda.
  9. https://www.promessedefleurs.com/potager/aromatiques/aromatiques-de-a-a-z/tanaisie-tanacetum-vulgare-godet.html
  10. https://fr.wikipedia.org/wiki/Chanvre_d%27eau
  11. « Pauvre orpheline », mais dans un sens figuré, puisque son père a déjà été évoqué.
  12. Je ne vois pas d’autre interprétation possible de ce passage obscur entre parenthèses.
  13. Simples fils de toile d’araignée, dans le texte. Pour une fois que c’est plus poétique en français…
  14. Décidément pas en forme, H. Mongault trouve le moyen d’écrire : « Le joyeux sourire »…
  15. Symbole de mort en Russie.
  16. La nouvelle parut, ainsi qu’un autre récit du cycle, Les chanteurs, en 1851 dans la revue Le Contemporain, qu’avait reprise Nekrassov. Les deux eurent du succès. La critique se partagea néanmoins, un Apollon Grigoriev trouvant un peu mélodramatique le personnage d’Akoulina. Ce texte et la nouvelle de Tchékhov Le chasseur furent l’objet d’analyses comparées ultérieures, portant notamment sur l’influence de Tourguéniev sur le jeune Tchékhov. Affaire à suivre, peut-être…