jeudi 13 juillet 2017

Ce qu'il faut de terre à l'homme (Léon Tolstoï)


     Un conte rédigé en 1886, l’époque où Tolstoï est à la fois en pleine conversion religieuse – il se forge son christianisme personnel – et entièrement saisi par la mort, il essaye de transcrire les angoisses de mort dans lequel il baigne depuis des années, ce qui donnera notamment La mort d’Ivan Ilitch. C’est, du même mouvement, le Tolstoï qui tourne le dos à la gloire que lui ont apportée Guerre et paix et Anna Karénine.
     Tolstoï s’est librement inspiré, selon Wikipedia,  d’histoires dues à Hérodote, ainsi que de récits entendus chez les Bachkirs, quand il y avait fait, au moins à deux reprises, des cures de koumys afin de soigner ses nombreuses somatisations : 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ce_qu%27il_faut_de_Terre_%C3%A0_l%27Homme

(Dans ses conférences sur Tolstoï, Henri Guillemin évoque aussi ces cures de koumys. La vision du couple Tolstoï par HG est un peu... masculine.)

     Ce récit regrette l’absence d’entente communautaire et critique l’appétit de possession sans limite que favorisent les tendances économiques de son époque, en Europe et même en Russie. Tolstoï se campe en anti-libéral, dénonçant la cupidité et la logique d’accumulation mortifère qui engloutit tout, de nos jours. 

     Voici donc ce petit conte moral. Il présente par endroits des difficultés techniques pour le traducteur, l’auteur étant féru d’agriculture, et le récit remontant tout de même à plus d’un siècle. J’ai en général choisi de suivre le texte au plus près (avec, parfois, bien de l’incertitude), sans faire grâce de certains détails descriptifs qui embarrasseront peut-être le lecteur – on rencontre ce même problème dans Anna Karénine. Un autre choix (il se rencontre) serait de couper carrément certains passages pour ne conserver que ce qui garde un sens pour nous. Mais on hésite à traiter de la sorte un auteur comme Léon Tolstoï. De toute façon, reste l’essentiel du conte, qui, à certains égards – en remplaçant la terre par la finance, par exemple – n’a pas pris une ride. On est tenté d’ajouter : hélas.











Ce qu’il faut de terre à l’homme


(Léon Tolstoï)


I

     La sœur aînée était venue, de la ville, rendre visite à sa cadette vivant à la campagne. La première était mariée à un négociant de la ville, la seconde à un moujik du coin. Tout en buvant du thé, les deux sœurs papotent. L’aînée se mit à fanfaronner, célébrant la vie qu’elle menait en ville : une existence sans privations ni saleté, où les enfants sont bien habillés, où l’on mange et boit des choses délicieuses, où l’on se promène à pied, en traîneau ou en fiacre, sans parler des soirées au théâtre.
     Vexée, la cadette se mit à déprécier le commerce et à louer la paysannerie.
     — Je n’échangerais pas, lui dit-elle, ma vie contre la tienne. Il est vain de penser que nous menons une vie médiocre, et nous, nous ne savons pas ce qu’est l’angoisse. Vous avez une vie plus sophistiquée, mais vos affaires connaissent des hauts et des bas. Et, comme dit le proverbe : bénéfice et déficit voyagent tous les deux dans le traîneau du marchand. Il arrive qu’on soit riche un jour, miséreux le lendemain. Le sort du moujik est plus sûr : l’estomac du moujik est étroit, mais ne lui fait pas défaut ; nous ne sommes pas riches, mais nous avons le ventre plein.
     L’aînée dit alors :
     — Plein de rôti de veau ou de porc ! Ni manières ni commodités ! Ton bonhomme aura beau trimer, vous vivrez et mourrez dans le fumier, et vos enfants prendront la suite.
     — C’est un fait, fit la cadette. Mais nous vivons sereins, sans faire de courbettes devant qui que ce soit, ni craindre personne. Et vous, en ville, vous vivez dans les tentations ; aujourd’hui, tout va bien, mais que survienne demain quelque diable – et voilà ton époux happé par les cartes, la boisson ou quelque jolie femme. Et c’est la ruine. Ça n’arrive jamais ?
     Sur son poêle, Pakhôme – le maître de maison – écoutait les femmes babiller.
     — C’est bien vrai, dit-il. Nous autres, qui travaillons la terre depuis notre enfance, nous n’avons pas de temps pour les lubies. Un seul regret – il y a bien peu de terre ! Avec de la terre à volonté, je n’aurais peur de personne, pas même du diable !
     Ayant fini leur thé, les femmes discutèrent un peu chiffons, rangèrent la vaisselle et s’en allèrent se coucher.
     Or le diable, assis à côté du poêle, avait tout entendu. Il était tout réjoui de ce que la femme du moujik avait entraîné celui-ci à se vanter : ainsi, pour peu qu’il ait de la terre, le diable lui-même ne l'attraperait pas.
     « D’accord, se dit-il, je tiens le pari ; de la terre, je vais t’en donner tout plein. Et je vais t’attraper. »



II

     Une petite propriétaire vivait à côté des moujiks. Elle possédait cent vingt diéciatines1 de terre. Et elle coexistait sans faire d’histoires avec les moujiks. Un soldat à la retraite se fit embaucher chez elle comme intendant, qui se mit à embêter les moujiks à coup d’amendes. Pakhôme avait beau faire attention, tantôt c’était un cheval qui s’égarait dans un champ d’avoine, tantôt une vache qui entrait dans le jardin, ou encore les veaux qui s’égaillaient dans les prés, et ça se terminait à chaque fois par une amende.
     Pakhôme s’acquitte de ses amendes, engueule et rudoie tout le monde chez lui. En un été, ce régisseur fit beaucoup de tort à Pakhôme. Ce dernier préférait même voir son bétail rester dans l’enclos – il fallait le nourrir, mais au moins, on ne recevait pas d’amende.
     L’hiver venu, le bruit se répandit que la propriétaire vendait ses terrains, et que l’autre bandit s’apprêtait à les racheter. En entendant celà, les moujiks poussèrent les hauts cris : « Ce sera encore pire, il va nous faire payer amende sur amende. Il nous faut absolument cette terre, allons tous ensemble voir la propriétaire. » Toute la communauté villageoise vint voir la propriétaire, à qui les moujiks demandèrent de leur vendre à eux la terre. Ils promirent d’en donner un meilleur prix. La propriétaire accepta. Les moujiks tâchèrent de se mettre d’accord pour acheter la terre en commun ; ils tinrent une réunion, puis une autre – rien à faire. Le diable les dresse les uns contre les autres, ils n’arrivent pas à se mettre d’accord. Et ils décident à acheter la terre séparément, chacun selon ses moyens. La propriétaire accepte encore. Pakhôme eut vent de ce que son voisin avait acheté vingt diéciatines, en payant la moitié comptant, et le reste à échéances. Il en éprouva de la jalousie : « Ils vont tout acheter, et moi je resterai sans rien. » Il tint conseil avec sa femme.
     — Tout le monde achète, dit-il, il nous faut acquérir une dizaine de diéciatines. Autrement, c’est la ruine, à cause des amendes payées à l’intendant.
     Ils réfléchirent au moyen d’acheter la terre. Ils avaient cent roubles de côté, ils vendaient un poulain et la moitié de leurs ruches, ils faisaient engager le fils comme ouvrier agricole, lui empruntait à son beau-frère, et ça faisait la moitié du compte. 
     Pakhôme réunit l’argent et jeta son dévolu sur une quinzaine de diéciatines, avec un petit bois, et s’en fut discuter affaires avec la propriétaire. Il obtint un petit rabais, le marché fut conclu et il versa un acompte. Ils allèrent en ville établir le titre d’achat, il versa la moitié  de la somme, en s’engageant à payer le restant sous deux années.
     Et Pakhôme se retrouva avec sa terre. Il acquit des semences et ensemença son terrain ; ça poussait bien. Au bout d’un an, il s’acquitta de sa dette et remboursa son beau-frère. Voilà Pakhôme devenu propriétaire : c’était sa terre qu’il labourait, sa terre qu’il ensemençait, c’était sur sa terre qu’il faisait les foins, les arbres dont il faisait des pieux étaient à lui, son bétail paissait sur ses prés à lui. Il ne peut se lasser d’aller et venir sur sa terre, de la labourer, de regarder les blés pousser et de contempler l’herbe de ses prés. Jusqu’à l’herbe qui, chez lui, pousse autrement, jusqu’aux fleurs qui s’ouvrent avec une grâce particulière. Autrefois, cette terre lui eût paru quelconque, maintenant elle a acquis à ses yeux un statut particulier.


1. La diéciatine mesurait, selon le cas, entre un demi et un peu plus d’un hectare.



III

     Pakhôme est donc bien content. Tout serait pour le mieux si les moujiks voisins ne lui causaient pas de dommages, dans ses champs comme dans ses prés. Il fait appel à leur sens de l’honneur, mais certains ne l’écoutent pas : les vachers laissent partir leurs bestiaux dans ses prés, ailleurs ce sont des chevaux qui sortent de leur pâturage nocturne et s’aventurent dans les cultures. Au début, Pakhôme se contentait de les chasser, et il oubliait, sans saisir la justice ; ensuite, il en eut assez, et alla se plaindre au tribunal de district. Il sait bien que les moujiks ne le font pas exprès, que cela résulte de leur gêne, mais il se dit : « On ne peut pas laisser passer ça, ils vont tout détruire. Il faut leur faire un peu la leçon. »
     Et de leur faire la leçon au tribunal une fois, deux fois, et les amendes de tomber. Les moujiks commencèrent à avoir une dent contre Pakhôme ; ils se mirent à lui nuire sciemment. Une nuit, dans son bois, une dizaine de jeunes tilleuls furent abattus. En se promenant par là, Pakhôme aperçut un vide. S’étant approché, il vit les arbustes par terre, ne restaient en l’air que les petites souches. Le scélérat aurait pu se contenter des bords du taillis, en laisser au moins un, penses-tu, il a tout coupé. Pakhôme se fâcha pour de bon : « Ah, j’aimerais bien savoir qui a fait ça, pour me venger. » Il réfléchit tant et plus, se demandant qui cela peut bien être. « C’est bien le genre de Siemka2, ça. » Il se rendit chez ce dernier, n’y élucida rien, il y eut juste un échange d’invectives. Pakhôme était de plus en plus persuadé que c’était Sémione qui avait fait le coup. Il présenta une requête. Le tribunal s’empara de l’affaire, l’examina – et acquitta le moujik, faute de preuves. Pakhôme, de plus en plus fâché, eut des mots avec l’inspecteur et avec le tribunal.
     — Vous vous mettez du côté des voleurs. Si vous meniez vous-mêmes une vie gouvernée par la justice, vous ne disculperiez pas les voleurs.
     Pakhôme se retrouva fâché avec les juges et avec ses voisins. On le menaça même du coq rouge3. Il avait plus de terre, mais moins d’amis.
     On parlait alors de nouvelles terres où les gens s’installaient. Voilà Pakhôme en train de se dire : « Moi, je n’ai pas besoin de partir, mais si les gens du coin s’en allaient, je pourrais récupérer leurs terres et arrondir la mienne. Ce serait mieux, on est encore trop à l’étroit. »
     Un jour que Pakhôme est chez lui, il reçoit un moujik de passage. On lui donne l’hospitalité, on discute avec lui – d’où vient-il donc ? Le moujik répond qu’il vient des pays de la basse Volga, qu’il y a travaillé. Et le voilà qui raconte, de fil en aiguille, que les gens partent en masse là-bas. Ils s’y établissent, se font enregistrer, on leur donne un lot de dix diéciatines par tête.
     — Une terre si riche que le seigle y pousse tout seul, haut comme un cheval, si dru qu’avec deux-trois poignées de pareilles tiges, on a vite une gerbe dans les mains. Un moujik s’est amené sans rien d’autre que ses bras, à présent, il a deux vaches et six chevaux.
     Pakhôme s’enflamma. « Qu’est-ce que j’ai, à végéter ici, alors qu’on peut avoir la belle vie. Je vais vendre tout ce que j’ai ici et construire avec cet argent une véritable exploitation. Ici, à l’étroit, on n’a que du malheur. Seulement, faut aller démêler ça par moi-même. »
     À l’été, ayant fait ses préparatifs, il partit. Il descendit la Volga sur un vapeur jusqu’à Samara, puis continua à pied, parcourant dans les quatre cents verstes4. Il arriva sur place. Tout est comme l’autre l’avait décrit. Les moujiks ne se marchent pas dessus, on reçoit un lot de dix diéciatines par tête, on vous enregistre et on vous accueille. Et, avec  un peu de sous, on peut acheter, en plus du lot, autant de terre qu’on veut, une fois pour toutes. Autant qu’on veut !
     Ayant tout démêlé, Pakhôme retourna chez lui à l’automne et se mit à vendre tous ses biens. Il revendit sa terre en faisant un bénéfice, vendit sa maison, tout son bétail, se fit rayer du registre du district, attendit le printemps et partit avec sa famille vers leur nouvelle vie.     


2. Diminutif de Sémione.

3. L’expression, initialement anglaise (to make a red cock in someone’s house), fut utilisée en Russie au dix-neuvième siècle et signifie : mettre le feu, allumer un incendie. Michel Cadot, dans sa préface à Maître et serviteur, Nouvelles et récits (1886-1904) Flammarion 1992, signale que l’expression « est usuelle dans la Russie rurale du XIXè siècle pour désigner l’incendie, recours fréquent des paysans poussés à bout par les seigneurs, les intendants, les accapareurs de la période qui suivit l’abolition du servage. La censure tsariste exigea la suppression de ces mots dans la première édition, en 1886. Ils figurent au tome XII des Œuvres complètes. » 
4. La verste mesure 1,1 km.



IV

     Arrivé sur place avec les siens, Pakhôme se fit enregistrer dans un grand bourg. Il régala les Anciens, mit tous ses papiers en règle. On l’accueillit, on lui attribua, pour les cinq âmes que comptait en tout sa famille, cinquante diéciatines de champs divers, mais sans herbage. Pakhôme construisit une maison, acquit du bétail. Il avait trois fois plus de terre que par le passé. Une bonne terre à blé. La nouvelle vie valait dix fois l’ancienne. Il y avait de la terre arable à volonté, du fourrage à foison. On pouvait avoir autant de bétail qu’on voulait.
     Au début, tant qu’il construisait et s’établissait, tout allait bien pour Pakhôme, mais une fois fait à sa nouvelle vie – il se sentit de nouveau à l’étroit. Sur une parcelle d’un cinquième, la première année, il sema du blé – qui vint bien. Emblaver lui plaisait, mais la parcelle était petite. Et la terre ne convient pas. Là-bas, on ensemence les terres en friche, celles où l’herbe pousse. On sème un an, encore un, puis on laisse la terre se reposer et l’herbe repousser. Mais cette terre est très demandée, il n’y en a pas assez. Des disputes s’élèvent à ce sujet ; les riches veulent ensemencer leur terre, les pauvres payent une redevance aux marchands. Pakhôme eut envie d’emblaver davantage. L’année suivante, il alla voir un négociant et lui loua un terrain pour l’année. Il put semer en plus grande quantité, le blé poussait bien ; seulement, c’était loin du bourg – une quinzaine de verstes. Il voit qu’aux alentours les paysans-négociants tiennent des exploitations, s’enrichissent. « Il me faudrait acquérir des terres et me bâtir une ferme. Ça va de pair. » Et Pakhôme réfléchit au moyen d’acquérir de la terre.
     Trois années s’écoulèrent de la sorte. Il louait des terrains et semait du blé. Ce furent de bonnes années, le blé poussait bien, sa bourse se remplissait. Il avait de quoi vivre, mais ça l’ennuyait de payer chaque année pour ses terrains, il avait l’impression de stagner ; des moujiks s’abattaient sur la moindre parcelle de bonne terre ; il arrivait trop tard et  ne sait où semer. Cependant, la troisième année, il partagea avec un négociant l’achat d’un herbage que vendaient des moujiks ; mais ces derniers eurent des ennuis avec la justice, et il dut abandonner l’affaire avant d’avoir pu labourer. « Si j’avais possédé cette terre, je n’aurais eu de compte à rendre à personne, se dit-il, et je m’en serais mieux porté. »
     Et Pakhôme se mit à chercher où l’on pouvait acheter de la terre. Il tomba sur un moujik qui avait eu cinq cents diéciatines mais s’était ruiné et les vendait à bas prix.  Pakhôme se retrouva en bons termes avec lui. Il réfléchit tant et plus – et ils s’entendirent sur un prix de quinze cents roubles, la moitié à tempérament. Ils allaient signer, lorsqu’un marchand de passage fit halte chez Pakhôme pour faire boire ses bêtes. Tout en buvant du thé, les voilà qui bavardent. Le marchand raconte qu’il vient de loin, de chez les Bachkirs. Il avait acheté là-bas cinq mille diéciatines de terre aux Bachkirs – pour mille roubles. Pakhôme lui fait répéter, demande des détails.
     — J’ai simplement joué les bienfaiteurs auprès des Anciens, dit le marchand. Je leur ai offert pour une centaine de roubles de blouses et de tapis, un sac de thé, et j’ai régalé de vin les amateurs. Et ça m’est revenu à vingt kopecks la diéciatine. Mille roubles en tout.
     Il montre son titre d’achat.
     — Le terrain est le long d’une rivière, la steppe est couverte d’herbe.
     Inlassablement, Pakhôme le questionnait.
     — Il y a là-bas tant de terre qu’on n’en ferait pas le tour en un an. Tout ça appartient aux Bachkirs. Ce sont des nigauds, des gens bêtes comme des moutons. On peut s’en tirer avec eux pour trois fois rien.
     « Bon, se dit Pakhôme, qu’est-ce que je fabrique ici, avec mes cinq cents diéciatines pour un millier de roubles et une dette par-dessus le marché, alors qu’il y a moyen, toujours pour mille roubles, d’acquérir bien davantage ! »



V

     Pakhôme se fit expliquer comment aller là-bas et, dès qu’il eût raccompagné le marchand, se mit à préparer son départ. Laissant les clés de la maison à sa femme, il partit avec un valet. En ville, ils achetèrent un sac de thé, des cadeaux, du vin, tout ce qu’avait raconté le marchand. Ils parcoururent cinq cent verstes. En une semaine, ils furent chez les nomades, en territoire bachkir. Le marchand n’avait pas menti. Ces gens vivent à même la steppe, au-dessus de la rivière, dans des tentes de feutre. Ils ne labourent pas et ne mangent pas de pain. Leur bétail vadrouille dans la steppe, de même que les troupeaux de chevaux. Les poulains sont attachés à l’arrière des tentes. On ramène deux fois par jour leurs mères les nourrir ; on trait les juments, on fabrique du koumys5 avec le lait. Les femmes brassent le koumys et en font du fromage, tandis que les hommes se contentent de boire du koumys et du thé, de manger de la viande de mouton et de jouer du chalumeau. Ils ont tous l’air bien nourris et gais, ils font la fête tout l’été. Ce sont des gens arriérés, qui ne parlent pas russe, mais ils sont gentils.
     À peine eurent-ils aperçu Pakhôme,que les Bachkirs sortirent de leurs tentes et vinrent entourer leur hôte. Un interprète apparut. Pakhôme lui dit qu’il était venu pour du terrain. Les Bachkirs se réjouirent et, attrapant Pakhôme, l’amenèrent dans une tente de belle allure, l’installèrent sur des tapis, l’adossèrent à des coussins remplis de duvet, s’assirent en rond autour de lui et se mirent à l’abreuver de thé et de koumys. Ils découpèrent des tranches de viande de mouton, qu’ils lui donnèrent à manger. Pakhôme sortit ses présents de la tarantass6  et se mit à les distribuer. Il leur offrit ses cadeaux et partagea le contenu du sac de thé. Les Bachkirs étaient contents. Ils discutèrent entre eux un petit moment, puis demandèrent à l’interprète de traduire.
     — Ils te font savoir, dit l’interprète, qu’ils ont de l’affection pour toi et que, chez nous, la coutume est de rendre les présents reçus et de faire plaisir à notre hôte de toutes les manières. Tu nous as gratifiés de cadeaux ; à présent, à toi de dire ce qui, de notre part, te ferait plaisir.
     — Plus que tout autre chose, répondit Pakhôme, la terre me plaît, chez vous. Chez nous, il n’y a pas de terre en grande quantité, et elle a déjà été pas mal labourée, alors que vous en avez beaucoup, et c’est de la bonne terre. Je n’en ai jamais vu de pareille.
     L’interprète rapporta ses paroles. Les Bachkirs papotèrent entre eux un moment. Pakhôme ne comprend pas ce qui se dit, mais il les voit manifester de la joie, pousser des cris et rire.  Ils s’apaisent enfin, observent Pakhôme tandis que le traducteur déclare :
     — Ils te font dire qu’ils seront heureux, pour te rendre tes bontés, de t’offrir ce que tu désires comme terre. La terre que tu indiqueras sera à toi.
     Ils se remirent à parler entre eux, une discussion s’éleva. Pakhôme demanda à propos de quoi. L’interprète lui dit :
     — Certains veulent absolument demander son avis à l’Ancien, au sujet de la terre. Pour d’autres, on peut s’en passer.


5. Boisson fermentée.
6. Voiture à quatre roues.



VI

     Les Bachkirs discutent, et soudain apparaît un homme portant une toque de renard. Tous se levèrent et firent silence. L’interprète explique :
     — Voici l’Ancien en personne.
     Pakhôme se dépêcha de lui apporter sa meilleure blouse, ainsi que plusieurs livres de thé. L’Ancien les accepta et s’assit à la place d’honneur. Et les Bachkirs commencèrent à lui parler. L’Ancien écoutait, écoutait toujours, à la fin il les fit taire d’un signe de tête et s’adressa en russe à Pakhôme.
     — Mais oui, dit-il, c’est possible. Prends ce qui te plaît. Il y a beaucoup de terre.
     « Comment ça, se dit Pakhôme, prendre autant de terre que je veux. Il faut trouver un moyen de fixer les choses. Sinon, après m’avoir dit que la terre m’appartenait, ils vont me la reprendre. »
     — Je vous sais gré, dit-il, de vos bonnes paroles. Vous avez en effet beaucoup de terre, moi, il m’en faut juste un peu. J’aurais seulement besoin de savoir où sera exactement ma terre. Il faut quand même la mesurer et me l’attribuer. Car Dieu décide de la vie et de la mort. Vous êtes de braves gens et m’offrez cette terre, mais vos enfants pourraient me la reprendre.  
     — Tu as raison, fait l’Ancien – on peut fixer tout cela.
     Alors, Pakhôme déclara :
     — J’ai entendu parler d’un marchand ayant été votre hôte. Vous lui avez aussi offert de la terre, et lui avez donné un titre de propriété. ; je voudrais que ce soit pareil pour moi.
     L’Ancien comprit sa demande.
     — On peut faire tout ça, dit-il. Nous avons même un scribe, nous irons en ville apposer les cachets.
     — Et quel sera votre prix ? demanda Pakhôme.
     — Notre prix est toujours le même : mille roubles pour une journée.
     Perplexité de Pakhôme.
     — Quelle mesure est-ce donc là – une journée ? Cela fera combien de diéciatines ?
     — Nous ne pouvons le prévoir. Mais nous vendons un lot d’une journée ; la terre dont tu pourras faire le tour en une journée sera à toi, pour mille roubles.
     Étonnement de Pakhôme.
     — C’est qu’on peut en faire, du chemin, en une journée, dit-il, ça fera un grand terrain.
     L’Ancien se mit à rire.
     — Tout ça sera à toi ! fit-il. Avec l’unique clause suivante : si à la fin de la journée tu n’es pas revenu à ton point de départ, tu perds ton argent.
     — Cela va de soi, dit Pakhôme. Il faudra que je mette des marques ?
     — Nous resterons tous à l’endroit que tu auras choisi comme point de départ, pendant que tu tourneras ; emmène une bêche et marque les angles que tu choisiras en dégageant un peu la terre et en plaçant de petits bouts de tissu, on reliera ensuite tes emplacements avec la charrue. Tu te déplaces à ta guise, mais tu dois être revenu à ton point de départ avant le coucher du soleil. Tout ce que tu auras délimité t’appartiendra.
     Pakhôme était aux anges. On le ferait sans attendre. On discuta, on but encore du koumys, on mangea du mouton en buvant du thé une fois de plus ; à la nuit, laissant Pakhôme sur un lit de plumes, les Bachkirs se séparèrent. On devait se réunir le lendemain à l’aube, pour arriver sur place avant le lever du soleil.



VII

     Étendu sur sa couche de duvet, Pakhôme n’arrive pas à dormir, il ne cesse de penser à la terre. « Je vais me tailler un grand domaine. Je peux bien parcourir une cinquantaine de verstes en une journée. Une journée, en ce moment. Dans les cinquante verstes de pourtour.  La terre la moins bonne, je la vendrai ou je la laisserai aux moujiks, je garderai la meilleure, je m’y installerai. Deux bœufs pour tirer la charrue, embaucher deux ouvriers ; je labourerai une cinquantaine de diéciatines, le reste servira à engraisser du bétail. »
     Pakhôme ne put fermer l’œil de la nuit. Il s’assoupit juste avant l’aube. Et fit un rêve. Il se voit étendu dans la tente qu’il occupe présentement, et entend rire aux éclats au dehors. Désireux de savoir qui rit si fort, le voilà debout, sortant de la tente, et que voit-il –  le vieux Bachkir, l’Ancien, assis devant la tente, se tenant le ventre à deux mains et pleurant de rire. S’approchant, il lui demande : « Qu’est-ce qui te fait rire ? » Mais à présent, ce n’est plus le vieux Bachkir, c’est le marchand qui apparaît, celui qui lui a parlé de la terre. À peine lui a-t-il demandé : « Tu es ici depuis longtemps ? » que l’autre a changé de forme, c’est le moujik qui lui avait parlé des bonnes terres de la basse Volga. Puis, ce n’est plus le moujik, qui est assis, c’est le diable en personne, avec des cornes et des sabots, il est perdu de rire, et derrière lui est étendu un homme en chemise et culotte,  pieds nus. Qui est-ce donc ? Et Pakhôme se rend compte que cet homme mort – c’est lui-même. De frayeur, Pakhôme se réveilla. Il se réveille : « On fait de ces rêves » , se dit-il. Il regarde autour de lui et voit, par l’ouverture, que l’obscurité commence à se dissiper. « Il faut réveiller tout le monde, il est temps d’y aller. » pense-t-il. S’étant levé, Pakhôme s’en fut réveiller le valet dormant dans la tarantass, lui ordonna d’atteler et partit réveiller les Bachkirs.
     — Il est temps d’aller arpenter la steppe, fait-il.
     Les Bachkirs se levèrent, se rassemblèrent et l’Ancien se montra. Ils se mirent à boire du koumys et voulurent servir du thé à Pakhôme, mais ce dernier ne tenait pas en place et dit :
     — Si l’on doit y aller, allons-y. C’est l’heure.     



VIII

     Ayant fait leurs préparatifs, les Bachkirs sautèrent à cheval ou s’installèrent dans des carrioles, et tout le monde partit. Pakhôme et son valet étaient dans leur tarantass, ils avaient pris une bêche. Ils débouchèrent dans la steppe alors que le jour pointait. Ils arrivèrent sur un petit mamelon, ce qui, en bachkir, se dit chikhan. Ils sortirent des carrioles et de la tarantass, descendirent à bas de cheval et se regroupèrent. L’Ancien s’approcha de Pakhôme et il étendit la main.
     Voilà, dit-il, tout ça nous appartient, à perte de vue. Prends ce que tu veux.
     Les yeux de Pakhôme brillèrent : devant lui s’étendait une terre à herbe, plate comme la paume, noire comme le pavot, avec des vallons recouverts de hautes herbes d’espèces variées, de quoi y enfoncer jusqu’à la poitrine.
     L’Ancien enleva sa toque de renard et la posa par terre.
     Voilà le repère, dit-il. Tu pars d’ici, tu reviens ici. Tout le terrain dont tu auras fais le tour sera à toi. 
     Pakhôme sortit son argent, le mit dans le bonnet de fourrure, enleva son caftan, gardant son gilet plissé à la taille. Il serra sa ceinture sous son ventre et ajusta le tout. Il se mit sur la poitrine un petit sac contenant du pain, attacha un petit bidon d’eau à sa ceinture, rajusta ses bottes, prit la bêche des mains de son valet et se prépara à partir. Il se demandait quelle direction prendre – elles se valaient. « Peu importe : je pars dès le lever du soleil » se dit-il. Il se tourna vers le levant, marcha un peu pour se dégourdirt les jambes et attendit que le soleil se montre à l’horizon. En se disant : « Il ne faudra pas perdre de temps. Profiter de la fraîcheur. matinale » À peine le soleil surgi, Pakhôme se mit la bêche à l’épaule et partit dans la steppe.
     Pakhôme avançait d’un pas égal, sans lambiner ni forcer l’allure. Ayant parcouru une verste, il s’arrêta, creusa un trou et y déposa deux étoffes l’une sur l’autre, pour que ce soit plus visible. Il reprit sa marche. Se sentant les jambes plus alertes, il augmenta son allure. Il parcourut encore une certaine distance et creusa un deuxième trou.
     Pakhôme se retourne. Le chikhan est bien visible, Pakhôme aperçoit les gens regroupés là-bas, ainsi que les roues de la tarantass, dont les pneus brillent au soleil.
     Pakhôme estime avoir parcouru dans les cinq verstes. Commençant à avoir chaud, il a retiré son gilet, l’a jeté sur son épaule et s’est remis en chemin. Encore quatre ou cinq verstes. Il fait chaud. Au soleil, c’est l’heure du petit déjeuner.
     « Un intervalle de labour s’est écoulé7, se dit-il. La journée en compte quatre, c’est trop tôt pour tourner. Mais je vais me déchausser. » Il s’assit pour enlever ses bottes, qu’il mit à sa ceinture, et poursuivit. Il se sentait mieux. « Je fais encore six ou sept verstes avant de marquer un coin et de prendre à gauche. L’endroit est excellent, ce serait dommage d’abandonner. Plus j’irai loin, mieux ce sera. » Il poursuivit droit devant lui. Se retourna – le chikhan se distingue mal, les gens ont l’air de fourmis, quelque chose de noir se détache, brillant à peine.
     « Bon, se dit Pakhôme, de ce côté-là, ça suffit ; il est temps de tourner. Et puis, je suis en nage, j’ai soif. » S’étant arrêté, il creusa un autre trou, y mit le bout de tissu, décrocha le bidon, but un coup et partit carrément sur la gauche. Il marchait, et l’herbe se fit haute, et la chaleur forte.
     Pakhôme se sentit fatigué ; un coup d’œil au soleil, c’est l’heure du déjeuner. « Bon, pense-t-il, reposons-nous un peu. » Il fit halte et s’accroupit pour manger un bout de pain et boire de l’eau, mais ne s’allongea pas : c’était risquer de s’endormir. Il resta un moment sur place, puis se remit en marche. Au début, il se sentit mieux. Manger lui avait redonné des forces. Il faisait horriblement chaud et le soleil commençait à décliner. ; il va toujours, s’encourageant : un mauvais moment à passer, toute une bonne vie ensuite.
     Il parcourut encore une longue distance et, au moment de prendre de nouveau à gauche, un petit vallon humide se montra à proximité ; dommage de perdre ça. « Le lin poussera superbement, par ici. » Il continua tout droit. Ayant pris possession du vallon, il creusa un trou et marqua le deuxième angle. Pakhôme se retourne en direction du chikhan : une brume de chaleur s'est levée, quelque chose tremblote dans l’air, on voit à peine les gens sur le chikhan, à travers cette brume – il est à une quinzaine de verstes d’eux. « Bon, se dit Pakhôme, mes deux premiers côtés sont un peu longs, il faut raccourcir celui-ci. » Il suivit ce troisième côté, en pressant l’allure. Il jeta un coup d’œil au soleil – c’était bientôt l’heure du goûter, et il n’avait parcouru que deux verstes dans sa nouvelle direction. . Et il restait une quinzaine de verstes à faire pour revenir à son point de départ. « Mon terrain ne sera peut-être pas au carré, en tous cas, là, il faut se dépêcher. Ne rien prendre de superflu. J’ai déjà beaucoup de terre. » Pakhôme se dépêcha de creuser un trou et tourna en direction du chikhan.


7. Temps durant lequel le cheval de labour peut tirer la charrue avant qu’on ne doive lui donner à manger.



IX

     Pakhôme se dirige droit sur le chikhan, mais la marche lui est devenue pénible. Il est tout en sueur, il a des coupures aux pieds, ils lui font mal. Il a envie de souffler, mais il n’en est pas question, sinon il ne sera pas revenu avant le coucher du soleil. Le soleil ne veut rien savoir, il est de plus en plus bas. « Ah, se demande-t-il, n’ai-je pas commis une erreur, en prenant toute cette terre ? Et si le temps me manquait ? » Il regarde droit devant, vers le chikhan, puis vers le soleil : celui-ci achève sa course, tandis que celui-là est encore loin.
     Pakhôme avance toujours, à grand peine, en pressant le pas. Il est loin, il est encore loin ; il trotte, à présent. Il a jeté son gilet, ses bottes, son bidon, son bonnet, il n’a gardé que la bêche, qui lui sert de canne. « Ah, se dit-il, j’ai été trop glouton, j’ai tout gâché, je n’y serai jamais avant le coucher du soleil. » L’effroi lui coupe la respiration. Il court, Pakhôme, la sueur colle sa chemise et sa culotte à sa peau, il a la bouche desséchée. Sa poitrine enfle comme un soufflet de forge, son cœur bat comme un marteau, il a les jambes rompues – elles ne lui appartiennent déjà plus. Il est terrifié, se dit que ce trop grand effort pourrait bien le tuer.
     Il a peur de mourir, mais ne peut s’arrêter. « J’ai tellement couru, si je m’arrête maintenant, j’aurai l’air idiot. » Il court, il court, le voilà proche du but, il entend les cris perçants des Bachkirs, cette clameur qui s’adresse à lui et lui dilate encore plus le cœur. Il court, Pakhôme, il jette ses dernières forces, mais le soleil s’abaisse toujours, le brouillard commence à le cacher. Le soleil est près de disparaître, le tertre n’est plus très loin. Pakhôme y voit les gens lui faire de grands signes pour lui dire de se hâter. Il aperçoit la toque de renard avec l’argent par terre ; il aperçoit aussi l’Ancien, assis, soutenant son ventre de ses mains. Et Pakhôme se souvient de son rêve. « J’ai beaucoup de terre, encore faut-il que Dieu me laisse y vivre, pense-t-il. Oh, je me suis perdu moi-même, je n’y arriverai jamais. »
     Encore un coup d’œil vers le soleil, celui-ci a rejoint la terre, un pan a déjà disparu, le reste n’est plus qu’une échancrure. Pakhôme redouble d’efforts, son corps se penche vers l’avant, ses jambes le portent à grand peine, il manque de tomber. Pakhôme approche du chikhan, il fait soudain sombre. Il regarde – le soleil s’est couché. Pakhôme pousse un cri. « Tant de peine pour rien. » Il a envie de s’arrêter, mais il entend les cris des Bachkirs, il se rappelle qu’il est en contrebas, du chikhan on voit encore le soleil. Hors d’haleine, il se rue vers le chikhan. La lumière y règne encore. Il court, il court, voici le bonnet de fourrure. Derrière, est assis l’Ancien, perdu de rire, se tenant le ventre à deux mains. Pakhome se rappelle son rêve, il pousse un cri, ses jambes se dérobent, il s’écroule en avant, ses mains atteignant le bonnet.
     — Ah, bravo ! s’écrie l’Ancien. Te voilà avec beaucoup de terre !
     Accouru, le valet va pour relever Pakhôme, mais la bouche de celui-ci laisse échapper un filet de sang, il gît, mort.
     Les Bachkirs firent claquer leur langue et le plaignirent.
     Le valet ramassa la bêche, creusa pour Pakhôme une tombe qui demanda tout juste, de la tête aux pieds, trois archines8, et l’enterra.



8. Un peu plus de deux mètres. Dans l'une de ses nouvelles, Tchékhov fait allusion à ces trois archines et au conte de Tolstoï : Dans le deuxième volet (Les groseilles à maquereau) de sa trilogie de 1898, Tchékhov – à qui il arrive de débattre avec Tolstoï par livres interposés – revient sur la question à sa manière, avec l’humanisme  industrieux et un peu fleur bleue – nous avons des raisons d’être plus sceptiques – et l’optimisme têtu qui, chez lui, alternent avec les accès de pessimisme et de mélancolie :

« C’était un homme bon et gentil, je l’aimais, mais son rêve de se cloîtrer dans un chez-soi ne m’a jamais plu. On dit que l’homme n’a besoin que de trois archines* de terre. Mais trois archines, c’est bon pour un cadavre, pas pour un homme. On dit aussi, de nos jours, que c’est une bonne chose que notre intelligentsia ait un penchant pour la terre et aspire à posséder une propriété à la campagne. Mais avec ces propriétés, on retombe sur les trois archines de terre. Quitter la ville, s’extraire de la lutte et de l’agitation quotidiennes, se replier et disparaître sur ses terres, ce n’est pas vivre, c’est une réaction égoïste et paresseuse, cela se rapproche de la vie des moines, mais de moines n’accomplissant aucun exploit. À l’homme il ne faut pas trois archines de terre, ni son coin de campagne, mais la totalité du globe terrestre, la nature entière, de quoi déployer largement ses capacités et réaliser en toute liberté sa propre nature. »


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