mercredi 6 septembre 2023

Le pré Béjine (Ivan Tourguéniev)

     C’était une belle journée de juillet, l’une de ces journées qui surviennent seulement lorsque le temps est stable depuis un bon moment. Dès l’aube, le ciel est clair ; l’aurore n’est marquée d’aucun incendie : elle est inondée d’un tendre rose. Le soleil ne flamboie pas comme il le fait durant la canicule, il ne montre pas le rougeoiement terne précédant la tempête, il est lumineux et son éclat est radieux et aimable – il émerge d’une étroite bande nuageuse tout en longueur, brille d’un éclat neuf et se cache à nouveau dans une brume lilas. Sur le dessus, le fin ourlet du long nuage scintille de serpentins brillant comme de l’argent martelé…  Mais voici une nouvelle pluie de rayons joueurs – et, avec une gaieté majestueuse, comme prenant son envol, l’astre puissant entame son ascension. Vers midi apparaissent d’ordinaire, en altitude, une quantité de nuages ronds, d’un or éteint, d’une douce blancheur sur leurs bords. Semblables à des îles éparpillées sur un fleuve débordant à l’infini, et les entourant de ses bras d’un bleu uniforme, profonds et transparents, ils restent quasiment sur place ; dans le lointain, vers l’horizon, ils bougent, s'empilent les uns sur les autres, on ne voit plus le bleu du ciel entre eux ; mais ils sont eux-mêmes d’un bleu d’azur : la lumière et la chaleur les traversent tous de part en part. La ligne d’horizon est d’une couleur légère, un mauve pâle qui ne varie pas de toute la journée et s’étend partout, toujours identique ; le ciel ne s’assombrit nulle part, aucun orage ne se prépare ; de-ci de-là, seulement, des raies blanchâtres zèbrent le ciel de haut en bas : il pleut quelque part, mais c’est à peine perceptible. Ces nuages disparaissent vers le soir ; les derniers d’entre eux, sorte de fumée vaguement foncée, descendent en tourbillons roses face au soleil couchant ; à l’endroit où il s’est éteint aussi tranquillement qu’il s’était levé, une lueur pourpre se maintient quelque temps au-dessus de la terre qui s’enténèbre, et, clignotant légèrement comme une bougie transportée avec précaution, l’étoile du soir s’y allume. Lors de ces journées, les couleurs sont toutes adoucies ; elles sont claires, sans être trop brillantes ; tout porte l’empreinte d’une émouvante douceur. La chaleur peut être très forte durant ces journées, et même étouffante dans les champs à flanc de coteau ; mais le vent finit par dissiper, par chasser l’air brûlant entassé, et des tourbillons — signes certains que le beau temps se maintiendra – se baladent en hautes colonnes blanches au-dessus des chemins et des labours. L’air sec et pur sent l’absinthe, le seigle fraîchement coupé, le sarrasin ; même une heure avant la nuit, on ne perçoit pas d’humidité. Le cultivateur souhaite un temps pareil pour sa moisson…     
     
Je me trouvais donc, par une telle journée, à chasser le coq de bruyère2 dans le district de Tchern de la province de Toula3. J’y avais trouvé et abattu pas mal de gibier ; ma gibecière bien remplie me sciait impitoyablement l’épaule ; mais les lueurs du crépuscule s’éteignaient déjà, et, dans l’air encore lumineux, même si les rayons du soleil disparu ne l’éclairaient plus, les ombres froides commençaient à s’épaissir et à s’étendre, lorsque je pris enfin le parti de rentrer à la maison. Je traversai à grands pas une longue bande de terrain semée de buissons, gravis une colline et, au lieu de la plaine familière que je m’attendais à voir, avec la chênaie sur la droite et la petite église blanche dans le lointain, j’aperçus bien autre chose, des lieux qui m’étaient parfaitement inconnus. À mes pieds s’étirait un vallon étroit ; juste en face de moi se dressait la muraille abrupte d’un épais bois de trembles. Perplexe, je m’arrêtai et regardai de tous côtés… « Tiens ! me dis-je, je ne suis pas dans la bonne direction : j’ai pris trop à droite. » Et, étonné de cette erreur, je redescendis lestement la colline.  Une humidité stagnante et désagréable m’enveloppa aussitôt, à croire que j’étais entré dans un tombeau ; l’herbe épaisse et mouillée tapissant le fond du vallon avait l’uniformité d’une nappe blanche ; à la fouler, on éprouvait une sorte de malaise. Avec peine, je pris de l’autre côté et partis sur la gauche en longeant les trembles. Les chauves-souris avaient déjà entamé leur ballet au-dessus de leurs cimes endormies, tournant mystérieusement et vacillant dans la vague clarté du ciel ; un petit épervier attardé volait droit devant lui avec vivacité en hauteur, pressé de regagner son nid. « Bon, quand j’arriverai à l’autre angle, songeais-je, je trouverai la route, j’aurai fait un crochet d’une  verste4 ! » 

     J’atteignis enfin l’extrémité du bois, mais il n’y avait aucune route : des bas buissons d’herbes non fauchées s’étalaient largement devant moi, et derrière eux, tout au loin, se montrait un champ désert. Je m’arrêtai de nouveau. « Étrange !… Où suis-je donc ? » Je me mis à refaire de tête le chemin suivi dans la journée… « Hé ! ce sont les buissons de Parakhino, m’exclamai-je enfin, c’est bien ça ! Donc, là-bas, ce doit être le petit bois de Sindéiévo… Mais comment est-ce que je me retrouve là ? Si loin ?… Bizarre ! Maintenant, il faut encore prendre à droite. »


     J’allai à droite, au milieu des buissons. Cependant, la nuit approchait, grandissant comme une nuée d’orage ; on aurait dit que l’obscurité montait de partout, en même temps que les vapeurs du soir, les ténèbres provenant même d’en haut. Je tombai sur un chemin envahi d’herbes, rarement emprunté, visiblement ; je le suivis en regardant attentivement où j’allais. L’obscurité et le silence se faisaient rapidement un peu partout – on entendait juste de temps en temps le cri d’une caille. Un petit oiseau nocturne, volant bas et sans bruit dans le battement feutré de ses ailes, se cogna presque contre moi et se jeta craintivement de côté. Arrivé à la lisière des taillis, j’en sortis pour me traîner dans un champ la longeant. Je distinguais déjà mal les objets ; le champ blanchoyait vaguement ; au-delà, progressant à chaque instant, s’élevaient d’énormes tourbillons sombres et sinistres. Mes pas résonnaient sourdement dans l’air figé. Le ciel, qui avait pâli, se mit à redevenir bleu — mais c’était déjà le bleu de la nuit. De petites étoiles scintillaient, tremblotant sur cet écrin.

     Ce que j’avais pris pour un bosquet s’avéra être un sombre tertre rond. « Mais où suis-je donc ? » répétai-je, à haute voix cette fois ; je m’arrêtai pour la troisième fois et regardai d’un air interrogateur ma chienne anglaise à la robe jaune et blanche, ma Dianka5, sans conteste la plus intelligente des créatures à quatre pattes. Mais la plus intelligente des créatures à quatre pattes se contenta de remuer la queue et de cligner tristement de ses yeux fatigués, sans me donner le moindre conseil pratique. J’eus honte devant elle et me lançai avec acharnement en avant, comme si j’avais soudain trouvé où il fallait aller ; je contournai la butte et me retrouvai dans une vallée peu profonde et labourée. Je fus pris aussitôt d’un sentiment étrange. Cette vallée allait presque exactement l’aspect d’un chaudron aux flancs évasés ; quelques grandes pierres blanches se dressaient, émergeant du fond du vallon – on eût dit qu’elles y étaient descendues pour un mystérieux colloque –, et il y régnait un tel silence, l’endroit était si plat et surplombé par un ciel si triste que j’en eus le cœur serré. Un petit animal piaula plaintivement entre les roches. Je me hâtai de revenir sur mes pas et de remonter sur la butte. Jusqu’alors, je n’avais pas perdu l’espoir de retrouver le chemin pour rentrer chez moi ; mais là, je dus reconnaître que je m’étais complètement perdu, et, sans chercher davantage à reconnaître les alentours, presque entièrement plongés dans l’obscurité, j’allai droit devant moi, en suivant les étoiles, au hasard, en fait… Je marchai ainsi près d’une demi-heure, mes jambes se mouvant avec effort. J’avais l’impression de ne m’être jamais trouvé dans des endroits aussi déserts : pas une lumière nulle part, aucun son non plus. À une colline en pente douce en succédait une autre, les champs s’étendaient interminablement, les buissons semblaient surgir de terre sous mon nez. Je marchais, et me préparais déjà à m’allonger quelque part pour attendre le matin, lorsque je me retrouvai soudain au-dessus d’un effrayant gouffre.

     Je retirai précipitamment le pied que j’avais engagé, et devinai à travers les ténébres guère pénétrables une immense plaine qui s’étendait au loin en contrebas. Une large rivière l’entourait en demi-cercle à partir de ma position ; les reflets métalliques de l’eau, scintillant vaguement par moments, indiquaient le sens du courant6.La colline sur laquelle je me trouvais descendait presque à pic ; ses énormes contours se découpaient, tout noirs sur le fond bleuâtre de l’air, et, juste en-dessous de moi, dans l’angle formé par l’escarpement et la plaine, à côté de la rivière qui, en cet endroit, restait immobile, formant un miroir sombre juste sous l’à-pic, des flammes rougeoyaient, celles de deux petits feux de camp qui fumaient de concert. Des gens s’agitaient autour des feux, des ombres vacillaient, le devant d’une petite tête bouclée se montrait parfois en pleine lumière…

     Je reconnus enfin les lieux. Cette prairie est connue dans notre région sous le nom de pré Béjine… Mais il ne m’était nullement possible de rentrer chez moi, particulièrement en pleine nuit ; de fatigue, mes jambes se dérobaient sous moi. Je pris la décision de m’approcher des feux et d’attendre l’aube en compagnie de ces gens que  je prenais pour des bouviers. Je réussis à descendre sans encombre, mais je n’eus pas le temps de lâcher la dernière branche que j’avais en main que déjà deux grands chiens blancs à longs poils se jetaient sur moi en aboyant férocement. Des voix sonores d’enfants retentirent près des feux ; deux ou trois jeunes garçons se relevèrent vite. Je répondis à leurs cris interrogateurs. Ils accoururent vers moi, rappelèrent aussitôt les chiens, qui avaient été surtout surpris de voir ma Dianka, et je m’approchai d’eux.

     Je m’étais trompé en prenant les gens assis autour des feux pour des bouviers. C’étaient simplement des enfants de paysans des villages environnants, qui gardaient un troupeau de chevaux. Dans nos contrées, on mène les chevaux paître en pleine nature, les nuits chaudes d’été : dans la journée, les mouches et les œstres7   les harcèleraient. Mener le soir au pré et ramener à l’aube un troupeau est une grande fête pour les gamins des paysans. Assis sans bonnets et dans de vieilles demi-pelisses sur les rosses les plus fringantes, ils galopent avec des cris et des hululements, agitant bras et jambes, sautant en hauteur et riant aux éclats. Une colonne de fine poussière jaune s’élève et se déploie au-dessus de la route à leur passage ; le martèlement collectif des sabots s’entend de loin, les chevaux courent, les oreilles dressées ; devant tous les autres, relevant la queue et changeant sans trêve de pied, galope un alezan ébouriffé, avec des bardanes dans sa crinière.

     Je dis aux garçons que je m’étais égaré, et m’assis à côté d’eux. Ils me demandèrent d’où je venais, puis se turent et s’écartèrent un peu. Nous n’avions pas longtemps causé. Je m’étendis à l’abri d’un petit buisson tout rongé et me mis à observer les alentours. Le tableau était exquis : auprès des feux tremblotait, l’air de devoir s’éteindre, comme adossé aux ténèbres, un reflet rougeâtre circulaire ; les flammes qui jaillissaient lançaient parfois vivement des lueurs au-delà de cet orbe ; une mince langue de lumière venait lécher les rameaux dénudés d’osier et disparaissait ; de longues ombres effilées faisaient brièvement irruption à leur tour, atteignant les feux : l’obscurité luttait avec la lumière. Parfois, lorsque les flammes faiblissaient et que le cercle de lumière se rétrécissait, une tête de cheval surgissait brusquement des ténèbres mouvantes, tête brune piquée d’une sinuosité claire, ou bien entièrement blanche, qui nous regardait avec une attention stupide, tout en mâchant vivement de longs brins d’herbe, pour se baisser et disparaître l’instant d’après. On l’entendait seulement continuer à mâcher et à s’ébrouer. Depuis l’endroit éclairé, il était difficile de distinguer ce qui se passait dans l’obscurité, à proximité tout semblait quasiment caché par un rideau noir ; mais plus loin, vers l’horizon, les collines et les bois se dessinaient vaguement sous la forme de taches allongées. Le ciel d’une sombre pureté se tenait au-dessus de nous, immense et solennel, dans sa mystérieuse splendeur. La poitrine se serrait délicieusement à respirer cet air unique, frais et langoureux – l’air des nuits d’été en Russie. On n’entendait presque aucun bruit alentour… Sauf, de temps à autre, le clapotis sonore causé par un gros poisson, ou le léger bruissement des roseaux sur le bord, agités par l’arrivée d’une vague… Seuls les feux pétillaient doucement. 

     Les enfants étaient assis tout autour ; ainsi que les deux chiens qui, au début, avaient voulu me dévorer. Ils mirent beaucoup de temps à se faire à ma présence, et, clignant de leurs yeux ensommeillés et louchant sur le feu, ils continuaient à pousser des grognements pour réaffirmer de façon étonnante leur dignité ; leur grognement tournait ensuite au gémissement, comme par regret de ne pouvoir assouvir leur désir. Les garçons étaient au nombre de cinq : Fédia, Pavloucha, Ilioucha, Kostia et Vania8. (Leurs discussions m’avaient appris leurs prénoms, et je vais maintenant les présenter au lecteur.)

     Le premier, le plus âgé de tous, Fédia, vous lui auriez donné quatorze ans. C’était un garçon svelte, avec un visage aux traits jolis et fins, un peu doux, des cheveux blonds et bouclés, des yeux clairs et sur les lèvres un perpétuel sourire mi-joyeux mi-distrait. Tout montrait qu’il était d’une famille riche et venait bivouaquer non par nécessité, mais par plaisir. Il portait une chemise d’indienne bariolée à liseré jaune ; il avait jeté un petit armiak9 neuf sur ses épaules étroites et le manteau s’y maintenait à peine ; un peigne était passé dans sa ceinture bleue. Ses bottes à tige basse étaient bien les siennes, et non celles de son père. Le deuxième garçon, Pavloucha, avait les cheveux noirs et ébouriffés, les yeux gris, de larges pommettes, le visage pâle et grêlé, la bouche grande mais régulière, une tête énorme, une vraie cuve à bière, comme on dit, un corps trapu et lourdaud. Le gamin ne payait pas de mine, certes, il me plut néanmoins : il avait un regard franc et fort intelligent, et de la vigueur s’entendait dans sa voix. Il ne pouvait guère faire parade de sa tenue : elle se composait d’une simple chemise de chanvre et d’une culotte rapiécée. La figure du troisième, Ilioucha, était plutôt insignifiante : ce visage allongé au nez busqué et au regard de taupe avait une expression maladivement soucieuse et obtuse ; ses lèvres restaient serrées, ses sourcils demeuraient froncés, il semblait cligner des yeux sans cesse à cause du feu. Ses cheveux d’un jaune très pâle pointaient en épis de dessous le petit chapeau de feutre qu’il portait bas et rabattait sans cesse sur ses oreilles. Il portait des lapti10 neufs, ainsi que des bandes de toile11 neuves ; une grosse corde, enroulée trois fois autour de sa taille, serrait soigneusement son caftan12 court noir et propret. De même que Pavloucha, il n’avait pas l’air d’avoir plus de douze ans. Le quatrième, Kostia, un garçon de quelque dix ans, éveillait ma curiosité par son regard triste et pensif. Il avait un petit visage maigre et constellé de taches de rousseur, aigu vers le bas comme celui d’un écureuil : on pouvait à peine distinguer ses lèvres ; mais ses grands yeux noirs et brillants, à l’éclat liquide, produisaient une impression étrange : ils semblaient avoir quelque chose à dire, une chose que la langue – la sienne, tout au moins – était incapable d’exprimer. Il était petit, chétif et habillé pauvrement. Le dernier, Vania, je n’y avais tout d’abord pas fait attention : il était couché par terre, tranquillement blotti sous une bâche de grosse toile, sa tête châtain clair et bouclée n’en ressortant que de temps en temps. Il n’avait pas plus de sept ans.

     J’étais donc étendu à l’écart sous un buisson, et je regardais les cinq garçons. Un petit chaudron était suspendu au-dessus de l’un des feux ; des « patates » y cuisaient, sous la surveillance de Pavloucha qui, agenouillé, enfonçait une brindille dans l’eau bouillante. Fédia était couché appuyé sur un coude, les pans de son armiak écartés. Ilioucha était assis à côté de Kostia et continuait à cligner des yeux intensément. Kostia baissait un peu la tête et regardait quelque part au loin. Sous sa bâche, Vania ne remuait pas. J’affectai de m’être endormi. Peu à peu, les enfants reprirent leur conversation.

     Ils commencèrent par bavarder de choses et d’autres, des travaux du lendemain, et des chevaux ; mais soudain, Fédia s’adressa à Ilioucha et, semblant reprendre une discussion interrompue, lui demanda :

     — Alors, comme ça, tu l’as vu, le domovoï 13 ?

     — Non, je ne l’ai pas vu, d’ailleurs, on ne peut pas le voir – répondit Ilioucha d’une voix faible et rauque s’accordant au mieux à l’expression de son visage –, mais je l’ai entendu… Et d’autres l’ont entendu avec moi.

     — Et où ça, par chez vous ? demanda Pavloucha.

     — Dans la vieille salle aux cuves14.

     — Vous allez donc à la fabrique ?

     — Mais oui. Mon frère Avdiouchka15 et moi, nous sommes lisseurs. 

     — Dis donc, de vrais ouvriers !…

     — Alors, comment l’as-tu entendu ? demanda Fédia.

     — Voilà : une fois, avec mon frère Avdiouchka, Fiodor de Mikheïevo, Ivachka-le-bigleux, un autre Ivachka, des Collines Rouges17, et puis d’autres gars, nous étions une dizaine en tout – toute l’équipe, quoi ; mais voilà que nous avons dû passer la nuit à côté des cuves, c’est-à-dire, en fait, que Nazarov, le surveillant, nous a interdit de partir, il nous a dit : « Vous n’allez pas rentrer chez vous, les gars, il y a beaucoup de travail demain. » Alors nous sommes restés, et nous nous sommes couchés tous ensemble ; et voilà Avdiouchka qui sort : « Dites donc, et si le domovoï s’amène ?… » Il n’avait pas fini de parler que quelqu’un s’est soudain mis à marcher au-dessus de nos têtes ; nous, nous étions en bas, lui en haut, à côté de la roue. Nous l’entendons qui marche, les planches plient et craquent sous ses pas ; le voilà qui traverse au-dessus de nos têtes, et brusquement l’eau tombe avec fracas sur la roue, qui se met à tourner à grand bruit, et pourtant les vannes du « palais18 » sont baissées. Nous sommes bien étonnés : qui donc les a levées, que l’eau coule ? Cependant, la roue tourne, tourne, et puis elle s’arrête. Nous entendons de nouveau marcher en haut vers la porte, puis il se met à descendre l’escalier sans se presser, comme qui dirait ; les marches ne gémissent pas sous lui… Le voilà qui s’approche de notre porte, qui reste à attendre — et la porte s’ouvre  d’un coup toute grande. Affolés, nous regardons : il n’y a rien… Soudain, gare, le filet19 d’une cuve s’ébranle, se lève, se renfonce, se promène en l’air comme pour faire couler l’eau, et revient à sa place. Puis c’est le crochet d’une autre cuve qui échappe à son clou, puis s’y raccroche ; ensuite, quelqu’un semble s’approcher de la porte et se met soudain à tousser, à se racler la gorge, à bêler en faisant un de ces boucans… Nous sommes tombés les uns sur les autres, cherchant à nous glisser sous le voisin… Oh, ce que nous avons pu avoir peur !

     — Dis donc ! fit Pavel. Mais qu’est-ce qui le faisait tousser ?

     — Je ne sais pas ; peut-être l’humidité.

     Tous se turent.

     — Bon, demanda Fédia, les patates sont cuites ?

     Pavloucha les tâta.

     — Non, pas encore… Tiens, un clapotis, ajouta-t-il en se  tournant vers la rivière ; ça doit être un brochet… Et voilà une étoile filante.

     — Non, écoutez un peu, les amis, écoutez ce que mon père a raconté l’autre jour, devant moi.

     — Eh bien, on t’écoute, dit Fédia, protecteur.

     — Vous savez qui est Gavrila20, le charpentier du bourg ?

     — Mais oui, nous le savons.

     — Mais savez-vous pourquoi il est tout le temps si triste, pourquoi il se tait toujours ? Voici pourquoi. Un jour, a expliqué papa, il est allé dans les bois chercher des noisettes, les amis. Il est allé dans les bois et s’est perdu ; il s’est retrouvé Dieu sait où. Il marchait, les amis, il marchait – pas moyen de retrouver son chemin ! Et il faisait déjà nuit. Il s’est assis au pied d’un arbre ; je vais attendre le matin, se disait-il. Il s’est assoupi. Et voilà que, soudain, il entend qu’on l’appelle. Il regarde : personne. Il se rendort – et on l’appelle de nouveau. Il regarde, regarde : devant lui, sur une branche, est assise une roussalka21 qui se balance et l’appelle, tout en riant à en mourir… La lune éclaire si fort qu’on y voit comme en plein jour, les amis. Elle l’appelle donc, et elle est si brillante, si blanche sur sa branche, un vrai gardon, ou un goujon, ou encore certains carassins blanchâtres, argentés… Le charpentier, le Gavrila, son cœur s’arrête de battre, les amis, tandis qu’elle continue à rire aux éclats et à l’appeler, l’attirant à elle de la main. Gavrila s’était déjà levé, il allait obéir à la roussalka, les amis, il faut croire que le bon Dieu lui a suggéré de faire le signe de la croix… Et le mal qu’il a eu, les amis, à le faire, ce signe de croix !… d’après lui, sa main était tout bonnement de pierre, elle ne remuait pas… Il22 sait y faire… Il fait son signe de croix, les amis, et la petite roussalka arrête de rire et se met à pleurer… Elle pleure, les amis, et s’essuie les yeux avec ses cheveux, ses cheveux qui sont verts comme du chanvre. Gavrila l’a regardé, regardé, et lui a demandé : « Qu’as-tu à pleurer, créature des bois ? » Et la roussalka lui dit : « Homme, si tu n’avais pas fait ce signe de croix, tu aurais vécu jusqu’à la fin de tes jours avec moi dans la joie ; je pleure et suis morte de chagrin parce que tu l’as fait, ce signe de croix ; mais mon chagrin, tu vas le connaître aussi, et jusqu’à la fin de tes jours. » Et là, les amis, elle a disparu, et Gavrila a vu tout de suite comment sortir de la forêt… Mais, depuis ce temps-là, il est toujours triste.

     — En voilà une créature ! dit Fédia après un court silence. Mais comment un esprit maléfique des bois comme ça peut-il gâter l’âme d’un chrétien ? Il ne lui a pas cédé, tout de même !

     — C’est comme ça, vois-tu ! fit Kostia. Et Gavrila disait que la voix de la roussalka était fluette et pitoyable comme celle d’un crapaud.

     — Ton père a raconté ça lui-même ? reprit Fédia. 

     — Lui-même. J’étais couché dans la soupente, j’ai tout entendu.

     — C’est bizarre. Pourquoi est-il triste ?… Il faut croire qu’il lui avait plu, si elle l’appelait.

     — Bien sûr qu’il lui avait plu ! s’empressa de dire Ilioucha. Comment donc ! Elle voulait le chatouiller23, voilà ce qu’elle voulait. C’est leur truc, aux roussalkas.

     — Il doit y en avoir ici, observa Fédia.

     — Non, répondit Kostia, ici, c’est dégagé, à l’air libre. Il y a tout de même une chose : la rivière n’est pas loin.

     Tous se turent. Soudain, quelque part au loin, retentit un son prolongé, presque un gémissement, l’un de ces incompréhensibles bruits nocturnes qui s’élèvent parfois au milieu du profond silence, restent en l’air et se propagent lentement pour finir par mourir. On tend l’oreille, sans rien percevoir de net, mais cela résonne. On aurait dit que quelquu’un avait poussé un long cri à l’horizon, qu’un autre lui avait répondu, depuis la forêt, par un éclat de rire aigu, et qu’un faible sifflement avait remonté la rivière. Les garçons frissonnèrent et échangèrent des regards…

     — Que la Croix soit avec nous ! chuchota Ilia.

     — Hé les corneilles ! cria Pavel, qu’avez-vous à vous alarmer ? Regardez plutôt, les patates sont cuites. Ils s’approchèrent du chaudron et se mirent à manger les pommes de terre fumantes ; seul Vania ne broncha pas.

     — Alors, tu viens ? lui dit Pavel.

     Mais il ne sortit pas de dessous sa bâche. Le chaudron fut bientôt vide.

     — Dites, les gars, commença Ilioucha, vous avez entendu parler de ce qui est arrivé l ‘autre jour chez nous, à Varnavitsy ?

     — Sur la digue , demanda Fédia.

     — Oui, sur la digue, celle qui est rompue. C’est un coin perdu et maléfique, on peut le dire ! Aux alentours, il n’y a que des ravins, et plein de serpents24 dans ces ravins.

     — Eh bien, raconte-nous ce qui est arrivé…

     — Voilà ce qui est arrivé. Tu ne le sais peut-être pas, Fédia, mais on a enterré là-bas un noyé ; il s’est noyé il y a bien longtemps, quand l’étang était encore profond ; ce qui fait qu’on voit encore la tombe, mais à peine : une petite butte, c’est tout… Voilà que, l’autre jour, l’intendant fait venir le piqueur Ermil25 et lui dit d’aller à la poste. Chez nous, c’est toujours Ermil qui va à la poste ; il a perdu tous ses chiens, quelque chose fait qu’ils ne peuvent pas rester en vie avec lui, pourtant c’est un bon piqueur, excellent, même. Ermil part donc chercher le courrier, mais le voilà qui traîne en ville, et quand il revient, il est un peu éméché. C’est la nuit, et une nuit claire : la lune brille… Voilà Ermil qui traverse la digue : elle était sur son chemin. Il avance, le piqueur Ermil, et il voit sur la tombe du noyé un petit mouton, tout blanc, tout frisé, tout mignon, qui se promène. « Tiens, si je le prenais ? se dit Ermil, à quoi bon le laisser se perdre ? » Il descend de son cheval et prend le mouton dans ses bras… Le mouton se laisse faire. Voilà qu’Ermil revient à son cheval, mais le cheval écarquille les yeux, s’ébroue, secoue la tête ; il le calme en faisant « Tprou ! » et se remet en selle en tenant le mouton devant lui. Il regarde le mouton, et le mouton le regarde aussi dans les yeux. Il commence à avoir peur, Ermil le piqueur : il n’a jamais vu un mouton regarder quelqu’un dans les yeux comme ça ; bon, ce n’est rien ; il se met à caresser la toison du mouton en disant : « Petit mouton, petit mouton ! » Et voilà le mouton qui lui montre les dents brusquement, en lui disant à son tour : « Petit mouton, petit mouton… »

     Le conteur n’avait pas fini de prononcer les derniers mots que tout à coup les deux chiens se levèrent en même temps et se ruèrent en avant, loin du feu, en aboyant frénétiquement, pour disparaître dans l’obscurité. Les enfants furent très effrayés. Vania jaillit de dessous sa bâche. Pavloucha se lança en criant derrière les chiens. Leurs aboiements s’éloignaient rapidement… Alarmé, le troupeau se mit à courir avec inquiétude. Pavloucha criait très fort : « Le Gris ! Scarabée !… » Quelques instants plus tard, les aboiements se turent ; de loin nous parvint la voix de Pavloucha… Il s’écoula encore un peu de temps ; les garçons échangeaient des regards perplexes, semblant dans l’expectative… Le bruit des sabots d’un cheval au galop résonna soudain ; la bête s’arrêta pile devant le feu et Pavloucha sauta lestement à terre, en se raccrochant à la crinière de sa monture. Les deux chiens firent aussi irruption dans le cercle de lumière et se rassirent aussitôt, tirant des langues rouges.

     — Qu’y avait-il ? Qu’est-ce que c’était ? demandèrent les enfants.

     — Rien du tout, répondit Pavloucha en agitant la main pour renvoyer le cheval. Les chiens ont dû flairer quelque chose. Je pensais que c’était un loup, ajouta-t-il d’une voix égale, en respirant à pleins poumons.

     Malgré moi, je l’admirai. À cet instant, il était très beau. Son visage ingrat, vivifié par sa course, brillait d’une audacieuse bravoure et d’une ferme résolution. Sans même un bout de bois, en pleine nuit, il n’avait pas hésité un instant à courir sus au loup, tout seul…. « Quel brave garçon ! » me disais-je en le regardant.

     — Et on en a vu, des loups, par ici ? demanda le froussard Kostia.

     — Il y en a plein, tout le temps, répondit Pavel, mais ils ne sont dangereux qu’en hiver.

     Il se blottit de nouveau près du feu. en s’asseyant par terre, il laissa tomber sa main sur la nuque velue de l’un des chiens, et l’animal, heureux, ne tourna pas la tête un bon moment, regardant de côté Pavloucha avec reconnaissance et fierté.

     Vania se tapit de nouveau sous sa bâche.

     — Et quelles horreurs nous racontais-tu donc, Ilioucha, dit Fédia qui, en qualité d’enfant de paysan riche, se devait de mener les débats – lui-même parlant peu, comme par peur d’y perdre sa dignité. — C’est à ce moment-là que le Malin a poussé les chiens à aboyer… Mais c’est vrai, j’ai entendu dire que ce coin, chez vous, est maléfique.

     — Varnavitsy ?… Je pense bien ! Terriblement ! On y a vu plus d’une fois, à ce qu’on dit, le défunt barine26. Le barine, portant un caftan à longs pans, erre en gémissant, il cherche quelque chose par terre. Le vieux Trofimytch27 l’a rencontré une fois et lui a dit : « Petit père Ivan Ivanytch, que daignes-tu chercher par terre ? »

     — Il lui a demandé ça ? le coupa Fédia, étonné.

     — Mais oui.

     — Eh bien, c’est un gaillard, ton Trofimytch… Bon, et alors, l’autre ?

     « Je cherche l’herbe-à-tout-fendre28. Il lui a dit ça d’une voix sourde, mais sourde : l’herbe-à-tout-fendre. » — « Et pourquoi c'est-y que en as-tu besoin, de l’herbe-à-tout-fendre, petit père Ivan Ivanytch ? » — « La tombe m’écrase, elle m’écrase, Trofimytch : je veux en sortir… »

     — Voyez-vous ça ! observa Fédia. Il n’avait pas dû vivre assez longtemps.

     — C’est drôlement étonnant ! fit Kostia. Je croyais qu’on pouvait voir les défunts seulement le samedi de Commémoration29.

     — On peut voir les défunts à tout moment, répliqua avec assurance Ilioucha qui, autant que je pouvais en juger, connaissait mieux que les autres les croyances villageoises. Mais, le samedi de Commémoration, tu peux voir aussi les vivants, c’est-à-dire ceux dont c’est le tour de mourir dans l’année. Il suffit de s’asseoir la nuit au parvis de l’église et d’observer la route. Ceux qui y passent à côté de toi, eh bien ils mourront dans l’année. Tenez, chez nous, Ouliana30, l’an dernier la bonne femme s’est installée sur le parvis.

     — Et alors, elle a vu quelqu’un ? s’enquit Kostia avec curiosité.

     — Et comment ! Elle a commencé par attendre longtemps sans voir personne, ni entendre personne… à part un chien qui aboyait tout ce qu’il savait, quelque part… Soudain, la voilà qui regarde : un gamin en chemise passe sur la route. Elle regarde mieux : c’est Ivachka Fedosseïev…

     — Celui qui est mort au printemps ? l’interrompit Fédia.

     — Lui-même. Il marche sans lever la tête… Mais Ouliana l’a reconnu… Ensuite, elle voit venir une paysanne. Elle zieute, elle zieute : ah, Seigneur ! c’est elle-même, Ouliana, qui marche sur la route. 

     — Elle-même, vraiment ? demanda Fédia.

     — Elle-même, parole d’honneur.

     — Mais, tout de même, elle est encore en vie !

     — L’année ne s’est pas encore écoulée. Et regarde-la donc : vois comme elle a l’air malade…

     Tous firent de nouveau silence. Pavel lança dans le feu une poignée de bois sec. Les branchages prirent feu aussitôt et devinrent tout noirs, se mirent à fumer et à se tordre en leurs extrémités enflammées. La lumière jaillit et se refléta en spasmes tremblants dans toutes les directions, surtout vers le haut. Brusquement, sortie on ne savait d’où, une colombe blanche vola tout droit dans ce reflet, tournoya sur place, apeurée, nimbée de la lueur brûlante, et disparut en battant des ailes.

     — Elle a dû s’égarer, observa Pavel. Maintenant, elle va voler jusqu’à ce qu’elle heurte quelque chose, elle s’y enfoncera et y restera jusqu’à l’aube. 

     — Dis, Pavloucha, déclara Kostia, ce serait pas l’âme d’un juste qui monte au ciel, des fois ?

     Pavel jeta une autre poignée de bois dans le feu.

     — Peut-être, finit-il par dire.

     — Dis-moi, Pavloucha, commença Fédia, chez vous, à Chalamovo, est-ce qu’on a vu aussi l’annonce céleste31 ?

     — Quand le soleil a disparu ? Et comment !

     — Vous avez dû avoir peur, vous aussi ?

     — Oui, et pas que nous. Notre barine, il nous avait pourtant prévenu à l’avance qu’il y aurait une annonce, n’empèche, quand le ciel s’est assombri, fallait voir ce qu’il avait peur, à ce qu’on dit. Et dans l’izba des domestiques, la cuisinière, dès qu’il a commencé à faire noir, écoute un peu, elle a empoigné son oukhvat32 et elle a fracassé tous les pots dans le poêle, en disant : « Il s’agit plus de manger, à présent, v’là la fin du monde33. » Du coup, la soupe aux choux a coulé partout. Et chez nous, au village, sais-tu, des bruits circulaient : des loups blancs allaient courir un peu partout et manger les gens, on verrait voler les rapaces, et on apercevrait même Trichka34 en personne.

     — C’est qui, Trichka ? demanda Kostia.

     — Tu ne le sais pas ? répliqua aussitôt Ilioucha avec animation. Mais, l’ami, d’où tu sors, pour ne pas connaître Trichka ? Dans votre village, vous devez être drôlement nonchalants35 ! Trichka, ce sera l’homme le plus étonnant, quand il arrivera ; et il arrivera à la fin des temps. Ce sera un homme si étonnant qu’il n’y aura pas moyen de l’attraper, et qu’on ne pourra rien lui faire : tellement il sera étonnant. Les chrétiens voudront l’attraper, par exemple ; ils sortiront avec des gourdins et l’encercleront, mais il leur brouillera la vue – au point qu’ils se taperont les uns sur les autres. On le jettera en prison, par exemple, et il demandera de l’eau, une cruche pleine d’eau : on lui amènera la cruche, et il plongera dedans, terminé, le voilà disparu; On lui mettra les fers, et il agitera les mains : les fers tomberont d’eux-mêmes. Voilà, ce Trichka se promènera de ville en ville, et de village en village ; et ce Trichka, cet homme malin, séduira les chrétiens… et il n’y aura pas moyen de lui faire quoi que ce soit… Tant il sera étonnant et malin, cet homme.

     — Eh oui, reprit Pavel de sa voix traînante, il sera comme ça. C’est bien lui qu’on attendait chez nous. Les vieux disaient que Trichka viendrait dès que commencerait l’annonce céleste. Celle-ci commence, et le peuple se répand dans les rues, dans les champs, attendant ce qui allait arriver. Et chez nous, vous savez, il y a un endroit dégagé, bien visible. on regarde — et soudain, voilà que sort du bourg et descend la colline un homme si bizarre, avec une tête si étonnante… Tout le monde se met à crier : « Oh, voilà Trichka ! Voilà Trichka qui arrive ! » Et les gens se sauvent de tous les côtés ! Notre staroste36 a rampé dans un fossé, sa femme s’est cachée sous une porte cochère en criant à tue-tête, elle a fait si peur à son chien de garde qu’il a rompu sa chaîne, sauté la haie et filé dans les bois ; et le père de Kouzka, Doroféitch37, a sauté pour s’accroupir dans un champ d’avoine, en imitant le cri de la caille : « Ce brigand aura peut-être pitié d’un oiseau », se disait-il. La panique était générale !… Et l’homme qui s’amenait, c’était Vavila38, notre tonnelier : il avait acheté un cuveau neuf et se l’était mis sur la tête.

     Les garçons se mirent tous à rire, puis se turent à nouveau quelques instants, comme cela arrive souvent lorsque des gens bavardent à l’air libre. Je jetai un coup d’œil autour de moi : la nuit régnait avec solennité ; à la fraîcheur humide de l’air du soir, sur la fin, avait succédé la douceur sèche de minuit, et elle s’étendrait encore un bon moment comme un dais tranquille sur les champs assoupis ; il restait encore longtemps avant le premier murmure, les premiers froufroutements et bruissements du matin, avant les premières gouttes de rosée, à l’aube. Le ciel était sans lune : à cette époque, elle se levait tard. Les innombrables étoiles dorées semblaient couler doucement, sans cesser de scintiller, en direction de la Voie lactée, et vraiment, à les contempler, on ressentait confusément la course éperdue et incessante de la Terre…

     Un cri étrange, perçant et douloureux, retentit soudain à deux reprises au-dessus de la rivière, pour se répéter plus loin quelques instants plus tard…

     Kostia tressaillit. « Qu’est-ce que c’est ? »

     — C’est un héron, répliqua tranquillement Pavel.

     — Un héron, répéta Kostia. Et ce que j’ai entendu hier soir, ajouta-t-il après une petite pause, tu sais peut-être ce que c’est, toi, Pavloucha… 

     — Qu’est-ce que tu as entendu ?

     — Voilà ce que j’ai entendu. J’allais de la Montagne pierreuse à Chachkino39 ; j’ai d’abord longé, sur ma droite, notre coudraie, puis j’ai pris par le pré – tu sais, à l’endroit où il tourne au ravin, et où il y a la grande mare40 couverte de roseaux ; je passais à côté de cette mare, les amis, lorsque tout à coup un gémissement a semblé en sortir, quelqu’un criait d’une voix si plaintive : ouhouh…ouhouh… J’ai eu drôlement peur, les amis : il était tard, et il y avait tant de souffrance dans cette voix ! C’est bien simple, j’ai failli me mettre à pleurer… Qu’est-ce que ça pouvait bien être ? Hein ?

     — Dans cette mare, l’autre été, des voleurs ont noyé Akim le forestier, fit remarquer Pavloucha : c’était peut-être son âme qui se plaignait.

     — C’est sûrement ça, les amis, dit Kostia en écarquillant les yeux qu’il avait déjà très grands de nature. Je ne savais pas, moi, qu’on avait noyé Akim dans cette mare : autrement, je n’aurais pas eu aussi peur.

     — Mais, à ce qu’on dit, poursuivit Pavel, il y a de petites grenouilles qui crient plaintivement comme ça..

     — Des grenouilles ? Non, pas des grenouilles… comment… 

     Le héron poussa de nouveau son cri au-dessus de la rivière.

     — Ah celui-là ! dit malgré lui Kostia. Il crie comme le liéchi41.

     — Le liéchi ne crie pas, il est muet, répliqua Ilioucha. Il se contente de claquer des mains et de faire craquer les branches…

     — Et tu l’as vu, toi, le liéchi ? l’interrompit Fédia, railleur.

     — Non, je ne l’ai pas vu, que Dieu m’épargne ça ; mais d’autres l’ont vu. Il n’y a pas longtemps, il a embobiné un petit moujik de chez nous : il l’a mené par le bois et lui a fait faire le tour de la même clairière, sans arrêt… C’est à peine s’il a pu rentrer chez lui à l’aube.

     — Et alors, il l’a aperçu ?

     — Oui. Il dit qu’il est grand, sombre, emmitouflé, toujours derrière un arbre, on le distingue mal, il a l’air de fuir la lune, et il zieute, il zieute de ses yeux qui clignent  tout le temps…

     — Ah dis donc ! s’exclama Fédia avec un petit frisson et un haussement involontaire des épaules. Pouah !…

     — Qu’est-ce que cette saleté vient faire sur terre ?  observa Pavel. Vraiment, je ne comprends pas !

     — Ne l’injurie pas : prends garde, il pourrait t’entendre, fit remarquer Ilia.

     Il y eut un nouveau silence.

     — R’gardez, r’gardez, les gars ! résonna soudain la voix enfantine de Vania, r’gardez les petites étoiles du bon Dieu, elles font comme un essaim d’abeilles !

     Il avait sorti son petit minois frais de dessous la bâche et levait lentement vers le ciel ses grands yeux calmes. Less garçons firent tous de même et furent longs à baisser les yeux.

     — Alors, Vania, dit Fédia d’une voix caressante, est-ce que ta sœur Anioutka42  va bien ?

     — Elle se porte bien, répondit Vania en grasseyant un peu.

     — Demande-lui de ma part pourquoi elle ne vient pas nous voir…

     — Je ne sais pas.

     — Dis-le-lui, pour qu’elle vienne.

     — Je lui dirai.

     — Dis-lui que je lui ferai un cadeau.

     — Et à moi aussi ?

     — Et à toi aussi. 

     Vania poussa un soupir.

     — Non, moi je n’en ai pas besoin. Fais-le-lui plutôt : elle est si gentille.

     Et Vania reposa sa tête par terre. Pavel se leva et attrapa le chaudron vide.

     — Où vas-tu ? lui demanda Fédia.

     — Puiser de l’eau à la rivière : j’ai bien soif.

     Les chiens se levèrent et le suivirent.

     — Fais gaffe à ne pas tomber à l’eau ! lui crier Ilioucha.

     — Pourquoi tomberait-il ? dit Fédia. Il va faire attention.

     — Oui, il va faire attention. Toutes sortes de choses arrivent : il se penche, commence à puiser de l’eau, et voilà que le vodianoï43 lui saisit le bras et l’entraîne avec lui. Après, on dira : « Le petit est tombé à l’eau… » Tombé, tu parles !… Ah, il est entré dans les roseaux, ajouta-t-il en tendant l’oreille.

     Les roseaux, en s’écartant, « froufroutaient », comme on dit chez nous.

     — Et c’est vrai, demanda Kostia, qu’Akoulina-l’innocente a perdu la boule depuis qu’elle qu’elle a fait un tour dans l’eau ?

     — Depuis ce moment-là, oui… Qu’est-ce qu’elle est devenue ! Mais, à ce qu’on dit, c’était une beauté, autrefois. Le vodianoï l’a détraquée. Il ne s’attendait sans doute pas à ce qu’on la retire aussi vite. Alors il l’a entraînée chez lui, au fond, et il l’a détraquée.

     (J’avais moi-même rencontré plus d’une fois cette Akoulina. Habillée de haillons, affreusement maigre, le visage noir comme du charbon, les yeux hagards et les dents toujours découvertes, elle restait des heures entières à piétiner sur place en quelque endroit de la route, serrant fortement ses bras osseux contre sa poitrine et se dandinant lentement d’un pied sur l’autre à l’image d’un fauve en cage. Ne comprenant rien à ce qu’on pouvait lui dire, elle éclatait seulement de temps à autre d’un rire convulsif.)

     — À ce qu’on dit, reprit Kostia, Akoulina s’est jetée à l’eau parce que son galant l’avait trompée.

     — C’est bien ça.

     — Et tu te souviens de Vassia44 ?

     — Lequel ? demanda Fédia.

     — Celui qui s’est noyé dans cette même rivière, répondit Kostia. Ah, quel garçon c’était, vraiment ! Sa mère, la Féklista45, ce qu’elle l’aimait, le Vassia ! Et c’est comme si elle avait senti, la Féklista, que l’eau causerait sa perte. Il venait parfois se baigner avec nous, Vassia, il venait avec les gars se baigner dans la rivière, l’été – et elle s’alarmait. Les autres paysannes s’en venaient avec leur baquet, en se déhanchant, sans faire attention, mais Féklista, elle posait le sien par terre et lui criait : « Reviens, ma petite lumière ! Oh, reviens, mon petit faucon ! » Et Dieu sait comment il s’est noyé. il jouait sur la rive et sa mère était là aussi, elle ramassait du foin ; brusquement, la volà qui entend comme des bulles qu’on lâcherait dans l’eau : elle jette un coup d’œil – on ne voit plus flotter que le petit bonnet de Vassia. Depuis ce jour-là, du coup, Féklista a perdu la tête : elle vient s’étendre à l’endroit de la rivière où il s’est noyé ; elle s’allonge, mes amis, et la voilà qui entonne la petite chanson – vous savez, celle que Vassia chantait tout le temps –, elle entonne la chanson, et elle pleure, elle pleure, elle se lamente amèrement en s’adressant à Dieu…

     — Voilà Pavloucha, dit Fédia.

     Pavel s’approcha du feu avec son chaudron plein d’eau.

     — Sale affaire, les gars, annonça-t-il après un petit silence.

     — Quoi donc ? demanda précipitamment Kostia.

     — J’ai entendu la voix de Vassia.

     Tous tressaillirent.

     — Quoi ? Que dis-tu ? balbutia Kostia.

     — Ma parole. Je venais de me pencher dans l’eau lorsque la voix de Vassia, semblant venir du fond, m’a appelé comme ça : « Pavloucha, Pavloucha ! » J’écoute, et la voix m’appelle de nouveau : « Viens ici, Pavloucha ! » Je me suis reculé, j’avais quand même eu le temps de puiser de l’eau.

     — Ah Seigneur Dieu ! Ah Seigneur Dieu ! firent les garçons en se signant.

     — C’est le vodianoï qui t’appelait, Pavel, ajouta Fédia… Nous étions justement en train de parler de Vassia.

     — Ah, c’est mauvais signe, dit Ilioucha en détachant les mots.

     — Eh, tant pis, soit ! dit Pavel d’un air résolu en se rasseyant : on n’échappe pas à son destin.

     Les garçons se turent. On voyait que les paroles de Pavel avaient produit sur eux une forte impression. Ils s’installèrent devant le feu comme s’ils s’apprêtaient à dormir.

     — Qu’est-ce que c’est ? demanda soudain Kostia en levant la tête.

     — Pavel tendit l’oreille.

     — Ce sont des courlis qui volent en sifflant.

     — Et où vont-ils ?

     — Là où, à ce qu’on dit, il n’y a pas d’hiver.

     — Il y a donc de tels pays ?

     — Oui.

     — Loin d’ici ?

     — Oui, loin, au-delà des mers chaudes.

     Kostia poussa un soupir et ferma les yeux.

     Plus de trois heures s’étaient écoulées depuis que je m’étais joint aux enfants. La lune monta enfin ; je ne la remarquai pas tout de suite, tant son croissant était petit et étroit. Cette nuit sans lune était, me semblait-il, aussi splendide que par le passé… Mais déjà de nombreuses étoiles déclinaient vers le bord sombre de la terre, après avoir brillé, un peu plus tôt, si haut dans le ciel ; aux alentours, tout s’était tu, comme c’est le cas juste avant le matin : tout dormait d’un profond sommeil, celui qui immobilise tout avant le point du jour. L’air n’embaumait plus autant : une sorte d’humidité semblait à nouveau s’y répandre… Elles sont courtes, les nuits d’été !… La conversation des garçons s’éteignait en même temps que leurs feux… Même les chiens sommeillaient ; les chevaux, autant que je pouvais le distinguer à la faible et vacillante lueur des étoiles, s’étaient couchés eux aussi, tête baissée… Un délicieux assoupissement s’empara de moi, et je m’endormis.

     Un courant d’air frais parcourut mon visage. J’ouvris les yeux : la matinée commençait. Aucune rougeur ne marquait encore l’aube, mais l’est commençait à blanchir. Tout devenait visible, même confusément. Le ciel d’un gris pâle éclairait d’une lumière froide et bleuissait ; les étoiles tantôt clignotaient faiblement, tantôt s’éteignaient ; la terre devinrent humide, les feuilles suèrent, des sons et des voix résonnèrent ça et là, et la coulée du vent de l’aube commença à errer et à voltiger au-dessus de la terre. Mon corps y réagit par un léger et joyeux tremblement. Je me levai d’un mouvement souple et m’approchai des garçons. Ils dormaient tous, terrassés par le sommeil auprès de leur feu de camp achevant de se consumer ; seul Pavel se souleva à moitié et me regarda fixement.

     Je le saluai d’un signe de tête et regagnai mes pénates en longeant la rivière que la brume faisait fumer. Je n’avais pas fait deux verstes que, dans le vaste pré humide, sur les collines verdissant devant moi, le long de la route poussiéreuse derrière moi, sur les buissons rouges et scintillants, le long de la rivière bleuissant pudiquement sous son voile de brouillard qui se déchirait, se répandirent les flots dorés, d’abord écarlates puis rouges, du soleil nouveau-né, déjà brûlant… Partout de grosses gouttes de rosée rougirent d’un éclat de diamant ; purs et clairs, comme lavés eux aussi par la fraîcheur matinale, me parvinrent les sons d’une cloche, et soudain le troupeau des chevaux reposés passa en galopant à côté de moi, pressé par les garçons dont j’avais fait la connaissance…

     Je dois malheureusement ajouter que Pavel mourut dans l’année. Il ne s’est pas noyé : il s’est tué en tombant de cheval. Dommage, c’était un brave gars !




Notes


  1. Huitième récit du cycle des Mémoires d’un chasseur. Ma traduction est « à la française », fidèle au sens du texte, mais prenant quelque liberté pour tâcher d’en rendre la beauté.
  2. Le narrateur – ici à pieds – ne chasse que les oiseaux, semble-t-il.
  3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tchern . Rappel : une province de l’Empire russe est administrée par un gouverneur. https://fr.wikipedia.org/wiki/Toula . Tchern est à mi-chemin entre Toula et Orel (Oriol), ville natale de Tourguéniev. Les pérégrinations du chasseur-narrateur ne l’éloignent jamais très loin de l’Oka, affluent de la Volga. Le pré Béjine, ou prairie Béjine existait bien, et le domaine ancestral des Tourguéniev se situait à proximité. Selon Wikipedia en russe, l’origine de cette appellation est controversée, et l’emplacement actuel, même s’il fait partie de la réserve-musée Tourguéniev, a peu à voir avec ce que décrivit l’auteur : les  forêts onnt été rasées, et une carrière de gravier a nivelé les collines…
  4. Rappel : la verste faisait un peu plus d’un kilomètre.
  5. Ce qu’Henri Mongault traduit par « Diane ». Cela se discute. Une chienne de Louis XIV portait ce nom, qui est tout de même celui d’une déesse, pour laquelle le russe a le mot Diana (sans « k »). H. Mongault précise dans une note que Tourguéniev avait ramené cette chienne de France. Sologoub fait allusion à cet animal au chapitre XXVIII du Démon mesquin
  6. Des bouts de phrase manquent de façon étrange dans la traduction d’H. Mongault. Cela se reproduit ailleurs.
  7. Taons chez H. Mongault, ce qui ne correspond pas au terme du texte russe.
  8. Diminutifs, respectivement, de Fiodor, Pavel, Ilia, Konstantin et Ivan, dont les équivalents français sont : Théodore, Paul, Élie, Constantin et Jean. Je rappelle qu’on ne nasalise jammais en russe : Ivan se prononce Ivanne, idem pour Konstantin.
    Attention : on trouvera dans le texte tantôt les prénoms, tantôt leurs diminutifs.
  9. Manteau de bure porté par les paysans.
  10. Chaussons d’écorce.
  11. Encore appelées « chaussettes russes ».
  12. De confection domestique, d’après le terme russe.
  13. Comme l’écrit H. Mongault, le domovoï est l’esprit du logis, sorte de dieu lare, plutôt bienveillant, mais la superstition fait que l’on s’en méfie quand même un peu.
  14. Le passage qui suit concerne un vieux moulin à eau, pièce essentielle de fabrication du papier : https://fr.wikipedia.org/wiki/Moulin_%C3%A0_papier . Une note de l’auteur explique de quoi il s’agit. une autre explique le travail des lisseurs.
  15. Diminutif d’Avdii (Abdas).
  16. Forme populaire d’Ivan.
  17. Localité voisine. Voir la note 3.
  18. Ici une note de l’auteur : il s’agit de l’endroit [extrémité du chéneau] où l’eau tombe sur les pales.
  19. Note de l’auteur : pour retirer le papier de la cuve.
  20. Forme populaire de Gavriil (Gabriel).
  21. Sorte d’ondine malfaisante. Personnage de la mythologie russe (et est-européenne), généralement négatif, relevant de la sorcière et capable de métamorphoses. Cherche à noyer (par exemple en les chatouillant), les hommes qui succombent à son charme…
    https://www.russievirtuelle.com/mythologie/creatures/roussalki.htm
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Roussalka
  22. Le Diable.
  23. Pour le noyer, voir les liens de la note 21. Du coup, H. Mongault écrit : « chatouiller à mort ». L’ancienne traduction d’É. Halpérine-Kaminsky fait de même.
  24. Une note de l’auteur signale un terme propre à la région d’Orel pour désigner les serpents.
  25. H. Mongault écrit « Hermyle », en vertu de l’origine grecque du prénom.
  26. Seigneur de l’endroit, maître.
  27. Pour Trofimovitch, fils de Trofim. De même, Ivanytch raccourcit Ivanovitch, fils d’Ivan. D’après H. Mongault, Tourguéniev fait ici allusion à son grand-père maternel, Ivan Ivanovitch Loutovinov, déjà évoqué dans le récit L’Odnodvorets Ovsianikov.
  28. Plante mythologique, sorte de fougère permettant de vaincre tous les obstacles et de trouver des trésors enfouis. https://fr.wikipedia.org/wiki/Raskovnik
  29. Le dernier samedi d’octobre, jour des Morts, selon H. Mongault. Mais il semble qu’il y ait plusieurs tels samedis de Commémoration.
  30. Julienne.
  31. Ici, une note de l’auteur expliquant que les moujiks appellent ainsi les éclipses de soleil.
  32. Pelle-fourche permettant de placer dans la partie du poêle servant de four le pain et les pots, et de les en retirer.
  33. En estropiant le terme correct.
  34. H. Mongault y voit une forme péjorative du prénom Tryphon. Une note de Tourguéniev indique que ce terme a sans doute à voir avec la légende de l’Antichrist. À ce sujet : https://www.cnrtl.fr/definition/antichrist
  35. Assis, dans le texte russe. On peut penser au poème de Rimbaud…
  36. Doyen du village, intermédiaire entre le barine et la populatiion.
  37. Fils de Dorofeï, Dorothée: prénom épicène d’origine grecque, davantage masculin en russe.
  38. Babylas : https://fr.wikipedia.org/wiki/Babylas_d%27Antioche
  39. Village de la région d’Orel – Oriol – où tout se passe. La Montagne pierreuse est visiblement une localité trop petite pour faire parler d’elle…
  40. Mare-étang : trou profond rempli par les eaux printanières, et ne s’asséchant pas complètement, même l’été. Les termes pour le ravin et la mare sont signalés en note par l’auteur comme étant deux régionalismes.
  41. Sylvain, esprit des bois. Le mot vint de liess, la forêt. Un farceur, éventuellement nocif : il aime égarer les  gens en forêt… Voir Wikipedia.
  42. Pour Aniouta, diminutif d’Anna. Je rappelle que le syntagme les petits yeux d’Aniouta désigne, en russe, ces fleurs aux couleurs variées, les pensées…
  43. Génie des eaux, à peu près aussi nocif que la roussalka.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Vodiano%C3%AF
  44. Pour Vassili (Basile).
  45. Déformation de Féoktista, prénom d’origine grecque : Féos = Theos.

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