mardi 24 novembre 2020

Le Veau d'or (Ilf et Petrov), chapitre 18

 Sur terre et sur mer




    Le camarade Skoumbriévitch fit son apparition sur la plage, tenant un porte-documents à son nom. Une carte de visite en argent, avec un coin rabattu et une inscription très étirée en italiques, était rivée à la serviette, manifestant que Iégor Skoumbriévitch avait fêté ses cinq ans de service à « Hercule ». 


     Il avait un visage net, direct et viril, tel celui d’un Anglais en train de se raser sur une affiche publicitaire. Skoumbriévitch se tint un moment devant le tableau où était marquée à la craie la température  de l’eau et, libérant avec effort ses pieds du sable brûlant, partit à la recherche d’un endroit plus propice.


     Le camp des baigneurs était plein de monde. Ses fragiles structures surgissaient le matin pour disparaître au coucher du soleil, laissant sur le sable les déchets de la ville – écorces de melon desséchées, coquilles d’œuf et lambeaux de journaux –, toutes choses qui mènent une vie secrète durant la nuit sur le rivage désert, bruissant et volant sous les rochers.


     Skoumbriévitch se fraya un chemin entre les petites huttes formées de serviettes gaufrées, de parasols et de draps tendus sur des piquets. Les jeunes filles en petites jupes de bain se cachaient là-dessous. Les hommes étaient aussi en maillots de bain, mais pas tous. Certains s’en tenaient à des feuilles de vigne qui d’ailleurs ne cachaient nullement les parties bibliques des gentlemen de Tchernomorsk, mais abritaient leurs nez, pour éviter à ces derniers de peler. Ainsi accoutrés, les hommes étaient étendus dans des poses très libres. De temps en temps, couvrant d’une main leur partie biblique, ils entraient dans l’eau, s’y enfonçaient rapidement pour regagner en courant la niche creusée par leur corps dans le sable, de façon à ne pas perdre un seul centimètre cube du salubre bain de soleil.


     Le manque de vêtements de ces citoyens était compensé, et au-delà, par la tenue d’un autre gentleman d’un genre tout différent. Il portait des bottines en box-calf à boutons, un pantalon rayé, un veston boutonné de bas en haut jusqu’au col, une cravate et une chaîne de montre, ainsi qu’un chapeau de feutre. Une épaisse moustache et un rembourrage d’ouate dans les oreilles complétaient la physionomie de cet individu. Une canne à pommeau de verre était enfoncée perpendiculairement dans le sable à côté de lui.


     Il était accablé par la chaleur. La sueur avait gonflé son col. Ses aisselles étaient aussi brûlantes qu’un haut-fourneau, on aurait pu y fondre du minerai. Mais il restait étendu, immobile. 


     Ce genre d’homme se rencontre sur toutes les plages du monde. Qui est-il, que vient-il faire ici, pourquoi reste-t-il équipé de pied en cap ? Personne ne le sait. Mais on trouve sur chaque plage un individu de cette espèce. Peut-être a-t-on affaire aux membres d’une secrète ligue d’idiots, ou les débris de l’ordre jadis puissant des Rose-Croix, ou encore des célibataires devenus timbrés – allez savoir…


     Iégor Skoumbriévitch s’installa à côté du membre de la ligue des idiots et se déshabilla vivement. Le Skoumbriévitch nu ressemblait étonnamment peu au Skoumbriévitch habillé. Sa tête un peu sèche d’Anglais trônait au-dessus d’un corps de dame aux épaules tombantes et au bassin très large. Iégor s’approcha de l’eau, la tâta d’un pied et poussa un cri perçant. Il mit ensuite son autre pied dans l’eau et fit de nouveau entendre un cri perçant. Puis il avança de quelques pas, se boucha les oreilles de ses pouces, se mit les index sur les yeux, se pinça les narines avec ses médius poussa un cri à fendre l’âme et se plongea dans l’eau à quatre reprises. Ce fut seulement alors qu’il se mit à nager en lançant ses bras en avant et en tournant la tête à chaque mouvement. Le flot peu profond accepta Iégor Skoumbriévitch, Herculéen modèle et militant sortant du lot. Cinq minutes plus tard, alors que le militant fatigué s’était mis sur le dos et que son ventre bien rond se balançait à la surface de la mer, on entendit, venant de l’escarpement dominant la plage, la matchiche de l’« Antilope ».


     De la voiture sortirent Ostap Bender, Balaganov et le comptable Berlaga, la figure de ce dernier le montrant parfaitement résigné à son sort. Ils descendirent tous les trois vers la plage et, dévisageant sans se gêner les baigneurs, se mirent à chercher quelqu’un. 


     «  Voilà son pantalon, dit enfin Berlaga en s’arrêtant devant les habits de Skoumbriévitch, lequel ignorait encore tout. Il a dû aller nager loin. 


     — En voilà assez ! s’écria le Grand Combinateur. Je n’ai pas l’intention d’attendre plus longtemps. Il nous faut agir aussi bien sur terre qu’en mer. »


     Il quitta son costume et sa chemise, faisant apparaître un caleçon de bain, et s’engagea dans l’eau en agitant les bras. Le Grand Combinateur avait sur la poitrine un tatouage bleu foncé fait à la poudre et représentant Napoléon avec son bicorne et une chope de bière au bout d’un bras court.


     « Balaganov ! cria Ostap, déjà dans l’eau. Déshabillez-vous et tenez Berlaga prêt. On peut avoir besoin de lui. »


     Et le Grand Combinateur se mit à nager sur le côté, fendant l’eau de son épaule cuivrée et gardant le cap au Nord-Nord-Est, où ballotait le ventre de Iégor Skoumbriévitch.


     Avant de s’enfoncer dans le gouffre marin, Ostap avait abattu une rude besogne sur la terre ferme. La grande piste avait amené le Grand Combinateur devant les lettres dorées d’« Hercule » et il avait passé la plus grande partie de son temps dans cet établissement. Il ne ressentait plus d’étonnement devant les alcôves et les lavabos des pièces, pas plus que devant les statues ou le portier en casquette au zigzag d’or qui aimait discuter de crémation.


     Les explications confuses d’un Berlaga désespéré avaient fait ressortir la figure d’un responsable intermédiaire, celle du camarade Skoumbriévitch. Il occupait une grande chambre à deux fenêtres autrefois attribuée aux capitaines de navires venant de l’étranger, aux dompteurs de lions et aux étudiants riches arrivés de Kiev. 


     La sonnerie rageuse de deux téléphones résonnait souvent dans la pièce, tantôt séparément, tantôt de concert. Mais personne ne décrochait. La porte s’ouvrait encore plus fréquemment, une tête aux cheveux ras se montrait, l’employé faisait d’un regard déconcerté le tour de la pièce et la tête disparaissait, cédant la place à une autre, une tignasse hirsute, cette fois, ou tout bonnement à une tête chauve et mauve comme une tête d’oignon. Mais le crâne-bulbe ne s’éternisait pas dans l’embrasure. La pièce était vide.


     Quand la porte s’ouvrit peut-être pour la cinquantième fois ce jour-là, ce fut Bender qui jeta un coup d’œil à l’intérieur. Comme tous les autres il tourna la tête de gauche à droite et de droite à gauche et, comme tous les autres, il se rendit compte que le camarade Skoumbriévitch n’était pas là. Montrant avec effronterie sa contrariété, le Grand Combinateur fit le tour des services, des sections, des unités et des bureaux en demandant si quelqu’un avait vu le camarade Skoumbriévitch. Pour entendre partout la même réponse : « Skoumbriévitch était là il y a un instant » ou « Skoumbriévitch vient de sortir ».


     Le cadre intermédiaire Iégor appartenait à la race nombreuse des employés qui « étaient là il y a un instant » ou « viennent de sortir ». Certains d’entre eux ne parviennent même pas à leur bureau de toute la journée. Un homme de ce type entre à neuf heures pile dans le vestibule de l’établissement et, plein de bonnes intentions, lève le pied au-dessus de la première marche de l’escalier. De grandes tâches l’attendent. Il y aura dans son cabinet huit rendez-vous importants, deux réunions élargies et une restreinte. Sur son bureau se trouve une pile de courriers qui réclament tous une réponse urgente. Il y a tant et tant à faire que vingt-quatre heures ne peuvent y suffire. Voici que le cadre intermédiaire, ou le cadre supérieur, lève un pied alerte au-dessus de la marche de marbre. Mais reposer ce pied ne sera pas aussi simple qu’on pourrait le croire. « Un instant, camarade Paroussinov, roucoule une voix, je voulais justement voir avec vous une petite question. » On prend gentiment Paroussinov par le bras pour l’entraîner dans un coin du vestibule. Dès lors, notre cadre est perdu pour le pays, il va passer de main en main. Il n’aura pas « vu la petite question » et parcouru trois marches qu’on l’attrapera de nouveau pour l’emmener vers la fenêtre , dans un couloir obscur ou un recoin désert utilisé par un économe peu soigneux pour se débarrasser de caisses vides ; on lui expliquera encore quelque chose, on le sollicitera, on insistera pour qu’il arrange illico presto une affaire. À deux heures passées, il arrive tout de même à l’entresol. Deux heures plus tard, le voilà au premier étage, sur le palier. Mais comme son bureau se trouve au deuxième étage et que la journée de travail est déjà finie, il se dépêche de redescendre et de quitter l’immeuble pour arriver à temps à une réunion de coordination régionale. Au même moment, dans son bureau, les téléphones sonnent hystériquement, les rendez-vous prévus font naufrage, la correspondance reste sans réponse, les gens censés participer aux deux réunions élargies et à la réunion restreinte boivent du thé avec indifférence en bavardant à propos de l’irrégularité des tramways.


     Dans le cas de Iégor Skoumbriévitch, toutes ces particularités étaient exacerbées par le travail social auquel il se consacrait avec un zèle excessif. Il avait l’art d’exploiter la tromperie réciproque et générale à laquelle on s’était en quelque sorte insensiblement habitué à « Hercule », et bizarrement nommée effort social.


     Les Herculéens assistaient ainsi à des réunions pendant trois heures d’affilée, passées à écouter le bavardage creux et avilissant de Skoumbriévitch.


     Ils avaient tous fortement envie d’attraper Iégor par ses cuisses charnues et de le jeter par la fenêtre, depuis une bonne hauteur. Il leur semblait même par moments qu’il n’y avait aucune activité sociale, qu’il n’y en avait jamais eu du tout, même s’ils connaissaient l’existence, au-delà de l’enceinte d’« Hercule », d’une autre et véritable vie sociale. « Quelle sale brute, ce maudit simulateur ! » se disaient-ils en tripotant avec ennui crayons et petites cuillers. Mais ils n’étaient pas en mesure de s’en prendre à Skoumbriévitch et de le démasquer. Iégor tenait des discours politiquement justes sur la réalité sociale soviétique, sur l’activité culturelle à destination des masses, la formation continue et les cercles d’amateurs d’art. Mais il n’y avait rien derrière toutes ces paroles enflammées. Quinze cercles, aussi bien politiques que consacrés à l’art dramatique et à la musique, avaient depuis deux ans élaboré leurs perspectives ; les cellules de la société civile qui avaient pour but de favoriser le développement de l’aviation, les connaissances en chimie, l’automobilisme, les sports équestres, la construction des routes, ainsi que la liquidation urgente du chauvinisme de grande puissance, existaient seulement dans l’imagination enfiévrée des membres du Comité syndical. Quant à la formation continue, dont Skoumbriévitch s’attribuait le mérite spécial, elle était en continuelle restructuration, ce qui signifie activité zéro, comme chacun sait. Si Skoumbriévitch avait été quelqu’un d’honnête, il aurait sûrement dit lui-même que tout ce travail était « de l’ordre du mirage ». Mais ce mirage prenait la forme de rapports au Comité syndical, et à l’échelon supérieur du syndical, l’existence des cercles, aussi bien politiques que musicaux, ne faisait aucun doute.. Et la formation continue prenait l’allure d’un vaste édifice de pierre à l’intérieur duquel se trouvaient des pupitres et un fringant professeur en train de tracer à la craie au tableau la courbe de la progression du chômage aux États-Unis, ce qui élève à vue d’œil la conscience politique de ses élèves moustachus. De tout cet anneau volcanique d’activités sociales dont Skoumbriévitch avait entouré « Hercule », seuls deux points chauds étaient réellement en activité : le journal mural La Voix du Président, paraissant chaque mois et confectionné par Skoumbriévitch et Bomzé durant leurs heures de travail, et le panneau de contreplaqué portant l’inscription « Ceux qui ont arrêté de boire et qui appellent les autres à en faire autant », sous laquelle, toutefois, ne se trouvait aucun nom.


     Bender en avait assez de faire la chasse à Skoumbriévitch d’un étage à l’autre. Le Grand Combinateur n’arrivait pas à rattraper l’activiste réputé. Ce dernier lui glissait entre les doigts. Au Comité syndical, il venait de parler au téléphone, la membrane de l’appareil en était encore brûlante, la trace de son haleine se voyait encore sur le vernis noir du combiné. Là, un homme était assis sur un rebord de fenêtre, qui venait de discuter avec lui. Ostap vit même une fois le reflet de Skoumbriévitch dans l’une des glaces de l’escalier. Il se rua en avant, mais l’image s’était effacée, la glace ne reflétait plus que la fenêtre, avec un nuage au loin.


     « Sainte Mère qui intercède, Milice-à-trois-mains ! s’écria Ostap en reprenant son souffle. En voilà un bureaucratisme ordinaire, c’est à dégoûter tout le monde ! Nous avons nous aussi, à notre succursale de Tchernomorsk, nos points faibles, nos ratés dans l’atelier de poinçonnage, mais ce n’est rien par rapport à ce qui se passe à « Hercule »… Pas vrai, Choura ?


     Le Délégué général aux sabots émit un profond soupir, comme sorti d’une pompe. Ils étaient revenus au premier étage, dans un couloir plutôt frais, pour la quinzième fois, peut-être ce jour-là. Ils passèrent pour la quinzième fois à côté du canapé en bois dans le cabinet de Polykhaïev.


     L’ingénieur Heinrich Maria Sause,  spécialiste que l’on avait fait venir à grands frais d’Allemagne, y était assis depuis le matin. Il portait le costume européen classique, et seule sa chemise ukrainienne brodée au point de Zaporojié montrait que l’ingénieur avait passé deux ou trois semaines en Russie et avait eu le temps de visiter un magasin d’artisanat. Il était assis immobile, sa tête reposant sur le dossier en bois du canapé, les yeux fermés, ressemblant ainsi à un homme qu’on s’apprête à raser. On aurait pu le croire en train de somnoler. Mais les frères de lait, qui étaient passés plus d’une fois à côté de lui en courant après Skoumbriévitch, avaient pu observer que le teint de l’étranger immobile se modifiait constamment. Au début de la journée de travail, quand l’ingénieur s’était installé devant la porte de Polykhaïev, son visage était bien rose. Sa couleur était devenue plus vive à chaque heure qui s’écoulait et, au moment de la pause du déjeuner, il était rouge comme un cachet de cire. À ce moment-là, le camarade Polykhaïev se trouvait vraisemblablement sur la deuxième marche de l’escalier. Après la pause, le teint de l’ingénieur se mit à changer en sens inverse. La cire à cacheter fut remplacée par quelque chose évoquant les taches provoquées par la scarlatine. Heinrich Maria se mit à pâlir et, au milieu de la journée, alors que le patron d’« Hercule » avait apparemment atteint le premier étage, le visage du spécialiste étranger était blanc comme de l’amidon. 


     «  Qu’arrive-t-il à cet homme ? chuchota Balaganov. Quelle gamme d'émotions ! »


     Il avait à peine prononcé ces mots que Heinrich Maria Sause fit un saut de carpe sur le canapé et jeta un regard furieux à la porte du directeur, derrière laquelle s’entendaient des sonneries de téléphone restant sans réponse. « Wolokita ! » glapit-il d’une voix de tête et, se jetant sur le Grand Combinateur, il se mit à le secouer de toutes ses forces, cramponné à ses épaules.


     « Genosse Polykhaïev ! criait-il en bondissant devant Ostap. Genosse Polykhaïev ! »


     Il sortit sa montre, la mit sous le nez de Balaganov, haussa les épaules et s’attaqua de nouveau à Bender.


     « Was machen Sie ? fit avec ahurissement Ostap, montrant une certaine connaissance de la langue allemande. Was wollen Sie de la part d’un pauvre visiteur ?


     Mais Heinrich Maria Sause ne les lâchait pas. Maintenant sa main gauche sur l’épaule de Bender, il attira à lui Balaganov de sa main droite et leur tint un grand discours passionné ; Ostap regardait de tous côtés avec impatience dans l’espoir d’attraper Skoumbriévitch, tandis que le Délégué général aux sabots hoquetait doucement en mettant poliment la main devant sa bouche et regardait bêtement les bottines de l’étranger.


     L’ingénieur Heinrich Maria Sause avait signé un contrat d’un an pour travailler en URSS, ou, comme le spécifiait lui-même Heinrich, qui aimait la précision, au konzern « Hercule ». « Prenez garde, monsieur Sause, l’avait averti un ami, le docteur en mathématiques Bernhard Gerngross, les bolcheviks vous feront travailler dur en contrepartie de votre salaire. » Mais Sause avait déclaré que le travail ne lui faisait pas peur et qu’il cherchait depuis longtemps un champ d’application pour ses connaissances en matière de sylviculture mécanisée. 


     Lorsque Skoumbriévitch avait informé Polykhaïev de l’arrivée du spécialiste étranger, le directeur d’« Hercule » avait montré, sous ses palmiers, beaucoup d’excitation.


     — Nous en avons terriblement besoin ! Où l’avez-vous mis ?


     — À l’hôtel, pour le moment. Qu’il se repose de son voyage.


     — Se reposer, et puis quoi encore ? s’était exclamé Polykhaïev. Avec tout ce qu’il nous a coûté, et en devises ! Je le veux ici demain à dix heures pile.


     À dix heures moins cinq, portant un pantalon étincelant de couleur café, et tout souriant à la pensée d’un vaste champ d’activités, Heinrich Maria Sause faisait son entrée dans le cabinet de Polykhaïev. Qui n’était pas là. Qui n’était toujours pas là une heure plus tard, et même deux heures plus tard. Heinrich commençait à devenir morose. Sa seule distraction était de voir Skoumbriévitch se montrer de temps en temps et demander avec un sourire innocent :


     « Comment, le genosse Polykhaïev n’est pas encore arrivé ? C’est bizarre. »


     À nouveau deux heures plus tard, Skoumbriévitch arrêta dans un couloir Bomzé qui finissait son déjeuner et lui chuchota :


     « Je ne sais vraiment pas quoi faire. Polykhaïev a convoqué l’Allemand pour dix heures ce matin, et là-dessus, il est parti à Moscou pour l’histoire des locaux. Il ne reviendra pas avant une semaine. Donnez-moi un coup de main, Adolphe Nikolaïévitch ! Mon travail social m’attend, nous n’arrivons pas à restructurer la formation continue. Tenez compagnie à l’Allemand, occupez-le d’une façon ou d’une autre.  On a tout de même dépensé de l’argent pour l’avoir, des devises.


     Bomzé renifla une dernière fois sa boulette de viande quotidienne, l’engloutit et, faisant tomber de lui les miettes, s’en alla faire la connaissance de leur hôte.


     Durant la semaine, l’ingénieur Sause, pris en main par l’aimable Adolphe Nikolaïévitch, eut le temps de visiter trois musées, d’assister au ballet La Belle au bois dormant et de passer une dizaine d’heures dans une grande réunion solennelle organisée en son honneur. Après la réunion s’en tint une non officielle au cours de laquelle des Herculéens choisis montrèrent la plus grande gaieté et brandirent leurs petits verres et leurs flûtes en criant à Sause : « Cul-sec ! »


     « Ma chère Tilli, écrivait l’ingénieur à sa fiancée à Aix-la-Chapelle, Voilà déjà dix jours que je suis à Tchernomorsk, mais je n’ai pas encore commencé à travailler à « Hercule ». Je crains qu’on ne me retienne ces dix jours sur le montant convenu. »


     Le quinze du mois, le comptable-payeur versa cependant à Sause un demi-mois de salaire.


     — Vous ne trouvez pas, demanda Heinrich à son nouvel ami Bomzé, qu’on me paye pour rien ? Je n’ai accompli aucun travail.


     — Laissez ces sombres pensées, cher collègue ! s’écria Adolphe Nikolaïévitch. D’ailleurs, si vous voulez, on peut vous mettre un bureau dans mon cabinet.


     Après quoi, Sause écrivit à sa fiancée, assis à son propre bureau :


     « Ma chère petite. Je mène une vie étrange et extraordinaire. Je ne fais rigoureusement rien mais je suis payé ponctuellement aux dates convenues. Tout cela m’étonne. Raconte-le à notre ami le docteur  Bernhard Gerngross. Cela va l’intéresser. »


     À son retour de Moscou, Polykhaïev fut content d’apprendre que Sause avait déjà son bureau. 


     « Parfait ! dit-il. Skoumbriévitch n’a qu’à mettre l’Allemand au courant. »


     Mais Skoumbriévitch, qui employait toute son énergie à monter un grand cercle d’accordéonistes, refila l’Allemand à Adolphe Nikolaïévitch. Ce qui ne plut pas à Bomzé. L’Allemand le gênait pour casser la croûte et n’arrêtait pas de se mêler de ce qui ne le regardait pas, et Bomzé le repassa au département d’exploitation. Mais comme cette section était à ce moment en train de réorganiser son activité, ce qui se traduisait par un incessant transfert de bureaux d’un emplacement à l’autre, on se débarrassa de Heinrich Maria en l’expédiant au service de Comptabilité financière. Là, Arnikov, Dreyfus, Sakharkov, Koreïko et Borissokhliebski, qui ne parlaient pas allemand, choisirent de voir en Sause un touriste étranger arrivé d’Argentine et lui expliquèrent, des jours entiers, le système de comptabilité en vigueur à « Hercule ». En employant le langage des signes.


     Au bout d’un mois, Sause, très perturbé, réussit à coincer Skoumbriévitch à la cantine et commença à crier :


     — Je ne veux pas être payé à ne rien faire ! Donnez-moi du travail ! Si cela continue, je vais me plaindre à votre patron !


     Skoumbriévitch apprécia peu les derniers mots du spécialiste étranger.  Il fit venir Bomzé.


     — Que se passe-t-il avec l’Allemand ? demanda-t-il. Qu’a-t-il à monter sur ses grands chevaux ?


     — Vous savez, dit Bomzé, je crois que c’est juste un mauvais coucheur. Ma parole. Le bonhomme est assis à son bureau, ne fiche absolument rien, reçoit de l’argent en quantité, et il se plaint par-dessus le marché.


     — C’est en effet avoir le caractère chicanier, observa Skoumbriévitch. Bien qu’il soit Allemand, il faut prendre des sanctions à son égard. Je vais me débrouiller pour en toucher deux mots à Polykhaïev. En voilà un qui aura vite fait de le mettre au pas.


     Mais Heinrich Maria décida d’aller lui-même voir Polykhaïev. Seulement, étant donné que le directeur d’« Hercule » était un éminent représentant de la race des travailleurs qui « viennent de sortir » ou « étaient là il y a cinq minutes », cette tentative l’amena juste à rester assis sur le canapé en bois et à exploser en s’en prenant à des innocents, à savoir les enfants du lieutenant Schmidt.


     « Biourocratismous ! » criait l’Allemand en passant, dans son agitation, à la difficile langue russe.


     Ostap prit en silence l’hôte européen par le bras, l’amena à la boîte aux réclamations accrochée au mur et lui parla comme à un sourd :


     « Là ! Vous comprenez ? Nous écrivons, vous écrivez, ils écrivent, elles écrivent des réclamations, et on les met dans cette boîte. Mettre ! Le verbe mettre, nous mettons, vous mettez, ils mettent, elles mettent les réclamations… que personne ne retire. Retirer ! Je ne retire pas, tu ne retires pas…


     Mais à ce moment le Grand Combinateur aperçut au bout du couloir les larges hanches de Skoumbriévitch et, sans finir la leçon de grammaire, se rua à la poursuite de l’insaisissable activiste.


     « Tiens bon, Allemagne ! » cria Balaganov pour encourager l’Allemand, en se précipitant derrière son capitaine.


     Mais, au grand dépit d’Ostap, Skoumbriévitch s’évapora de nouveau, comme s’il s’était soudain dématérialisé.


     « C’est mystique, dit Bender en tournant la tête de tous côtés. Un homme était ici il y a un instant, et il n’est plus là.


     Les frères de lait, au désespoir, se mirent à ouvrir toutes les portes une à une. Mais à la troisième, Balaganov se rejeta en arrière, tel un homme sentant la glace céder sous ses pieds. Son visage était tordu de côté comme par une névralgie.


     — Ma-ma, dit le Délégué général aux sabots en s’appuyant contre le mur. Ma-ma-ma.


     — Qu’avez-vous, mon enfant ? demanda Bender. On vous a fait du mal ?


     — Là-bas, marmonna Balaganov en tendant une main tremblante.


     Ostap ouvrit la porte et vit un cercueil noir.


     Le cercueil reposait au milieu de la pièce, sur un bureau à socle. Ostap ôta sa casquette de capitaine et s’approcha du cercueil sur la pointe des pieds. Balaganov le suivait du regard avec appréhension. Quelques instants plus tard, Ostap lui fit signe de venir et lui montra une grande inscription blanche qui courait sur le support du cercueil.


     « Vous voyez ce qui est écrit, Choura ? dit-il. “Mort au bureaucratisme !” Vous êtes rassuré, maintenant ? »


     C’était le magnifique cercueil de propagande que les Herculéens traînaient dehors les jours de grande fête, et promenaient en chantant dans toute la ville. Habituellement, il naviguait sur les épaules de Skoumbriévitch, de Bomzé, de Berlaga et de Polykhaïev lui-même ; ce dernier avait une tournure d’esprit démocratique et se montrait sans honte au milieu de ses subordonnés dans divers cortèges et autres carnavals politiques. Skoumbriévitch avait beaucoup de respect pour ce cercueil et lui attribuait une grande signification. Il arrivait à Iégor de mettre un tablier et de repeindre à neuf le cercueil, en rafraîchissant les slogans antibureaucratiques, pendant que dans son bureau les sonneries des téléphones s’enrouaient avant de s’éteindre et que les têtes les plus variées se montraient dans l’embrasure de la porte et promenaient à la ronde des yeux tristes.


     Ainsi Iégor demeurait-il introuvable. Le portier à la casquette marquée d’un zigzag informa Bender que le camarade Skoumbriévitch était encore là une minute plus tôt et qu’il venait de partir pour aller nager à la plage du Commandant, ce qui était pour lui, comme il aimait à dire, le moment de se remplir d’énergie.


     Ayant pris avec eux, à tout hasard, Berlaga, et ayant secoué Kozlewicz qui sommeillait derrière son volant, les Antilopiens sortirent de la ville. 


     Faut-il à présent s’étonner de voir Ostap, enflammé par tout ce qui était arrivé ce jour-là, se mettre à l’eau sans hésiter pour aller rejoindre Skoumbriévitch, sans être le moins du monde gêné d’avoir une importante discussion au sujet de malversations d’actionnaires en pleine mer Noire.


     Balaganov exécuta à la lettre les instructions du capitaine. Il déshabilla un Berlaga docile, l’amena au bord de l’eau et, le tenant à deux mains par la taille, se mit à attendre. Dans la mer, on pouvait voir qu’une explication orageuse avait lieu.  Ostap criait comme le roi des mers. On ne pouvait distinguer ce qu’il disait. On vit seulement Skoumbriévitch s’efforcer de regagner le rivage et Ostap lui barrer le chemin et le repousser plus loin en mer. Puis les voix se firent plus fortes et l’on put entendre certains mots : « L’Accélératrice ! »,  « Et qui a empoché ? Le pape ? », « Qu’est-ce que j’ai à voir avec ça  ? » 


     Berlaga marchait depuis un bon moment dans le sable humide où ses pieds nus laissaient comme des traces d’Indiens. Enfin, un cri venant de la mer leur parvint :


     « Vous pouvez l’envoyer ! »


     Balaganov mit à l’eau le comptable qui se mit à nager comme un chien, frappant l’eau de ses bras et de ses jambes et avançant à une vitesse extraordinaire. Très effrayé à la vue de Berlaga, Iégor Skoumbriévitch plongea la tête sous l’eau.


     Pendant ce temps, le Délégué général aux sabots s’étirait sur le sable et allumait une  cigarette. Il dut attendre une vingtaine de minutes. Berlaga revint le premier. Il s’assit sur ses talons, sortit un mouchoir d’une poche de son pantalon et dit en s’essuyant la figure :


     — Notre Skoumbriévitch a avoué. Il n’a pas supporté la confrontation.


     — Tu l’as donné, canaille ? demanda Choura avec bonhommie. 


     Retirant, du pouce et de l’index, le mégot de sa bouche, il fit claquer sa langue. Et lança un crachat long et rapide comme une torpille. 


     Sautant à cloche-pied pour enfiler une jambe de son pantalon, Berlaga fournit une explication brumeuse :


     « Je l’ai fait non dans l’intérêt de la vérité, mais dans celui de la justice.


     Le Grand Combinateur arriva ensuite. D’un bond, il fut sur le ventre et, appuyant sa joue sur le sable chaud, il observa longuement et d’un regard lourd Skoumbriévitch sortir de l’eau. Puis il prit des mains de Balaganov la chemise renforcée et, mouillant son crayon du bout de sa langue, se mit à noter dans le dossier les nouveaux renseignements si durement obtenus. 


     Un changement étonnant s’était produit chez Iégor Skoumbriévitch. Une demi-heure plus tôt, la mer accueillait un activiste de premier plan, un homme dont même le camarade Niderlandiouk, le président du Comité Syndical, disait : « Celui-là ne nous fera jamais défaut. » Or Skoumbriévitch avait fait défaut, et de quelle façon ! La petite vague estivale avait ramené sur le rivage non plus un corps admirablement féminin surmonté d’une tête d’Anglais en train de se raser, mais une espèce d’outre informe, pleine de moutarde et de raifort.


     Tandis que le Grand Combinateur jouait les écumeurs de mers, Heinrich Maria Sause, ayant réussi à mettre la main sur Polykhaïev et ayant eu avec lui une vive discussion, sortait d’« Hercule » extrêmement perplexe. Un sourire étrange aux lèvres, il se rendit à la poste ; là, debout derrière un pupitre recouvert d’une plaque de verre, il écrivit une lettre à sa fiancée, à Aix-la-Chapelle :


     « Ma chère petite fille. Je m’empresse de te faire savoir une bonne nouvelles. Polykhaïev, mon patron, m’envoie enfin à la production. Mais voici ce qui m’étonne beaucoup, ma chère Tilli : au konzern « Hercule », on appelle cela « mettre au pas ». Mon nouvel ami Bomzé m’a informé qu’on m’envoyait à la production pour me punir. Tu peux te figurer ça ? Notre cher docteur en mathématiques Bernhard Gerngross pourra-t-il jamais le comprendre ?

     

     

 


       






Notice synthétique



     Le camarade Skoumbriévitch : le festival des noms se poursuit. Scoumbria, en russe, c’est le maquereau (scombre).


     Les hommes à la plage : comme tout ce qui pouvait détruire la morale traditionnelle, le nudisme était vivement encouragé dans les années vingt : Maïakovski prenait le tramway presque nu et Iéssiénine se promena nu à Paris dans les couloirs du Crillon* pour « choquer les bourgeois ». Tout cela disparut ensuite – avec l’union libre, l’avortement, etc – lors du retour à la tradition (note d’A. Préchac).


     Le tatouage « à la poudre » : il s’agit de poudre à pistolets, utilisée sans doute pour désinfecter le tracé de l’aiguille… Mais je n’ai rien trouvé de plus clair. Alain Préchac signale qu’un tel tatouage est typique du monde des voyous et que la figure dessinée est une allégorie de la domination revendiquée et exercée par Ostap sur son entourage. Bender est à la fois Jésus-Christ (chapitre précédent), Napoléon et Hercule (sa force est soulignée à maintes reprises dans le livre). 


     Chambres, alcôves et lavabos : rappelons (cf chapitre 11) qu’« Hercule » a pris ses quartiers dans un ancien grand hôtel…


     Ivan Chtcheglov voit dans l’apparition-disparition des têtes à la porte de la chambre un souvenir des récits fantastiques de Gogol ou de l’Endiablade de Boulgakov, la première (et la moins intéressante, à mon avis) des trois nouvelles fantastiques de cet auteur.


     Le fonctionnement de l’établissement décrit bien, autour de Paroussinov (= Delatoile) la peur de prendre des initiatives, le centralisme hypertrophié caractérisant (outre le bureaucratisme et l’incurie) le système soviétique. D’où, selon A.Préchac, la paralysie du pays durant une dizaine de jours à partir du 22 juin 1941, Staline s’étant réfugié dans sa datcha fortifiée et s’y terrant, terrorisé (et j’ajoute : stupéfait) devant l’invasion hitlérienne. Paralysie qui coûtera très cher au début de la « Grande Guerre Patriotique »… (Témoignages de N. Khrouchtchiov et de S. Allilouïéva)


     À propos de l’effort social : I. Chtcheglov rappelle qu’après la journée de travail, les Soviétiques étaient requis par d’innombrables réunions politiques et autres activités de bénévolat forcé, ce qui grevait jusqu’à leur énergie au travail.


     Skoumbriévitch est un nouveau personnage ; pour Bomzé, se reporter au chapitre 11. En ce qui concerne le tableau de propagande anti-alcoolique, I. Chtcheglov signale qu’entre 1924 et 1927, selon des sources officielles, la consommation d’alcool avait été multipliée par sept…


     Sainte Mère qui intercède : il s’agit de la Vierge. La milice à trois mains renvoie, dans une association ironique, à un tableau où une troisième main apparaît au bas d’un tableau représentant une Vierge à l’Enfant :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/95/VergineTricherusa.jpg


   

     L’atelier de poinçonnage est une allusion à la fabrication de la monnaie officielle… et de la lutte contre les faux-monnayeurs, actifs et sévèrement punis. Cela remonte à Pierre le Grand. Et « Pas vrai, Choura ? » est une allusion à la machine à écrire « turque » achetée par le Délégué général aux sabots…


     Rappel : Polykhaïev est le directeur général d’Hercule. Un konzern est une sorte de trust, ce qu’on appelait un combinat en URSS.


      Wolokita est ainsi écrit, en alphabet latin, dans le texte : c’est la transcription en allemand du terme russe qui désigne la lourdeur bureaucratique et les tracasseries administratives. 


     Genosse : camarade en allemand. Was machen Sie ? (Que faire ?) est transcrit en russe dans le texte. Idem pour Was wollen Sie (Que voulez-vous).


     Il est parti à Moscou pour l’histoire des locaux : revoir le chapitre 11…


     La Belle au bois dormant : ballet de Tchaikovski, d’après le conte de Perrault.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Belle_au_bois_dormant_(ballet)


     Heinrich Maria payé à ne rien faire : A. Préchac y voit une situation classique, le travail « mythique » (idéologique) étant grassement rétribué, contrairement au travail réel, maigrement payé. Le système se fige en « métiers bien payés » et « métiers mal payés ». Un étranger embauché relève automatiquement de la première catégorie. Il changera de statut à la fin du chapitre, lorsqu’on l’enverra « à la production » pour le punir… d’avoir demandé à travailler.


     Les frères de lait, les enfants du lieutenant Schmidt : revoir les chapitres 1 et 2…


     La boîte aux réclamations : A. Préchac, qui signale que l’épisode entier de l’ingénieur Sause a été rajouté pour l’édition en volume, ajoute qu’ « Ostap et Sause ont encore de la chance que cette boîte, solennellement prévue par les textes mais à réalité purement formelle, n’ait pas été retirée pour réparations ou sous un autre prétexte. Boîte et livre de réclamations se trouvaient en principe partout à disposition des clients, une pratique dont un court récit de Tchékhov* témoigne qu’elle était antérieure à la Révolution. »

* Je crois avoir vu passer cette boîte, en effet, mais je ne me rappelle plus dans quel récit.

     

     « C’est mystique » : on attendrait : « C’est de la sorcellerie ! » Toujours ce langage d’Ostap, légèrement décalé… Il ne s’agit pas non plus de mystification, c’est un autre mot, en russe comme en français.


     La mention de la « tournure d’esprit bureaucratique » de Polykhaïev est sans doute une allusion satirique à Lénine tel que le représenta le peintre Piotr Vassiliev. Peut-être – c’est l’hypothèse d’Alain Préchac – pour atténuer la satire antistalinienne du chapitre suivant.


     La plage du Commandant : il s’agit (à Odessa) de la plage de Langeron, du nom de l’ancien gouverneur militaire de la ville :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Louis_Andrault_de_Langeron


     « L’Accélératrice » est l’une des sociétés éphémères évoquées par Fount vers la fin du chapitre 15.


     Toujours le festival des noms : Niderlandiouk est une chimère de Néerlandais et de dindon…


     On appelle cela « mettre au pas » : l’expression russe signifie littéralement : faire entrer (quelqu’un) dans la bouteille.

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