vendredi 5 mai 2023

Un démon mesquin (Fiodor Sologoub), chapitres X à XII

 


X



     Le lendemain jeudi1, Peredonov alla chez le maréchal de la noblesse2. 


     La maison du maréchal rappelait une datcha de Pavlovsk3 ou de Tsarskoïé Siélo4 entièrement équipée pour y habiter l’hiver. On n’y voyait pas de luxe, mais bien des choses y semblaient d’une nouveauté exagérée, inutile.


     Alexandre Mikhaïlovitch Vériga attendait Peredonov dans son cabinet. Il fit mine de se précipiter pour accueillir son visiteur, le hasard seul l’ayant empêché de le rencontrer plus tôt. 


     Même pour un ancien officier de cavalerie, Vériga se tenait extraordinairement droit. On disait qu’il portait un corset. Son visage bien rasé était uniformément vermeil, comme maquillé. Il soumettait sa chevelure à la tondeuse la plus stricte, moyen commode pour atténuer sa calvitie. Ses yeux étaient gris, aimables et froids. Quant à ses manières, il se montrait affable avec tout le monde, mais ses opinions étaient sévères et tranchées. Dans tous ses mouvements se faisait sentir un maintien tout militaire, et il  laissait parfois transparaître des façons de futur gouverneur.


     Assis à une table sculptée en chêne, Peredonov expliquait :


     — Voilà, toutes sortes de bruits courent à mon sujet, comme gentilhomme, je m’adresse donc à vous. On raconte sur moi toutes sortes d’absurdités, Votre Excellence, des choses inventées.


     — Je n’ai rien entendu, disait Vériga qui, sur l’expectative, souriant aimablement, faisait peser sur Peredonov le regard attentif de ses yeux gris.


     Peredonov, fixant obstinément un angle de la pièce, disait :


     — Je n’ai jamais été socialiste, et s’il m’est parfois arrivé de trop parler, on sait que la jeunesse a tendance à s’échauffer. Mais aujourd’hui, je ne pense rien de tel.


     — Vous avez donc été un grand libéral ? demanda Vériga avec son sourire aimable; Vous souhaitiez une constitution, n’est-ce-pas ? Étant jeunes, nous avons tous désiré une constitution. En voulez-vous un ?


     Et Vériga présenta une boîte de cigares à Peredonov. Celui-ci eut peur d’en prendre un et refusa. Vériga alluma le sien.


     — Bien sûr, Votre Excellence, avoua Peredonov, quand j’étais à l’Université, moi aussi… seulement déjà à cette époque je ne voulais pas la même constitution que les autres.


     — C’est-à-dire ? demanda Vériga, avec dans sa voix une nuance de mécontentement semblant se rapprocher.


     — Je souhaitais une constitution, mais sans parlement, expliqua Peredonov : un parlement, on ne fait que s’y battre.


     Une petite lueur d’enthousiasme s’alluma dans les yeux gris de Vériga.


     — Une constitution sans parlement ! dit-il d’une voix rêveuse. C’est avantageux, savez-vous ?


     — Mais c’était il y a longtemps, dit Peredonov, je ne pense plus rien de tel.


     Et il regarda Vériga avec espoir. Le maréchal exhala un petit flet de fumée, se tut quelques instants et déclara lentement :


     — Vous êtes un pédagogue, et ma situation dans le district m’oblige à m’occuper aussi des écoles. De votre point de vue, à quelles écoles faut-il accorder la préférence : les écoles religieuses, paroissiales, ou celles appelées les écoles de zemstvo5 ?


     Vériga fit tomber la cendre de son cigare et fixa son regard aimable mais trop attentif sur Peredonov. Celui-ci fronça les sourcils, regarda dans les coins et dit :


     — Il faut remettre de la discipline dans les écoles de zemstvo.


     — De la discipline, reprit Vériga d’un ton incertain, c’est donc cela, monsieur6.


     Il baissa les yeux sur son cigare en train de se consumer, comme s’il se préparait à entendre de plus amples explications.


     — Dans ces écoles, les maîtres sont nihilistes, et les maîtresses ne croient pas en Dieu. Elles se mouchent à l’église.


     Vériga jeta rapidement un coup d’œil à Peredonov, sourit et dit :


     — Eh bien, voyez-vous, c’est parfois nécessaire.


     — Oui, mais pas en sonnant de la trompette, ce qui fait rire les chanteurs. Il y en a une qui le fait exprès, une certaine Skobotchkina7. 


     — Oui, ce n’est pas bien, fit Vériga. Mais, chez Skobotchkina, c’est surtout un manque d’éducation. C’est une fille qui n’a pas du tout de manières, mais une institutrice zélée. En tout cas, ce n’est pas bien. Il faut le lui dire.


     — Elle se promène également en chemise rouge. Voire même en sarafane, et nu-pieds. Elle joue aux osselets avec les gamins. Dans ces écoles, il y a beaucoup de laissez-aller, reprit Perodonov, aucune discipline. Ils refusent les punitions. Mais on ne peut pas traiter les enfants des moujiks comme ceux des nobles. Il faut les fouetter.


     Vériga regarda tranquillement Peredonov, puis, comme embarrassé d’avoir entendu une telle inconvenance, baissa les yeux et dit froidement, quasiment du ton d’un gouverneur :


     — Je dois dire que j’ai observé beaucoup de bonnes qualités chez les élèves des écoles de zemstvo. Il ne fait pas de doute que, dans l’immense majorité des cas, ils travaillent fort consciencieusement. Bien sûr, il leur arrive, comme à tous les enfants, de commettre des fautes. Par suite du manque d’éducation dans leur milieu, ces fautes peuvent prendre des formes assez grossières, d’autant plus qu’au sein de la population rurale, en Russie, les sentiments du devoir, de l’honneur et de respect pour la propriété d’autrui sont peu développés. L’école est obligée de traiter de telles fautes avec une sévère attention. Si toutes les remontrances n’ont rien donné, ou si la faute est grave, il y a lieu, bien entendu, pour éviter de renvoyer l’élève, de recourir à des mesures extrêmes. Du reste, cela s’applique à tous les enfants, même aux enfants de la noblesse. Mais je vous accorde que, dans les écoles de ce type, l’éducation laisse à désirer. Madame Steven8, dans son livre fort intéressant – l’avez-vous lu ?…


     — Non, Votre Excellence, dit Peredonov, confus, je n’ai pas eu le temps, avec le travail que j’ai au lycée. Mais je le lirai.


     — Allons, ce n’est pas à ce point indispensable, dit Vériga avec son sourire aimable, comme s’il autorisait Peredonov à ne pas lire ce livre. Donc, Madame Steven raconte avec beaucoup d’indignation que le tribunal de son volost9 a condamné aux verges deux de ses élèves, des gars de dix-sept ans. Des gars fiers, voyez-vous, et Madame Steven comme tous ses amis se sont fait un sang d’encre à leur sujet tant que cette honteuse condamnation pesait sur eux – le jugement a été cassé ensuite. Or je vous dirai qu’à la place de Madame Steven, cela m’aurait gêné de parler de cet évènement à la Russie entière : on les avait jugé, figurez-vous, pour avoir volé des pommes. Pour avoir volé, j’attire votre attention là-dessus ! Et elle écrit encore que c’étaient ses meilleurs élèves. Néanmoins, ils avaient volé des pommes ! Belle éducation ! Il ne reste plus qu’à avouer franchement que nous ne reconnaissons pas le droit de propriété.


     Dans son émotion, Vériga se leva de sa place et fit deux pas, mais il se maîtrisa aussitôt et se rassit.


     — Eh bien, si je deviens inspecteur des écoles primaires, je gérerai ces affaires autrement, dit Peredonov.


     — Vous avez cela en vue ? demanda Vériga.


     — Oui, la princesse Voltchanskaïa me l’a promis.


     Vériga prit un air aimable. 


     — J’aurai plaisir à vous féliciter. Il n’est pas douteux que les choses iront mieux entre vos mains.


     — Justement, Votre Excellence, on raconte en ville toutes sortes de balivernes : quelqu’un, dans le district, ira peut-être jusqu’à me dénoncer, on empêchera ma nomination, et je ne suis rien de tel.


     — Qui soupçonnez-vous donc de répandre des bruits mensongers ? demanda Vériga.


     Décontenancé, Peredonov balbutia :


     — Qui je soupçonne ? Je ne sais pas. On parle. Je le mentionne uniquement parce que cela peut nuire à mon avancement.


     Vériga songea qu’il n’avait pas besoin de savoir qui clabaudait, exactement ; il n’était pas encore gouverneur. Il réendossa le rôle de maréchal de la noblesse et tint un discours que Peredonov écouta avec effroi et angoisse :


     — Je vous remercie pour la confiance que vous m’avez témoignée en ayant recours à (Vériga voulait dire « ma protection » mais se retint) ma médiation entre vous et la société où circulent, d’après vos informations, des bruits fâcheux pour vous. Ces bruits ne sont pas parvenus jusqu’à moi, et vous pouvez trouver du réconfort à constater que les calomnies répandues à votre sujet n’ont pas l’audace de sortir des bas-fonds de la ville et, pour ainsi dire, rampent dans l’obscurité et le secret. Mais il m’est très agréable de voir que vous, qui êtes affecté à votre poste par nomination, ressentez aussi l’importance de l’opinion publique et la dignité de votre position en qualité d’éducateur de la jeunesse, l’un de ceux aux bons soins éclairés de qui, nous, les parents, confions notre bien le plus précieux, nos enfants, héritiers de notre nom et de notre labeur. En tant que fonctionnaire, vous avez un supérieur en la personne de votre honorable directeur, mais, en tant que membre de la société et gentilhomme, vous êtes en droit de compter en permanence sur… le concours du maréchal de la noblesse pour toutes les questions touchant à votre honneur et votre dignité d’homme et de gentilhomme.


     Continuant à parler, Vériga se leva et, s’appuyant comme un ressort de sa main droite contre le bord de la table, regardait Peredonov avec cette attention aimablement impersonnelle que posent sur la foule les autorités en prononçant leurs discours bienveillants. Peredonov se leva à son tour, croisant les mains sur son ventre et fixant avec morosité le tapis sous les pieds de son hôte. Vériga poursuivait :


     — Je me réjouis que vous vous soyez adressé à moi également parce qu’il est, à notre époque, particulièrement utile aux membres de l’ordre prééminent de se souvenir, toujours et en tout lieu, qu’ils sont nobles, et d’attacher du prix à cette appartenance à cet ordre social – pas seulement du point de vue des droits, mais aussi des obligations et de l’honneur de la noblesse. Les nobles forment, comme vous le savez bien sûr, la couche par excellence au service de l’État. À strictement parler, toutes les fonctions d’État, en dehors, cela va de soi, des postes très inférieurs, doivent être entre les mains de la noblesse. La présence de roturiers dans le service de l’État constitue évidemment l’une des raisons de l’apparition de phénomènes fâcheux tels que ceux qui troublé votre quiétude. La calomnie et l’intrigue sont les armes des gens de race inférieure, non éduqués dans les bonnes traditions de la noblesse.  Mais j’ai l’espoir que l’opinion publique s’exprimera nettement et à voix haute en votre faveur, et vous pouvez pleinement compter sur mon concours sous ce rapport.


     — Je remercie humblement Votre Excellence, dit Peredonov, j’aurai ce même espoir.


     Vériga sourit aimablement et ne rassit pas, indiquant ainsi que l’entretien était terminé. Ayant prononcé son discours, il avait soudain senti que tout cela était inopportun, et que Peredonov n’était qu’un poltron à la recherche d’une bonne place et frappant à toutes les portes pour décrocher des protections. Il laissa partir Peredonov avec le froid mépris qu’il éprouvait pour lui en raison de l’immoralité de sa vie.


      Remettant dans le vestibule, avec l’aide d’un valet, son manteau, et entendant les sons lointains d’un piano9, Peredonov songeait que, dans cette maison, vivaient de façon seigneuriale des gens orgueilleux, ayant une haute estime d’eux-mêmes. « Il vise un poste de gouverneur » se disait Peredonov avec un étonnement mêlé de respect et d’envie.


     Il croisa dans l’escalier les deux jeunes fils du maréchal, qui rentraient de promenade avec leur précepteur. Peredonov les regarda avec une sombre curiosité.


     « Ils sont drôlement propres, songeait-il. Pas la moindre saleté, même dans les oreilles. Et drôlement pétulants, bien qu’ils soient à coup sûr bien dressés, on les mène à la baguette. Il se peut qu’on ne les fouette jamais. »


     Peredonov les suivit des yeux avec dépit : ils montaient rapidement l’escalier en bavardant gaiement. Cela étonnait Peredonov que leur précepteur soit avec eux comme sur un pied d’égalité, sans froncer les sourcils ni leur crier dessus.




     Quand Peredonov renntra chez lui, il trouva Varvara au salon, un livre dans les mains, ce qui lui arrivait rarement. Varvara lisait un livre de cuisine – le seul qu’il lui arrivât d’ouvrir. Le livre était vieux et usé. Sa reliure noire sauta aux yeux de Peredonov et le plongea dans l’abattement.


     — Que lis-tu, Varvara ? demanda-t-il avec acrimonie.


     — Tu le sais bien, ce que je lis, c’est mon livre de cuisine, répondit Varvara. Je n’ai pas le temps de lire des bêtises. 


     — Pour quoi faire, le livre de cuisine ? demanda Peredonov, épouvanté.


     — Comment ça, pour quoi faire ? Pour te préparer des plats, tu fais toujours la fine bouche, expliqua Varvara en souriant d’un air fier et suffisant.


     — Je ne mangerai pas les recettes du livre noir ! déclara résolument Peredonov en retirant vivemennt le livre des mains de Varvara pour l’emporter dans la chambre.


     Un livre noir ! Trouver de quoi préparer les repas dans un tel livre ! songeait-il avec effroi. Il ne manquait plus que ça, qu’on cherche ouvertement à l’exterminer avec de la magie noire11 ! Il fallait impérieusement détruire ce livre effrayant, se disait-il sans prêter attention à Varvara qui bougonnait d’une voix tremblante.




     Le vendredi, Peredonov alla chez chez le Président du conseil du zemstvo de district.


     Dans cette maison, tout exprimait le désir de mener une vie simple et bonne, et de travailler au bien général. Bien des objets évoquant la campagne et la simplicité tombaient sous les yeux : le fauteuil au dos arqué et aux bras en forme de hachettes, l’encrier ayant l’aspect d’un fer à cheval et le cendrier semblable à une chaussure d’écorce. On voyait dans la salle de réception – sur le rebord des fenêtres, sur les tables et par terre – quantité de petites mesures contenant des échantillons de grains divers, et ça et là des morceaux de « pain de famine14 », vilaines  mottes ressemblant à de la tourbe. Au salon, c’étaient des croquis et des modèles de machines agricoles. Le cabinet était bourré de bibliothèques de livres d’agronomie et de pédagogie.  Sur la table, des papiers, des compte rendus imprimés, des cartons remplis de fiches de tailles variées. Beaucoup de poussière, pas un seul tableau.


     Le maître de maison, Ivan Stepanovitch Kirillov, était bien en peine : comment, d’une part, être aimable – à l’européenne –, sans d’autre part renoncer à sa dignité de patron du district ? Il était étrangement contradictoire, comme formé de deux moitiés soudées entre elles. Tout son cadre de vie montrait qu’il travaillait beaucoup et avec intelligence. Mais, en le regardant, on avait l’impression que toute cette activité dans le zemstvo n’était pour lui qu’un passe-temps momentané, que ses véritables préoccupations étaient quelque part dans l’avenir, sur lequel se fixaient parfois ses yeux au regard comme sans vie, à l’éclat métallique. C’était comme si quelqu’un lui avait retiré son âme pour la déposer dans quelque tiroir éloigné, et pour mettre à la place une mécanique sans vie, mais très habile.


     Il était de petite taille, mince, l’air jeune – si jeune et le visage si rose qu’il avait parfois l’air d’un petit garçon qui se serait collé une barbe et qui imiterait avec un certain succès les mœurs des grandes personnes. Ses mouvements étaient vifs et précis. En saluant, il s’inclinait lestement, faisait claquer ses talons et glissait sur la semelle de ses élégants petits souliers. Au sujet de son habit, on avait envvie de parler de costume d’enfant : un petit veston gris, une chemise de batiste non empesée avec un petit col rabattu, une cravate de ficelle bleue, un pantalon très ajusté et des bas gris. Toujours d’une parfaite politesse, sa conversation était également à double face, en quelque sorte : il parlait posément – et soudain, c’était un sourire ingénu et enfantin, des manières de gamin, pour redevenir calme et discret la minute d’après.


     Son épouse, une femme paisible et posée, semblant plus âgée que son mari, entra plusieurs fois dans le cabinet pendant que Perdonov y était, à chaque fois pour demander à son mari des informations précises à propos d’affaires du district.


     Chez eux, en ville, tout s’embrouillait, on venait sans arrêt les voir pour une affaire ou pour une autre, on prenait le thé sans cesse. À peine Peredonov se fut-il assis qu’on lui apporta un verre de thé tiède et une assiette de brioches.


     Un autre visiteur était arrivé avant Peredonov, qui ne lui était pas inconnu. D’ailleurs, dans notre ville, y a-t-il seulement des inconnus ? Tout le monde se connaît – mais certains, s’étant querellés, ne veulent plus se connaître.


     C’était le médecin du zemstvo, Guéorgui Sémionovitch Trepetov, petit homme (encore plus petit que Kirillov) au visage pointu, insignifiant et couvert de boutons. Il portait des lunettes bleues et regardait toujours par terre ou de côté, comme si regarder son interlocuteur en face lui était pénible. D’une honnêteté extrême, il n’avait jamais cédé un seul kopeck en faveur d’autrui. Il méprisait profondément tous les agents de l’État : il pouvait leur tendre la main en les rencontrant, mais évitait obstinément de causer avec eux. Du coup, il passait pour un esprit de premier ordre, bien qu’il fût plutôt ignorant et piètre soignant. Il se préparait sans cesse à devenir quelqu’un de simple et, dans ce but, observaient la façon dont les moujiks se mouchaient, se grattaient la nuque et s’essuyaient les lèvres de leur paume, allant jusqu’à les imiter parfois, en étant seul, mais il remettait toujours sa conversion à une vie simple à l’été suivant. 


     Peredonov répéta ici les récriminations, devenues chez lui une habitude ces derniers jours, contre les potins urbains et les envieux qui voulaient l’empêcher d’obtenir un poste d’inspecteur. Au début, Kirillov se sentit flatté qu’on se soit adressé à lui. Il s’exclamait :


     — Eh bien, vous voyez maintenant ce que c’est que le milieu provincial ? J’ai toujours dit que le seul secours, pour  les gens qui pensent, c’était de s’unir – et je réjouis que vous soyez arrivé à la même conviction.


     Trepetov renifla d’un air vexé et dépité. Kirillov le regarda peureusement. Treptov dit avec mépris :


     — Les gens qui pensent ! 


     Et il renifla de nouveau.


     Après s’être tu quelques instants, il reprit d’une voix grêle et offensée :


     — Je ne sais pas si les gens qui pensent peuvent être au service du classicisme rance !


     Kirillov dit en hésitant :


     — Guéorgui Sémionovitch, vous ne tenez pas compte du fait que la  profession d’un homme ne relève pas toujours de son choix.


     Trepetov renifla dédaigneusement, ce qui terrassa définitivement l’affable Kirillov, et se plongea dans un profond silence.


     Kirillov s’adressa à Peredonov. Ayant entendu celui-ci parler d’un poste d’inspecteur, Kirillov commençait à s’inquiéter. Il crut que Peredonov voulait devenir inspecteur dans notre15 district. Or, au zemstvo mûrissait le projet de créer lui-même son directeur des écoles, élu par le zemstvo et soumis à l’approbation du Ministère de l’Instruction publique.


     L’inspecteur Bogdanov16, qui avait à cette époque la charge de trois districts, irait s’installer dans l’une des villes voisines, et les écoles de notre district seraient attribuées au nouvel inspecteur. Le zemstvo avait en vue pour ce poste un enseignant du séminaire de la bourgade la plus proche, Safat.


     — J’ai des protections, disait Peredonov, seulement le directeur, ici, me salit, et d’autres le font aussi; On fait courir toutes sortes d’absurdités. Alors, au cas où l’on prendrait des renseignements à mon sujet, je viens vous prévenir que toutes les choses que l’on raconte sur moi ne sont que des sornettes. Ne croyez pas ces messieurs.


     Kirillov s’empressa de répondre avec vivacité :


     — Ardalion Borissytch, je n’ai pas le temps de me plonger dans les rapports et les potins en ville, j’ai du travail par-dessus la tête. Sans l’aide de ma femme, je ne sais pas comment je pourrais m’en sortir. Je ne vais nulle part, je ne vois personne, je n’entends rien. Mais je suis pleinement convaincu que tout ce qui se dit à votre sujet – je vous donne ma parole que je n’ai rien entendu –, que tout cela est un tissu d’absurdités, je le crois entièrement. Mais ce poste ne dépend pas de moi seul.


     — On peut vous demander votre avis, dit Peredonov.


     Kirillov le regarda avec étonnement et répondit :


     — Il ne manquerait plus que ça, qu’on ne me demande pas mon avis. Mais le fait est que nous avons en vue…


     À ce moment, madame Kirillov parut sur le seuil et dit :


     — Un instant, Ivan Stepanytch17.


     Kirillov sortit la rejoindre. Elle lui chuchota, soucieuse :


     — Je pense qu’il vaut mieux ne pas dire à cet individu que nous en vue Krassinilkov. Je trouve cet individu suspect : il pourrait nuire à Krassinilkov.


     — Tu crois ? chuchota vivement Kirillov. Oui, peut-être bien. Ce serait ennuyeux.


     Il se prit la tête entre les mains. Sa femme le regarda avec sollicitude, et dit, affairée :


     — Il vaut mieux ne lui parler de rien, comme s’il n’y avait pas de poste.


     — Oui, oui, tu as raison, chuchota Kirillov. Bon, j’y retourne. C’est gênant.


     Il revint au cabinet en hâte et fit claquer ses talons, se répandant en amabilités à l’adresse de Peredonov.


     — Donc, au cas où, vous… commença Peredonov.


     — Vous pouvez être tranquille, je penserai à vous, dit vite Kirillov. Nous avons pas encore tranché cette question.


     Peredonov ne comprenait pas de quelle question parlait Kirillov, et se sentait inquiet et angoissé. Kirillov poursuivait :


     — Nous constituons un réseau d’écoles. Nous avons fait venir de Pétersbourg un spécialiste. On a travaillé tout l’été. Cela nous a coûté neuf cents roubles. Nous préparons cela pour l’assemblée du zemstvo. Un travail remarquablement minutieux : on a calculé toutes les distances, indiqué toutes les localités devant accueillir une école.


     Kirillov exposa longuement et en détail le réseau scolaire, c’est-à-dire la division du district en petites parcelles, avec une école sur chacune d’elles, de façon que la moindre localité soit à proximité d’une école. Peredonov n’y comprenait rien, et ses idées étroites s’embrouillaient dans les mailles du filet que les paroles de Kirillov tressaient avec une vive adresse. devant lui. 


     Il prit enfin congé et partit, plein d’un irrémédiable ennui. Il se disait que dans cette maison, on ne voulait ni le comprendre ni même l’écouter.Le maître des lieux débitait des choses incompréhensibles. Trepetov reniflait dédaigneusement, allez savoir pourquoi ; la maîtresse de maison faisait des allées et venues sans montrer la moindre amabilité : des gens étranges habitent cette maison, songeait Peredonov. Une journée de perdue !    




Notes


  1. Il a commencé ses visites le mardi, évitant le lundi par superstition : voir la fin du VII.
  2. Voir VIII, note 4, ou II, note 8.
  3. En périphérie de Saint-Pétersbourg. On y trouve le palais devenu résidence impériiale de Paul Ier, fils de Catherine II.
  4. Résidence impériale. La ville s’appelle maintenant Pouchkine, en raison du lycée impérial où l’écrivain fit ses études.
  5. Écoles à la campagne. Le zemstvo est une assemblée locale, à partir des réformes de 1861 abolissant le servage :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Zemstvo
  6. Indiqué, là encore, par l’enclitique sifflée, voir le chapitre VIII, note 7.
  7. Voir le chapitre VII.
  8. Alexandra Alexeïevna Steven-Ierchova (1865-1933), célèbre pédagogue russe, fondatrice d’écoles (d’après une notice russe).
  9. Plus petite unité administrative, canton. Un district en comptait plusieurs.
  10. Faisant écho au chapitre IV, quand Peredonov attend sous le porche de Routilov.
  11. On sait Peredonov superstitieux. Il y a là aussi un effet de langage : le nécromancien, en russe, c’est celui qui lit le livre noir. 
  12. Voir les notes 5 et  9. Le zemstvo administre le district, sous l’autorité plus lointaine du gouverneur de la province.
  13. Au pluriel : lapti. Mais le mot est ici au singulier.
  14. Additionné de son. 
  15. Nouvelle irruption – après les considérations sur « notre ville » – du narrateur. Elle est classique dans la littérature russe, mais peut surprendre le lecteur français.
  16. Rencontré à la messe, au chapitre VII.
  17. Pour Stepanovitch, fils de Stepane. De même, rappelons que Borissytch est là pour Borissovitch, fils de Boris.








XI



     Le samedi, Peredonov se prépara à aller voir le commissaire de police. Certes, se disait-il, ce n’est pas un aussi gros bonnet1 que le maréchal de la noblesse, mais il peut nuire davantage que quiconque, de même que sa recommandation peut être utile par rapport aux autorités. La police est chose d’importance.


     Peredonov sortit  de son carton sa casquette à cocarde2. Il avait décidé de ne plus porter qu’elle. C’était bon pour le directeur, de porter le chapeau, il était bien vu des autorités, tandis que lui, Peredonov, devait encore décrocher son poste d’inspecteur ; compter sur les protections ne suffisait pas, il fallait aussi se montrer sous le meilleur jour. Quelques jours plus tôt, déjà, avant de commencer ses expéditions auprès des autorités, il se l’était dit, mais sa main trouvait toujours son chapeau. À présent, Peredonov prit d’autres dispositions : il balança le couvre-chef en haut du poêle – le chapeau ne lui tomberait plus sous la main.


     Varvara n’était pas à la maison. Klavdia lavait les planchers des pièces. Peredonov entra à la cuisine pouur se laver les mains. Il vit sur la table un paquet enveloppé de papier bleu d’où sortaient quelques raisins secs. C’était le fount4 de raisins secs achetés pour la brioche accompagnant le thé, qu’on faisait cuire à la maison. Peredonov se mit à manger le raisin tel qu’il était, non lavé : il mangea le raisin rapidement et goulûment, debout près de la table, adossé à la porte pour que Klavdia n’entrât pas inopinément. Puis il plia soigneusement le gros emballage bleu, l’emporta sous sa redingote dans le vestibule, et là, le mit dans la poche de son pardessus afin de le jeter dehors et de détruire ainsi les traces de son forfait.


     Il sortit. Klavdia se mit bientôt, tout effrayée, à chercher le raisin sec, sans le trouver. Varvara rentra, apprit la nouvelle de la disparition du raisin et couvrit Klavdia d’injures, persuadée que la domestique avait mangé le raisin.




     Dehors, le temps était calme, il soufflait un petit vent. De petits nuages se montraient juste de temps à autre. Les flaques avaient un peu séché. en chemin, il passa chez son tailleur, histoire de le presser de coudre au plus vite le nouvel uniforme qu’il lui avait commandé l’avant-veille.


     En passant à côté d’une église, Peredonov se découvrit et se signa à trois reprises, avec ferveur et d’un geste ample, pour que tous ceux qui le pouvaient voient le futur inspecteur passer devant l’église. Jusque là, il ne le faisait pas, mais à présent il fallait être sur ses gardes. Un mouchard le suivait peut-être à pas de loup, à moins que quelqu’un, à l’angle de la rue ou caché derrière un arbre, n’observât ses faits et gestes.


     Le commissaire habitait une maison dans une rue éloignée. Auprès du portail grand ouvert, les yeux de Peredonov aperçurent un sergent de ville – une telle rencontre le plongeait, ces derrniers temps, dans un grand abattement. Dans la cour, on voyait quelques moujiks, mais différents des moujiks visibles partout : ceux-là étaient particuliers, extraordinairement tranquilles et taciturnes. La cour était boueuse. Des télègues se tenaient là, couvertes de nattes d’écorce.


     Dans l’entrée sombre, Peredonov tomba sur un autre agent, un homme petit, maigre, l’air consciencieux mais triste. Il se tenait immobile et avait sous le bras un livre à la reliure de cuir noir. Une fille habillée de loques, nu-pieds, sortit en courant d’une porte latérale, débarrassa prestement Peredonov de son manteau et le conduisit au salon en disant :


     — Donnez-vous la peine. Sémione Grigoriévitch va5 venir tout de suite.


     Le salon était bas de plafond, ce qui oppressait Peredonov. Le mobilier se serrait contre les murs. Par terre s’étendaient des nattes de corde. À droite et à gauche, derrière les cloisons, on entendait des chuchotis et des froufrous.Des femmes blêmes et des enfants scrofuleux se montraient à la porte, ayant tous les yeux brillants et avides. Du chuchotement émergeaient parfois plus distinctement des questions et des réponses :


     — J’ai apporté…


     — Où faut-il le mettre ?


     — De la part de Iermochkine, Sidor Petrovitch.


     Bientôt apparut le commissaire. Il boutonnait sa redingote d’uniforme et avait un sourire mielleux aux lèvres.


     — Excusez-moi de vous avoir fait attendre, dit-il en serrant la main de Peredonov de ses deux grandes pattes crochues, j’ai toutes sortes de visiteurs venant me voir pour diverses affaires. Dans notre travail, l’urgence est de règle.


     Sémione Grigoriévitch Mintchoukov, homme long, solide, aux cheveux noirs avec une pelade au milieu de la tête, se tenait légèrement courbé, les bras pendants, les doigts écartés comme des dents de râteau. Il souriait souvent, de l’air de quelqu’un venant de manger une chose défendue, mais agréable, et se léchant maintenant les lèvres. Il avait les lèvres épaisses et d’un rouge vif, le nez charnu, le visage avide, zélé et stupide.


     Peredonov était troublé par tout ce qu’il voyait et entendait ici. Il bredouillait des choses incohérentes et, assis dans un fauteuil, s’efforçait de maintenir sa casquette de sorte que le commissaire vît sa cocarde. Mintchoukov était assis en face de lui, de l’autre côté de la table, bien droit, affichant le même sourire mielleux, et ses mains crochues ratissaient lentement ses genoux, se serrant et se desserrant.


     — On raconte je ne sais quoi à mon sujet, des choses inexistantes, disait Peredonov. Mais moi aussi, j’ai de quoi dénoncer. Moi, je n’ai rien fait de tel, mais j’en sais long à leur sujet. Mais je ne veux pas le faire. Ils me rient au visage, et disent dans mon dos toutes sortes de sottises. Convenez que ma situation est délicate. J’ai des protections, mais ils me salissent. Ils m’épient tout à fait inutilement, ils ne font que perdre leur temps et me gêner. Où que j’aille, toute la ville le sait. J’ose donc espérer que, si besoin est, vous me soutiendrez.


     — Certes, certes, pensez donc, avec le plus grand plaisir – dit Mintchoukov en avançant ses larges paumes –, évidemment, nous autres, de la police, devons être au courant de qui est sûr et qui ne l’est pas.


     — Bien sûr, je m’en fiche, dit rageusement Peredonov, ils peuvent jacasser tant qu’ils veulent, mais j’ai peur que cela ne nuise à ma carrière. Ils sont rusés. Vous n’avez pas idée à quel point ils bavassent, tenez, par exemple, Routilov. Allez savoir, il mine peut-être le Trésor public. C’est le coupable qui accuse l’innocent.


     Mintchoukov eut d’abord l’impression que Peredonov avait un coup dans le nez et racontait des blagues. Puis, l’ayant écouté, il comprit que Peredonov se plaignait de quelqu’un qui le calomniait, et demandait que des mesures fussent prises contre son détracteur.


     — Des jeunes gens, poursuivait Peredonov en songeant à Volodine, mais qui ont une haute opinion d’eux-mêmes. Ils complotent contre autrui, sans être bien propres eux-mêmes. Les jeunes gens, ça s’emballe, on le sait bien. Certains servent dans la police, et s’en mêlent pourtant. 


     Il parla longuement des jeunes gens, mais, étrangement, ne voulait pas citer Volodine. Il avait parlé à tout hasard de jeunes gens servant dans la police pour faire comprendre à Mintchoukov qu’il avait quelques informations fâcheuses au sujet des gens employés dans la police. Mintchoukov jugea que Peredonov faisait allusion à deux fonctionnaires de l’administration policière : des jeunes gens portés à rire et faisant la cour aux demoiselles. Le trouble et la crainte manifeste de Peredonov gagnaient malgré lui Mintchoukov.


     — J’y veillerai, dit-il, soucieux – il réfléchit quelques instants et arbora de nouveau son sourire mielleux : j’ai deux jeunots de fonctionnaires, de vrais blancs-becs. L’un d’eux, sa maman le met encore au coin, ma parole.


     Peredonov éclata d’un rire saccadé.




     Pendant ce temps-là, Varvara se trouvait chez Grouchina, chez qui elle avait appris une nouvelle qui l’avait frappée.


     — Varvara Dmitrievna, ma chérie, se hâta de dire Grouchina à peine Varvara avait-elle franchi le seuil de sa maison, vous serez stupéfaite d’apprendre la nouvelle.


     — Eh bien, quelle est cette nouvelle ? demanda Varvara avec un petit rire.


     — Non, vraiment, il y a des gens d’une bassesse incroyable ! À quoi ne sont-ils pas prêts pour parvenir à leurs fins !


     — Mais de quoi s’agit-il ?


     — Attendez, je vais vous raconter.


     Mais la rusée Grouchina commença par offrir du café à Varvara, puis expédia dehors sa marmaille, sa fille aînée s’obstinant et refusant de s’en aller.


     — Espèce de vaurienne, sale rosse ! lui cria Grouchina.


     — Sale rosse toi-même , répliqua l’impertinente fillette en tapant des pieds.


     Grouchina l’attrapa par les cheveux, la jeta dehors et ferma la porte à clef.


     — Cette créature est capricieuse, se plaignit-elle à Varvara. Ces enfants, c’est juste du malheur. Je suis toute seule, impossible d’en venir à bout. Il leur faudrait un père.


     — Vous vous marierez, ils auront un père, dit Varvara.


     — Varvara Dmitrievna, ma chérie, il faut voir sur qui on tombe, parfois – un autre se mettrait bien à les tyranniser.


     À ce moment, la fillette revint en courant du dehors et jeta par la fenêtre une poignée de sable sur la tête et le robe de sa mère. Grouchina passa la tête par la fenêtre et lui cria :


     — Tu vas voir la tannée que je mettrai quand tu rentreras, sale rosse galeuse !


     — Rosse toi-même, méchante idiote ! criait dans la rue la gamine, sautant à cloche-pied et brandissant ses petits poings sales à l’adresse de sa mère.


     Grouchina cria à la fillette :


     — Attends un peu, tu verras !


     Et elle referma la fenêtre. Puis elle s’assit tranquillement, comme si de rien n’était, et commença :


     — Ce que je voulais vous raconter, j’hésite à vous le dire. Ne vous mettez pas en émoi, Varvara Dmitrievna, ma chérie, ils n’arriveront à rien.


     — Mais qu’est-ce donc ? demanda Varvara avec effroi, le café de sa soucoupe tremblant dans ses mains.


     — Vous savez qu’un élève vient d’entrer au lycée, directement en cinquième classe6, un certain Pylnikov, qui viendrait de Rouban7, parce que sa tante a acheté une propriété dans notre district.


     — Je sais, dit Varvara, je l’ai vu, il est arrivé avec sa tante, mignon comme tout, ressemblant à une fille et ne faisant que rougir.


     — Varvara Dmitrievna, ma chérie, comment ne ressemblerait-il pas à une fille, puisque c’est une jeune fille habillée en garçon ?!


     — Que dites-vous là ?! s’écria Varvara.


     — Ils ont imaginé cela exprès pour attraper Ardalion Borissytch, disait Grouchina en se dépêchant et en gesticulant, ressentant une joyeuse émotion à retransmettre une nouvelle de cette importance. Voyez-vous, cette demoiselle a un cousin, un orphelin, qui a fait ses études à Rouban, alors la mère de la jeune fille a retiré le garçon du lycée et y a fait entrer la demoiselle avec ses papiers. Et notez que lui, ils l’ont installée chez une logeuse n’ayant pas d’autres lycéens, « il » y est seul,  si bien que tout restera ignoré, ni vu ni connu, espèrent-ils.


     — Et vous, comment l’avez-vous appris ? demanda Varvara avec incrédulité.


     — Varvara Dmitrievna, ma chérie, la rumeur gonfle la terre8. Et ce fut suspect depuis le début : tous les garçons étaient… des garçons, quoi, tandis que lui, une vraie sainte-nitouche à l’air abattu. Et la peau… Un jeune gars doit être gaillard, le teint rose et la poitrine solide. Et ses camarades ont remarqué sa modestie : on lui adresse la parole, il rougit. Ils le taquinent en l’appelant « la demoiselle ». Seulement, ils le font pour rire, ils ne savent pas que c’est la vérité. Et voyez comme ces gens sont rusés : la logeuse ne sait rien.


     — Mais vous, comment l’avez-vous su ? répéta Varvara.


     — Varvara Dmitrievna, ma chérie, y a-t-il quelque chose que je ne sache pas ? Dans le district, je connais tout le monde. Comment, mais tout le monde sait qu’ils ont chez eux un autre garçon, du même âge que celui-ci. Pourquoi ne les ont-ils pas envoyés tous les deux au lycée ? On dit qu’il a été malade cet été, qu’il va se reposer une année, et qu’il retournera ensuite au lycée. Mais ce sont des balivernes : le lycéen, c’est lui. Et l’on sait également qu’ils avaient un jeune fille ; ils disent qu’elle s’est mariée et qu’elle est partie au Caucase. Là aussi, ils mentent, elle n’est pas du tout partie, elle vit ici sous l’apparence de ce garçon.


     — Mais quel intérêt y ont-ils ? demanda Varvara.


     — Comment, quel intérêt ? dit vivement Grouchina. Mais accrocher l’un des professeurs, ça ne manque pas de célibataires, parmi eux. Un professeur ou quelqu’un d’autre. Déguisée en garçon, elle peut aussi aller à l’appartement de sa logeuse, elle peut faire plein de choses.


     Varvara dit avec effroi :


     — C’est sans doute une jolie fille.


     — Je vous crois, une vraie beauté ! acquiesça Grouchina. Pour l’instant, elle se fait discrète, mais attendez qu’elle se soit habituée, elle va s’en donner à cœur joie et tourner la tête à toute la ville. Et voyez comme ils sont finauds : dès que j’ai été au courant de ces faits, j’ai tenté de rencontrer la logeuse du garçon – ou plutôt de la fille –, on ne sait même plus ce qu’il faut dire.


     — Un vrai loup-garou, pouah, que le Seigneur me pardonne ! fit Varvara.


     — Je suis allée à leur paroisse pour la vigile de Saint-Pantéleïmon9, la logeuse est dévote. « Olga Vassilievna, lui ai-je dit, pourquoi ne prenez-vous chez vous qu’un seul lycéen à l’heure actuelle ? Ce n’est vraiment pas avantageux. » Et elle : « À quoi bon en avoir davantage ? Ce ne sont que des tracas, avec eux. » Moi : « Tout de même, les autres années, vous en aviez deux ou trois. » Et figurez-vous, Varvara Dmitrievna, ma chérie, qu’elle m’a répondu : « Ses parents ont exigé que Sachenka soit mon seul pensionnaire. Ils sont aisés, ils ont payé un peu plus, mais ils ont peur que le gamin ne se laisse aller en compagnie d’autres garçons. » Qu’en dites-vous ?


     — Ah les aigrefins ! dit haineusement Varvara. Lui avez-vous dit que c’était une fille ?


     — Je lui ai dit : « Olga Vassilievna, prenez garde que ce ne soit pas une fille à la place d’un garçon. »


     — Et qu’a-t-elle répondu ?


     — Elle a ri en pensant que je plaisantais. Alors je le lui ai dit avec plus de gravité : « Olga Vassilievna, ma chérie, vous savez, on dit vraiment que c’est une fille. » Mais elle ne m’a pas cru. « Des blagues, m’a-t-elle dit, une fille, allons donc, je ne suis tout de même pas aveugle10… »


     Ce récit frappa Varvara. Elle crut pleinement à la véracité de l’histoire, y voyant un nouveau piège tendu à son fiancé par une autre partie. Il fallait au plus vite démasquer au plus vite, d’une façon ou d’une autre, la jeune fille déguisée. Les deux femmes tinrent longuement conseil pour voir comment s’y prendre, sans parvenir à rien imaginer.


     À la maison, la disparition du raisin sec affecta encore davantage Varvara. 


     Lorsque Peredonov rentra chez lui, Varvara , tout émue, se dépêcha de lui raconter que Klavdia avait caché quelque part une livre de raisin sec et ne voulait pas le reconnaître.


     — Et elle a encore inventé, relatait avec irritation Varvara, de me dire : « C’est peut-être Monsieur qui l’a mangé. Monsieur est allé à la cuisine pendant que je lavais par terre, il y est resté longtemps. 


     — Longtemps, absolument pas, fit Peredonov, morose. Je me suis juste lavé les mains, et je n’ai pas vu de raisin sec.


     — Klavdiouchka, Klavdiouchka ! cria Varvara. Monsieur dit qu’il n’a pas vu de raisin sec, c’est donc que tu l’avais caché plus tôt.


     Klavdia sortit de la cuisine et se montra, toute rouge, le visage gonflé de larmes.


     — Je n’ai pas pris votre raisin ! cria-t-elle d’une voix mêlée de sanglots, je vous le rachèterai, mais je ne l’ai pas pris !


     — Oh que oui, tu me le rachèteras ! s’écria rageusement Varvara. Je ne suis pas obligée de t’engraisser avec des raisins secs.


     Peredonov éclata de rire et cria :


     — Diouchka11 a étouffé une livre de raisins secs !


     — Vous m’insultez ! cria Klavdia en claquant la porte.


     A dîner, Varvara ne put se retenir, et raconta ce qu’elle avait entendu au sujet de Pylnikov. La colère lui fit tout relater, sans réfléchir pour savoir si cela lui était utile ou nuisible, ni comment réagirait Peredonov.


     Celui-ci essaya de se souvenir de Pylnikov, mais sans parvenir à se le représenter nettement. Jusqu’alors, il n’avait guère fait attention à ce nouvel élève, qu’il méprisait en raison de son gentil minois et de sa propreté, aussi parce qu’il était modeste, travaillait bien et était le plus jeune élève de la cinquième. Le récit de Varvara alluma alors en lui une curiosité lascive. Des pensées impudiques remuèrent lentement dans sa tête morose…


     « Il faut aller à la vigile pour jeter un coup d’œil à cette fille habillée en garçon » se dit-il.


     Klavdia entra soudain en courant, triomphante, et jeta sur la table l’emballage bleu roulé en boule, en criant :


     — Vous m’avez accusée d’avoir mangé le raisin sec, et ça, c’est quoi ? J’ai bien besoin de votre raisin, allez !


     Peredonov comprit de quoi il s’agissait : il avait oublié de jeter dans la rue l’emballage, et Klvdia venait de le trouver dans la poche de son manteau.


     — Ah merde ! s’écria-t-il.


     — Qu’est-ce que c’est, d’où cela vient-il ? cria Varvara.


     — Je l’ai trouvé dans la poche d’Ardalion Borissytch, répondit Klavdia avec une joie mauvaise. C’est lui qui les a mangés, et on m’a calomniée en m’accusant. Tout le monde sait qu’Ardalion Borissytch aime beaucoup les douceurs, mais il ne faut pas tomber sur les autres quand c’est vous-même…


     — Et allez donc, dit avec dépit Peredonov, tu ne fais que mentir. je n’ai rien pris, c’est toi qui me l’a fourré dans la poche.


     — Pourquoi je l’aurais fourré dans votre poche, que dites-vous-là, Seigneur ! dit Klavdia, désarçonnée.


     — Comment oses-tu fouiller dans nos poches ?! cria Varvara. Tu cherches de l’argent ?


     — Je ne cherche rien du tout dans vos poches, répliqua grossièrement Klavdia, j’avais pris le manteau pour le nettoyer, il est couvert de boue.


     — Et pourquoi fouiller dans les poches ?


     — L’emballage est tombé tout seul de la poche, qu’ai-je à faire de fouiller dans vos poches ? essaya de se justifier Klavdia.


     — Tu mens, Diouchka, dit Peredonov.


     — Je ne suis pas votre Diouchka, en voilà des façons, ah, qu’ils sont drôles ! cria Klavdia. C’est bon, je vous le rachèterai, votre raisin, étouffez-vous avec : ils l’ont bâfré, et c’est moi qui dois le payer. Je le paierai, on voit que vous n’avez aucune conscience, vous n’avez honte de rien et ça s’appelle des maîtres !


     Pleurant et jurant, Klavdia partit dans la cuisine. Peredonov eut un rire saccadé et dit :


     — Une vraie soupe au lait.


     — Qu’elle le rachète, déclara Varvara. Si on les laissait faire, ils boufferaient tout, ces diables d’affamés.


     Et ils taquinèrent ensuite longtemps Klavdia pour avoir mangé la livre de raisins secs. L’argent fut retenu sur ses gages et tous les visiteurs eurent droit à l’histoire des raisins secs.


     Le matou, comme attiré par les cris, sortit de la cuisine et, se faufilant le long des murs, s’assit à côté de Peredonov en le regardant de ses yeux avides et méchants. Peredonov se pencha pour l’attraper. Le chat renifla furieusement, griffa la main de Peredonov et alla vite se tapir sous l’armoire. De là, il regardait, et les étroites fentes de ses pupilles lançaient comme des éclairs verts.


     « Un vrai loup-garou » se dit peureusement Peredonov.


     Cependant Varvara, pensant toujours à Pylnikov, se mit à lui dire :


     — Au lieu d’aller jouer au billard tous les soirs, tu ferais mieux d’aller parfois rendre visite aux lycéens dans leurs locations. Ils savent que les professeurs vont rarement jeter un coup d’œil chez eux, quant à l’inspecteur, c’est tout juste s’il se montre une fois par an, de sorte qu’ils se livrent à toutes sortes de désordres, jeux de cartes et ivrognerie. Va donc voir du côté de cette fille habillée en garçon. Vas-y tard le soir, quand ils s’apprêtent à se coucher ; tu pourras plus facilement la convaincre de son imposture et la confondre.


     Peredonov réfléchit et éclata de rire.


     « Varvara est une rusée coquine, se dit-il, elle est de bon conseil. »




Notes


  1. Le russe dit : « Un oiseau aussi important ».
  2. Voir IX, note 9.
  3. Rappel : c’est la nouvelle domestique. Voir III.
  4. Livre russe, un peu plus de 450 grammes.
  5. Mis au pluriel (politesse d’inférieur parlant d’un supérieur), avec une faute de conjugaison.
  6. Le numéro des classes augmente en Russie, avec l’âge des élèves. Il s’agit ici de classes de lycée : la « cinquième » semble correspondre ici à notre «troisième », ses élèves  – des garçons – sont donc des adolescents.
  7. Village en Ukraine. Il y a d’ailleurs, semble-t-il, un certain nombre d’ukrainismes dans le texte de Sologoub.
  8. Citation de Saltykov-Chtchedrine.
  9. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pantal%C3%A9on_de_Nicom%C3%A9die
  10. Les filles de bonne famille étudiaient dans des institutions séparées, des pensionnats.
  11. De Klavdiouchka, diminutif méprisant de Klavdia.






XII



     Peredonov  se rendit, pour la vigile, à l’église du lycée. Là, il se plaça derrière les élèves et observa attentivement leur comportement. Il crut voir certains chahuter, se pousser, chuchoter et rire. Il les remarqua, tâchant de retenir de qui il s’agissait. Ils étaient nombreux, et il s’en voulut de ne pas avoir pensé à prendre du papier et un crayon, chez lui, pour inscrire leurs noms. Il éprouva de la tristesse en voyant les lycéens se tenir aussi mal sans que personne y fasse attention, alors même que se trouvaient à l’église le directeur et l’inspecteur, avec leurs épouses et leurs enfants.


     Mais en réalité, les lycéens se tenaient avec décence et discrétion – si certains faisaient le signe de croix par automatisme, en pensant à tout autre chose, d’autres priaient avec ardeur. L’un d’eux, à de très rares occasions, chuchotait quelque chose à son voisin, lequel répondait aussi brièvement et aussi discrètement, parfois juste d’un geste rapide, d’un regard, d’un haussement d’épaules ou d’un sourire fugitif. Mais ces petits mouvements, qui échappaient au surveillant auxiliaire, donnaient aux sens en alerte, bien qu’émoussés, de Peredonov, l’illusion d’un grand désordre. Même lorsqu’il était calme, Peredonov, comme tous les gens grossiers, ne pouvait apprécier avec justesse les menus phénomènes : ou bien il ne les remarquait pas, ou bien il exagérait leur importance.  À présent que son attention était mise en éveil par les espoirs et les craintes, sa sensibilité le desservait encore davantage, et peu à peu la réalité tout entière se couvrait sous ses yeux d’un voile d’illusions désagréablement trompeuses. 


     Du reste, même auparavant, qu’étaient les lycéens pour Peredonov ? Sinon un dispositif pour transvaser de l’encre sur du papier et répéter d’une langue grossière ce qui avait été dit autrefois par une langue humaine ! Durant toute son activité d’enseignant, Peredonov n’avait, à franchement parler, jamais compris ni estimé que les élèves étaient des êtres humains au même titre que les adultes. Seuls les lycéens barbus chez qui s’éveillait l’intérêt pour les femmes devenaient soudain des égaux à ses yeux.


     S’étant tenu derrière le temps de recueillir suffisamment d’impressions tristes, Peredonov s’avança vers les rangs du milieu. À droite, en bout de rangée, se trouvait Sacha Pylnikov ; il priait d’un air modeste, en s’agenouillant souvent. Peredonov lui jetait des regards, il lui était particulièrement agréable de voir Sacha à genoux, comme en pénitence, le regard tourné, devant lui, vers les portes étincelantes de l’autel1, une expression soucieuse et suppliante sur le visage, la prière et la tristesse se lisant dans ses yeux noirs ombragés de longs cils noirs au point de paraître bleus. Le teint basané, bien proportionné – ce qui se remarquait notamment lorsqu’il était à genoux, calme et se tenant bien droit, comme s’il se savait observé par un œil sévère –, la poitrine haute et large, il ressemblait, pour Peredonov, tout à fait à une jeune fille.


     Peredonov décida alors de lui rendre visite le soir même après la vigile.




    Les gens commencèrent à sortir de l’église. On remarqua que Peredonov n’était plus en chapeau, comme toujours jusque-là, mais portait une casquette à cocarde. Routilov lui demanda en riant :


     — Qu’est-ce qui te prend, Ardalion Borissytch, tu joues les gandins avec ta cocarde, à présent ? Voilà ce que c’est que de vouloir devenir inspecteur.


     — Les soldats vont-ils vous faire le salut militaire, maintenant ? demanda Valéria avec une feinte ingénuité.


     — En voilà des bêtises ! dit Peredonov avec dépit.


     — Tu ne comprends pas, Valérotchka, fit Daria, pourquoi donc les soldats ? Ce sont juste les lycéens qui auront bien plus de respect pour Ardalion Borissytch qu’auparavant.


     Lioudmila2 riait aux éclats. Peredonov se hâta de prendre congé pour échapper à leurs railleries.


     Il était encore trop tôt pour aller chez Pylnikov, et retourner chez lui ne lui disait rien. Peredonov passa dans des rues obscures, en se demandant où passer une heure. Il y avait de nombreuses maisons, les lumières brillaient à bien des fenêtres, des voix résonnaient parfois de certaines d’entre elles, ouvertes. les gens ayant quitté l’église cheminaient dans les rues, et l’on entendait les portes des maisons et les portillons de jardins  s’ouvrir et se refermer. Partout vivaient des gens étrangers et hostiles à Peredonov, certains d’entre eux peut-être même malentionnés à son égard, à présent. Peut-être que l’un s’étonnait déjà  de voir Peredonov seul à cette heure tardive, et se demandait où il se rendait. Peredonov avait l’impression qu’on le suivait à pas de loup. Le cœur serré, il pressa le pas, marchant sans but.


     Il songeait que chaque maison avait ses défunts. Et que ceux qui habitaient ces vieilles maisons cinquante ans plus tôt étaient tous morts. Il se souvenait de certains.


     « Lorsque quelqu’un meurt, il faudrait brûler sa maison, songeait-il avec mélancolie, autrement, ça fait très peur. »




     Olga Vassilievna Kokovkina, chez qui habitait le lycéen Sacha Pylnikov, était la veuve du trésorier. Son mari lui avait laissé une pension et une petite maison assez spacieuse pour qu’elle pût en réserver deux ou trois chambres à des locataires. Mais elle préférait prendre des lycéens. D’ordinaire, on installait chez elle les garçons les plus discrets, qui travaillaient bien et finissaient les cours au lycée. Dans les autres appartements pour lycéens, se trouvaient pour une bonne part des élèves naviguant d’un établissement à l’autre et restant sans grand savoir.


     Olga Vassilievna, maigre vieille, grande et bien droite, l’air débonnaire bien qu’elle s’efforçât de paraître sévère, et Sacha Pylnikov, garçon fort bien nourri mais  tenu sévèrement par sa tante, étaient assis à la table pour le thé. Ce jour-là, c’était le tour de Sacha de fournir les confitures reçues de la campagne, il se sentait comme le maître des lieux et régalait Olga Vassilievna avec sérieux et componction, ses yeux noirs brillaient.


     Un coup de sonnette retentit, et Peredonov, juste après, se montra dans la salle à manger. Cette visite si tardive surprit Kokovkina.


     — Voilà, je suis venu jeter un coup d’œil sur notre lycéen, dit-il : voir comment il vivait ici.


     Kokovkina offrit du thé et des confitures à Peredonov, mais celui-ci refusa. Il avait envie que le thé se termine au plus vite, pour qu’il puisse rester seul avec le lycéen. Ils finirent leur thé et passèrent dans la chambre de Sacha, mais Kokovkina ne les lâchait pas et parlait à n’en plus finir. Peredonov regardait d’un air morne Sacha, qui se taisait timidement.


     « Cette visite ne donnera rien », se dit avec dépit Peredonov.


     La servante appela Kokovkina, qui sortit de la pièce. Sacha la suivit tristement du regard. Ses yeux s’obscurcirent, à moitié barrés par ses cils, on eût dit que ces trop longs cils jetaient une ombre sur tout son visage basané, qui avait soudain pâli. Il était gêné de se trouver avec cet homme à l’allure morose. Peredonov s’assit à côté de lui, l’enlaça maladroitement par la taille et, le visage inexpressif, lui demanda :


     — Eh bien, Sachenka3, on a bien prié le bon Dieu ?


     Effrayé et gêné, Sacha jeta un coup d’œil à Peredonov, rougit et resta silencieux.


     — Alors ? On a bien prié ? insistait Peredonov.


     — Oui, dit enfin Sacha.


     — Voyez-moi ces joues bien roses, fit Peredonov. Allons, avouez-le, vous êtes une fille ? Petite friponne !


     — Non, je ne suis pas une fille, dit Sacha.


     Irrité par sa propre timidité, il demanda soudain d’une voix claire : 


     — En quoi est-ce que je ressemble à une fille ? Ce sont vos lycéens qui ont inventé de me taquiner parce que j’ai peur des gros mots ; je n’ai pas l’habitude d’en dire, en aucun cas je n’en dirai, dire des saletés, à quoi bon ?


     — Maman vous punirait ? demanda Peredonov.


     — Je n’ai pas de mère, dit Sacha; Maman est morte il y a longtemps ; je n’ai que ma tante.


     — Alors, votre tante vous punirait ?


     — Bien sûr qu’elle me punirait, si je me mettais à dire des saletés. Est-ce bien, par hasard, de parler ainsi ?


     — Mais comment votre tante le saurait-elle ?


     — De toute manière, je n’en ai pas envie, dit tranquillement Sacha. Et ma tante pourrait l’apprendre de mille façons. Peut-être que je laisserais échapper quelque gros mot moi-même.


     — Et qui, parmi vos camarades, dit des gros mots ? demanda Peredonov.


     Sacha rougit de nouveau et se tut.


     — Allons, parlez, insista Peredonov. Vous êtes obligé de me le dire, vous n’avez pas le droit de le cacher.


     — Personne n’en dit, répliqua Sacha, embarrassé.


     — Vous vous êtes plaint vous-même à l’instant.


     — Je ne me suis pas plaint.


     — Pourquoi niez-vous ? fit sévèrement Peredonov.


     Se sentant pris au piège, Sacha dit :


     — Je vous ai juste expliqué pourquoi certains de mes camarades m’appellent « fillette ». Mais je ne veux pas cafarder.


     — Tiens donc, et pourquoi cela ? demanda hargneusement Peredonov.


     — Parce que ce n’est pas bien, dit Sacha avec un sourire à la fois moqueur et contrarié.


     — Eh bien, je le dirai au directeur, il vous obligera à parler, dit Peredonov avec une joie mauvaise. 


     Sacha le regarda, ses yeux brillant de colère.


     — Non, Ardalion Borissytch, ne le lui dites pas, s’il vous plaît, implora-t-il.


     Sa voix proche de l’extinction indiquait qu’il faisait un effort pour supplier Peredonov, qu’il avait envie de lui crier des insolences et de le menacer.


     — Si, je lui dirai. Vous verrez alors ce que c’est que de cacher des saletés. Vous auriez dû vous plaindre tout de suite. Attendez un peu, il va vous en cuire.


     Sacha se leva, tiraillant sa ceinture, dans son trouble. Kokovkina entra.


     — Sage comme une image, votre bon élève, il n’y a pas à dire ! dit hargneusement Peredonov.


     Kokovkina prit peur. Elle s’approcha bien vite de Sacha, s’assit à côté de lui – sous le coup de l’émotion, ses jambes se dérobaient toujours sous elle – et demanda craintivement :


     — Mais qu’y a-t-il, Ardalion Borissytch ? Qu’a-t-il fait ?


     — Demandez-le lui donc, répondit avec une sombre méchanceté Peredonov.


     — Qu’il y a—t-il, Sachenka, quelle faute as-tu commise ? demanda Kokovkina en touchant le coude de Sacha.


     — Je ne sais pas, dit celui-ci en se mettant à pleurer.


     — Mais qu’y a-t-il, que se passe-t-il, pourquoi pleures-tu ? redemanda Kokovkina.


     Elle mit ses mains sur les épaules du garçon et le fit se pencher vers elle, sans remarquer sa gêne. Il restait le buste incliné, cachant ses yeux de son mouchoir. Peredonov expliqua :


     — Au lycée, on lui apprend des gros mots, et il ne veut pas dire qui. Il ne doit pas le cacher. Autrement, lui-même apprend des saletés et il couvre les autres.


     — Ah, Sachenka, comment peux-tu faire ça ? Est-ce possible ? Comment n’as-tu pas honte ? dit avec désarroi Kokovkina en lâchant Sacha.


     — Je n’ai rien fait, répondit Sacha à travers ses sanglots, je n’ai rien fait de mal. Ils se moquent de moi justement parce que je ne peux pas dire de gros mots.


     — Qui dit des gros mots ? redemanda Peredonov.


     — Personne ! s’exclama Sacha, au désespoir.


     — Voyez comme il ment, dit Peredonov ; il faut le punir de belle façon. Il faut qu’il révèle qui dit des saletés, sinon notre lycée va encourir des reproches, et nous ne pourrons rien y faire.


     — Vous devriez l’excuser, Ardalion Borissytch, dit Kokovkine : comment voulez-vous qu’il dénonce ses camarades ? Après, ils lui rendront la vie impossible.


     — Il doit parler, dit sévèrement Peredonov. Cela ne peut qu’être bénéfique. Nous prendrons des mesures correctrices.


     — Mais s’ils se mettent à le battre ? dit avec hésitation Kokovkina.


     — Ils n’oseront pas. S’il a peur, il peut le dire en secret.


     — Eh bien, Sacha, dis-le en secret. Personne ne le saura.


     Sacha se taisait et pleurait. Kokovkina l’attira à elle, le prit dans ses bras et lui chuchota longuement à l’oreille. Il secouait négativement la tête.


     — Il ne veut pas, dit Kokovkina.


     — Il faudrait lui faire tâter de la verge, il parlerait, dit férocement Peredonov. Apportez-moi une verge, je le ferai parler. 


     — Mais pourquoi, Olga Vassilievna ? s’exclama Sacha.


     Kokovkine se leva et et l’étreignit.


     — Arrête de pleurer, dit-elle avec une tendre sévérité. Personne ne te touchera.


     — Comme vous voulez, dit Peredonov, mais moi je devrai, dans ce cas, en parler au directeur. En famille, comme c’était mon idée, c’eût été mieux pour lui. Peut-être bien que votre Sachenka est lui-même un fieffé coquin. Nous ne savons pas encore pourquoi on se moque de lui en l’appelant « fillette », c’est peut-être pour tout autre chose ; Peut-être qu’on ne lui apprend rien du tout, mais que c’est lui qui pervertit les autres.


     Peredonov sortit de la chambre, dépité, Kokovkina sur ses talons. Elle lui dit d’un ton de reproche :


     — Ardalion Borissytch, qu’avez-vous à troubler ce garçon sans qu’on sache pourquoi ? Il est heureux qu’il ne comprenne pas encore ce que vous dites.


     — Eh bien au revoir, dit Peredonov sans aménité — mais je vais en parler au directeur. Il faut enquêter là-dessus.


     Il partit. Kokovkine alla consoler Sacha. Tristement assis près de la fenêtre, celui-ci contemplait le ciel étoilé. Ses yeux noirs étaient déjà calmés, et étrangement tristes. Kokovkina lui caressa la tête sans rien dire.


     — C’est de ma faute, dit-il. Ça m’a échappé, j’ai dit pourquoi on le taquinait, il s’y est accroché pour me presser de questions. Il est très grossier. Au lycée, personne ne l’aime.




    Le lendemain, Peredonov et Varvara déménagèrent enfin pour s’installer dans leur nouvel appartement. Se tenant sous la porte cochère, Ierchova s’engueulait férocement avec Varvara. Peredonov l’évitait en se cachant derrière les chariots.


     Un Te Deum fut aussi célébré dans le nouvel appartement. Les calculs de Peredonov lui faisaient estimer indispensable de montrer qu’il était croyant. Durant le Te Deum, l’odeur de l’encens, lui faisant tourner la tête, le mit dans un état d’esprit vaguement proche de la prière.


     Une circonstance étrange vint le troubler. Sortie on ne savait d’où, accourut une étonnante créature aux contours mal définis – petite, grise, leste et sans consistance5. Elle riait, tremblait et tournait autour de Peredonov. Lorsqu’il tendait la main vers elle, elle s’esquivait rapidement, s’enfuyait derrière la porte ou sous l’armoire, pour réapparaître l’instant d’après, tremblante, moqueuse — grise, impersonnelle et vive.


     Enfin, le Te Deum se terminant, Peredonov comprit et chuchota ses formules de protection6. La créature siffla tout doucement et forma une petite boule qui alla rouler derrière la porte. Peredononv poussa un soupir de soulagement.


     « Si elle a roulé plus loin, c’est bien, se dit-il Mais peut-être vit-elle ici, sous le plancher, et réapparaîtra-t-elle pour se moquer de moi. »


     Peredonov sentit le froid de l’angoisse.


     « Et que viennent faire sur terre tous ces esprits malins ? » songea-t-il.


     Lorsque, après la fin du Te Deum, les invités furent partis, Peredonov se demanda longuement où la créature avait pu aller se cacher. Varvara alla voir Grouchina, et Peredonov se lança dans des recherches en mettant sens dessus dessous les affaires de sa maîtresse.


     « Varvara ne l’aurait-elle pas emmenée dans sa poche ? se disait Peredonov : a-t-elle besoin de beaucoup de place ? Elle pourrait rester cachée dans sa poche, jusqu’à réapparaître au moment voulu. »


     Une robe de Varvara retint  son attention. Toute en fronces, en nœuds et en rubans, exactement comme si elle avait été cousue pour qu’on pût y cacher quelque être. Peredonov l’examina longuement, puis, à grand effort, en s’aidant d’un couteau, il arracha la poche qu’il coupa en partie et jeta dans le poêle, puis entreprit de déchirer la robe entière, qu’il réduisit en charpie. Des pensées étranges et confuses passaient dans sa tête, et son âme était dans un désespoir sans fin.


     Varvara revint bientôt : Peredonov était encore occupé à déchiqueter la robe. Elle le crut ivre et se mit à l’invectiver. Peredonov l’écouta un bon moment, pour dire enfin :


     — Qu’as-tu à aboyer, idiote ? Tu trimballes peut-être le diable dans ta poche. Je dois bien me préoccuper de ce qui se passe ici.


     Varvara resta pantoise. Content de son effet, il s’empressa de trouver sa chapka et partit jouer au billard. Varvara courut dans le vestibule et, tandis que Peredonov passait son manteau, cria :


     — Peut-être que je n’ai aucun diable dans ma poche, et que c’est toi qui le promènes dans la tienne. Je le sortirais d’où, ce diable ? N’est-ce pas toi qui l’as fait venir de Hollande7 ?




    Le jeune fonctionnaire Tchérepnine, celui qui, selon Verchina8, l’épiait par la fenêtre, avait commencé à lui faire la cour lorsqu’elle était devenue veuve. Verchina n’avait rien contre l’idée de se remarier, mais Tchérepnine lui semblait trop insignifiant. Ce dernier en avait conçu beaucoup d’aigreur et s’était laissé persuader avec joie par Volodine de barbouiller de goudron9 la porte de Verchina.


     Ayant donné son accord, il avait ensuite été pris d’hésitations. Et s’il se faisait pincer ? Ce serait gênant, il était tout de même fonctionnaire. Il résolut de confier la besogne à d’autres. Ayant acheté deux adolescents pour vingt-cinq kopecks, il promit encore quinze kopecks à chacun des garnements pour réaliser l’affaire – et, par une nuit sombre, la chose fut faite.


     Si quelqu’un avait, chez Verchina, ouvert la fenêtre après minuit, il aurait entendu dans la rue le léger frôlement de pieds nus sur les planches du trottoir, un petit chuchotement et d’autres légers bruits encore, comme ceux qu’on ferait en balayant la palissade ; puis un petit tintement, un bruit de pieds courant de plus en plus vite, un rire lointain et l’aboiement inquiet des chiens.


     Mais personne n’ouvrit la fenêtre. Et le matin… Le portillon et la palissade du jardin étaient balafrées de traînées de goudron d’un brun jaunâtre. Des obscénités étaient écrites au goudron sur le portail. Les passants s’exclamaient et riaient, la rumeur se répandit et les curieux affluèrent.


     Verchina faisait rapidement les cent pas dans le jardin, elle fumait et souriait en tordant les lèvres encore plus que d’habitude, et marmonnait dans sa colère. Marta ne quittait pas la maison et pleurait à chaudes larmes. La servante Maria s’efforçait de faire disparaître le goudron et échangeait des grossièretés avec les badauds venus se rincer l’œil et braillant, et les curieux qui s’esclaffaient.




    Tchérepnine raconta le jour même à Volodine qui avait fait le coup. Volodine s’empressa d’en faire part à Peredonov. Ils connaissaient tous les deux les loustics en question, célèbres pour leurs frasques effrontées.


     En allant jouer au billard, Peredonov passa chez Verchina. Le temps était couvert. Verchina et Marta étaient au salon.


     — Votre porte a été enduite de goudron, dit Peredonov.


     Marta rougit. Verchina se hâta de raconter ce qu’elles avaient vu le matin en se levant, les gens en train de rire près de leur palissade, que Maria avait essayé de nettoyer. Peredonov déclara :


     — Je sais qui a fait cela.


     Verchina le regarda avec perplexité.


     — Comment l’avez-vous su ? demanda-t-elle.


     — Je l’ai appris.


     — Qui est-ce ? Parlez, demanda Marta avec irritation.


     Elle était tout à fait laide, à présent, avec ses yeux méchants et éplorés, ses paupières rougies et gonflées. Peredonov répondit :


     — Je vais vous le dire, bien sûr, je suis venu pour cela. Il faut donner une leçon à ces gredins. Seulement, vous devez me promettre de ne dire à personne de qui vous l’avez appris.


     — Pourquoi donc, Ardalion Borissytch ? demanda Verchina, étonnée.


     Peredonov garda le silence de façon significative, puis expliqua :


     — Ces chenapans-là me casseraient la gueule, s’ils savaient qui les a donnés.


     Verchina promit de se taire.


     — Vous non plus, ne dites pas que c’est moi qui vous ai informée, dit Peredonov en s’adressant à Marta. 


     — Bien, je ne dirai rien, s’empressa d’accepter Marta, désireuse de connaître au plus vite le nom des coupables.


     Il lui semblait qu’ils devaient recevoir un châtiment douloureux et infamant.


     — Non, jurez-le-moi, fit Peredonov, peureux.


     — Vous avez ma parole, je ne le dirai à personne, assura Marta. Parlez vite.


     Or Vladia11 écoutait derrière la porte. Il était content d’avoir imaginé de ne pas entrer au salon : personne ne l’obligerait à promettre le silence, et il pourrait le dire à qui il voudrait. Il souriait à l’idée de se venger ainsi de Peredonov.


     — Hier, après minuit, je passais dans votre rue en rentrant chez moi, se mit à raconter Peredonov, et soudain, j’ai entendu quelqu’un remuer près de votre portail. j’ai d’abord pensé à des voleurs. Que faire ? me suis-je demandé. Brusquement, j’ai entendu courir dans ma direction. Je me suis serré contre le mur, ils ne m’ont pas vu mais je les ai reconnus. L’un avait un pinceau à la main, l’autre un seau. De fieffés gredins : les fils du serrurier Avdeïev. Ils détalent, et l’un dit à l’autre : « Une nuit pas perdue, on a gagné cinquante-cinq kopecks. » J’aurais bien voulu en attraper au moins un, mais j’ai eu peur de me faire maculer le museau, et puis je portais mon manteau neuf.




     À peine Peredonov fut-il parti, Verchina alla porter plainte chez le commissaire de police.


     Le commissaire Mintchoukov12 envoya un agent chercher Avdeïev et ses fils. 


     Les garçons arrivèrent sans crainte, ils pensaient qu’on les suspectait pour des blagues passées. Avdeïev, grand vieillard triste, était au contraire tout à fait convaincu que ses fils avaient de nouveau commis quelque saleté. Le commissaire  lui expliqua de quoi ses fils étaient accusés. Avdeïev déclara :


     — Je n’arrive pas à en venir à bout. Faites-en ce que vous voulez, moi je me suis esquinté les mains à les battre.


     — Ce n’est pas nous qui avons fait le coup, annonça sans hésiter l’aîné, un rouquin ébouriffé nommé Nil. 


     — On nous colle sur le dos tout ce que font les autres, dit d’une voix pleurarde le cadet Ilia, un blondin tout aussi ébouriffé. Pour avoir fait une blague une fois, on est responsable de tout, maintenant.


     Mintchoukov eut un sourire mielleux, hocha la tête et dit :


     — Vous feriez mieux d’avouer franchement.


     — Nous n’avons rien à avouer, répondit grossièrement Nil.


     — Rien à avouer ? et les cinquante-cinq kopecks, qui vous les a donnés pour ce travail, hein ?


     En voyant, au trouble momentané des deux gars, qu’ils étaient coupables, Mintchoukov dit à Verchina :


     — C’est clair, ce sont eux.


     Les garçons se remirent obstinément à nier. On les amena dans un réduit pour les fouetter. Ne pouvant supporter la douleur, ils avouèrent. En refusant toutefois de dire qui leur avait donné l’argent.


     — C’était de notre propre chef.


     On prit le temps de les fouetter à tour de rôle, jusqu’à les faire avouer que Tchérepnine les avait payés. On rendit les garçons à leur père.


     Le commissaire dit à Verchina :


     — Voilà, nous les avons punis, c’est-à-dire, leur père les a punis, et vous savez qui vous a joué ce tour.


     — Je ne pardonnerai pas à ce Tchérepnine, faisait Verchina, je vais porter plainte contre lui au tribunal.


     — Je ne vous le conseille pas, Natalia Afanassievna, dit d’une voix douce Mintchoukov. Vous feriez mieux de laisser cela.


     — Comment, pardonner à de tels gredins ? Pour rien au monde ! s’exclama Verchina.


     — Nous n’avons surtout aucune preuve, dit tranquillement le commissaire.


     — Comment cela, aucune preuve, puisque les garçons ont avoué ?


     — Ils ont pu avouer, mais devant le juge ils recommenceront à nier : on ne les fouettera pas, là-bas.


     — Comment ça, recommencer à nier ? Les sergents de ville sont témoins, dit Verchina, avec déjà moins d’assurance.


     — Que vaudront là-bas ces témoins ? Quand on fouette un homme et qu’on lui arrache la peau, il avoue tout, même ce qu’il n’a pas commis. Bien sûr, ce sont des canailles, ils ont eu ce qu’ils méritaient, mais, au tribunal, vous n’obtiendrez rien d’eux.


     Mintchoukov souriait de son sourire mielleux, en regardant calmement Verchina.


     Celle-ci le quitta très mécontente, mais, après avoir réfléchi, elle convint qu’il serait difficile d’accuser Tchérepnine, et qu’elle en retirerait seulement une publicité superflue et du déshonneur.    






Notes


  1. Dans les églises orthodoxes, l’autel constitue toute la partie avant de l’église, séparée des fidèles et réservée au clergé. Elle contient la table que nous appelons autel. Les icônes se trouvent sur la cloison de séparation, l’iconostase.
  2. Valéria, Daria et LLioudmila sont les trois sœurs que proposait Routilov à Peredonov au chapitre IV.
  3. Surdiminutif. Sacha est aussi bien le diminutif d’Alexandre que celui d’Alexandra. La question est posée en russe au masculin ou au féminin, selon l’édition !
  4. Leur ancienne propriétaire, voir le chapitre II.
  5. Cette apparition fantastique a fait s’interroger la critique. Le terme russe a dix significations et aucune. On a hésité sur sa signification symbolique : est-ce l’enfant de l’esprit paranoïaque de Peredonov ?
  6. Voir chapitre IV, note 7.
  7. Passage que la suite éclairera peut-être. Des recherches m’amènent à penser que le « diable hollandais » désigne le pauvre chat que Peredonov martyrise, revoir le chapitre II.
  8. Deuxième partie du chapitre I.
  9. Voir le chapitre VII. Marta habite chez Verchina, et, au départ, c’est Volodine qui veut se venger de Marta, laquelle a repoussé sa demande en mariage, voir la fin du chapitre V.
  10. En russe : ma parole devant Dieu.
  11. Rappel : :ce lycéen est le petit frère de Marta. Voir les chapitres I et VI.
  12. Rencontré au chapitre précédent…








(à suivre)

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